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Pourquoi les «règles d’or» financières ne fonctionnent pas?

Institut de planification financière|Publié le 28 octobre 2022

Pourquoi les «règles d’or» financières ne fonctionnent pas?

Les lois non écrites ont pu être pertinentes à un moment donné. (Photo: 123RF)

EXPERT INVITÉ. Depuis quelques années, plusieurs expertises se sont démocratisées, notamment grâce au développement de nouvelles technologies. Certains tentent désormais d’effectuer des tâches par eux-mêmes plutôt que de faire appel à un expert du domaine, par exemple des rénovations mineures ou une déclaration de revenus. La planification financière n’y échappe pas. Pourquoi ne pas utiliser une application, ou suivre les conseils des différents «experts» sur les réseaux sociaux?

Le danger avec ça, c’est de ne pas savoir quels conseils sont les bons pour soi.

 

Les règles d’or

Dans le domaine des finances personnelles, les principes immuables que l’on peut généraliser à l’ensemble de la population sont rares. Lorsqu’il y en a, il s’agit plus souvent de raccourcis qui se transfèrent de bouche à oreille au fil du temps ou de lois non écrites qui ont pu être pertinentes à un moment donné.

Voici quelques exemples de règles d’or financières :

– La portion de l’allocation d’actifs dédiée à la croissance du capital devrait représenter 100 — l’âge de l’investisseur (par exemple, une personne de 70 ans devrait selon cette théorie investir 100 — 70 = 30% de son portefeuille en titres de croissance).

– Il faut épargner 10% de son salaire annuel pour financier sa retraite.

– Le coût de vie au début de la retraite équivaudrait à 70% du salaire en fin de carrière.

La règle des 4%

Attardons-nous à la règle d’or popularisée il y a près de 30 ans voulant qu’à la retraite, il faille décaisser 4% de ses épargnes chaque année.

Elle a été énoncée en 1994 par William Bengen, un chercheur américain et conseiller dans le domaine financier. Selon ses analyses, en décaissant annuellement un maximum de 4% de tous ses actifs pendant la retraite, en tenant compte des rendements, cela permettrait de faire durer le capital sur un horizon de 30 ans et plus. L’article et l’étude, très populaires à l’époque, sont restés très présents dans le monde de la littératie financière.

Cependant, il est important d’y apporter des nuances et de remettre le tout en contexte. Par exemple, la stratégie d’investissement pour la retraite utilisée dans l’étude se résumait à investir 50% dans les actions américaines et l’autre 50% dans des obligations américaines de longue échéance. Il n’y avait donc que très peu d’exposition aux marchés internationaux et à d’autres classes d’actifs.

De plus, la période de référence choisie, soit de 1926 à 1976, inclut la période des «30 glorieuses», soit les 3 décennies suivant la fin de la 2e guerre mondiale, de 1946 à 1975. Cette période fut marquée par une grande croissance économique dans les divers pays industrialisés, une hausse importante du niveau de vie et des marchés boursiers vigoureux.

Ce n’est pas le contexte que l’on connaît actuellement et probablement pas celui que l’on verra pour les 30 prochaines années. De plus, cette règle ne tient pas compte de divers autres facteurs, tels que :

– L’espérance de vie et, de ce fait, la durée de la retraite, une variable vraiment importante en planification financière.

– Le niveau d’inflation, qui évoluait souvent à l’intérieur de la fourchette prévue de 1% à 3% par la Banque du Canada; les projections pour les prochaines années sont un peu plus élevées.

– La tolérance aux risques et le profil de l’investisseur, qui influencent la proportion du portefeuille investi dans les titres de croissance et donc le rendement.

– La répartition dans les divers véhicules et les actifs producteurs de revenus : placements non enregistrés, comptes enregistrés, régimes de pension agréés, actifs immobiliers, etc. Les effets du décaissement sont variables quand on considère la fiscalité.

– Le niveau et style de vie ainsi que les préférences des retraités; vouloir voyager à l’étranger durant quelques mois annuellement aura fort probablement un impact plus important sur le coût de vie que de vouloir visiter des endroits plus à proximité et moins exotiques.

– Les fluctuations de marchés et la séquence des rendements, car débuter la retraite dans un marché haussier est très différent que de faire face à une baisse des marchés pendant les premières années de la retraite.

 

Conclusion

La planification financière, plus particulièrement la planification de la retraite, nécessitent un niveau de précision important; c’est du cas par cas. Il serait mal avisé de se fier sur des règles d’or généralisées. Le meilleur conseil demeure de consulter un planificateur financier, qui sera en mesure de bien cerner les objectifs spécifiques et qui aura une vision d’ensemble de la situation du client. Ensemble, ils pourront établir un plan financier personnalisé qui mènera le client vers une retraite selon ses objectifs.

Salomon Gamache, LL.M. Fisc., Pl. Fin., CLU, CIM, FCS