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Retraite hâtive : comment éviter de survivre à son épargne

Tania Strebel|Édition de la mi‑septembre 2024

Retraite hâtive : comment éviter de survivre à son épargne

(Photo: Adobe Stock)

EXPERTE INVITÉE. L’idée de prendre une retraite anticipée séduit un nombre croissant de personnes, comme l’a illustré l’émergence du mouvement FIRE (Financial Independance, Retire Early, que l’on pourrait traduire par Indépendance financière, retraite précoce) ces dernières années.

Les adeptes de cette idée épargnent massivement en vue de quitter le marché du travail bien avant l’âge traditionnel. Mais cesser d’engranger des revenus d’un emploi rémunéré à 40 ans ou plus tôt représente-t-il un projet viable sans que votre sécurité financière à long terme soit compromise ?

C’est la question qui nous a été posée récemment par un épargnant dans la mi-trentaine qui souhaite atteindre l’indépendance financière dans seulement trois ans.

Règle du 4 % : pas la solution universelle

La règle du 4 % — une formule de base popularisée par le conseiller financier Bill Bengen dans les années 1990 suggérant que les retraités peuvent retirer en toute quiétude une telle proportion de leurs économies annuellement sans épuiser leur épargne prématurément — ne peut être suivie par les adeptes de la retraite anticipée. Pourquoi ? Parce que cette règle appréciée pour sa grande simplicité a été conçue pour le retraité classique, soit la personne qui arrête de travailler à 65 ans et qui se la coule douce pendant environ 30 ans. Elle se révèle en effet inappropriée pour les épargnants qui aspirent à se retirer de la vie active de façon hâtive.

Imaginez une professionnelle qui arrête de travailler à 40 ans. Selon l’Institut de planification financière, une femme dans la quarantaine a 50 % de probabilités de vivre jusqu’à 92 ans, et 10 % de chances d’atteindre l’âge vénérable de 100 ans. Si elle amorce sa retraite aussi tôt, elle devra s’assurer d’avoir un capital qui couvrira son train de vie pour potentiellement plus de 50 ans ! Voilà une période qui va bien au-delà des 30 ans prévus par la règle du 4 %.

Adaptez la règle à votre réalité

Quelle est donc la formule prudente que les jeunes retraités devraient adopter ? Pour favoriser la durabilité des ressources financières à très long terme, il s’avère impératif de décaisser ses épargnes à des taux inférieurs à ceux traditionnellement recommandés. D’après l’analyse publiée sur le blogue Early Retirement Now, de Karsten Jeske, un économiste ayant travaillé pour une grande firme de recherche à Wall Street, un taux de décaissement annuel de 3,5 % ou moins est conseillé pour un jeune retraité détenant plus de 75 % de son portefeuille en actions.

Mais, comme c’est toujours le cas lorsqu’il est question de finances personnelles, ça dépend.

La pondération en actions d’un portefeuille joue un rôle crucial dans le succès d’une stratégie de décaissement. Favoriser une pondération élevée en actions peut sembler la démarche la plus judicieuse, car elle protège davantage le portefeuille contre les risques de longévité. En effet, les actions ont historiquement offert des rendements supérieurs aux autres catégories d’actifs à long terme, même en considérant les périodes de surévaluation ou de baisse.

Toutefois, il s’avère essentiel d’insister sur le fait qu’une pondération à 75 % ou plus en actions n’est pas adaptée à la tolérance de tous les épargnants puisque son succès dépend de la capacité à maintenir cette stratégie, beau temps mauvais temps.

Selon les projections fournies par Karsten Jeske, un portefeuille dont la pondération en actions s’élève à plus de 75 % et dont le taux de décaissement se situe à 3,5 % a des probabilités de succès supérieurs à 97 % sur 60 ans. Ce taux de succès indique que dans la majorité des scénarios, le solde du portefeuille demeure positif jusqu’au décès de l’épargnant.

Si l’allocation en actions du retraité se situe plutôt entre 50 % et 74 %, il faudrait alors réduire le taux de décaissement à 3,25 % pour espérer une probabilité de succès comparable sur la même période. Une telle diminution du taux de décaissement est essentielle, car elle permet de compenser le potentiel de croissance moindre du portefeuille.

Avant de passer à l’action

Avez-vous défini un taux de décaissement soutenable et disposez-vous d’une valeur nette suffisante pour assurer votre retraite ? Dans ce cas, la règle des 3,5 % est très simple à mettre en œuvre puisqu’elle s’applique une fois seulement, au début de la retraite. Par exemple, avec un portefeuille dont la valeur s’élève à 1 million de dollars, un nouveau retraité pourrait vivre avec un décaissement brut maximal de 35 000 $ lors de la première année.

Ce montant sera ensuite ajusté en fonction de l’inflation chaque année. Considérant un taux d’inflation de 2,1 %, par exemple, le retrait à l’année deux passerait à 35 735 $, et ainsi de suite. Cette formule permet de maintenir le pouvoir d’achat tout au long de la retraite sans se soucier des fluctuations des marchés. Elle procure ainsi une certaine stabilité de la qualité de vie à long terme.

Plus la période de retraite est longue, plus la prudence s’impose étant donné le nombre de facteurs impondérables qui peuvent survenir. Même si vous pensez être en mesure de maintenir un coût de vie faible tout au long de votre retraite, personne n’est à l’abri de dépenses imprévues qui viennent chambouler les plans. Compter sur des marges de manœuvre, comme un actif immobilier qui peut être vendu au cours de la retraite, par exemple, contribue à diminuer les probabilités que vous épuisiez votre épargne prématurément. Mais qui sait, peut-être que votre rêve de retraite hâtive est plus réaliste que vous ne le pensez.