Ambition et création vont de pairs pour le directeur des cérémonies des Jeux de Paris
Emmanuel Martinez|Mis à jour le 23 octobre 2024«On a voulu mettre la création au cœur de tout ce qu'on a fait pendant ces Jeux de Paris», affirme le directeur des cérémonies des Jeux de Paris, Thierry Reboul. (Photo: Stéphanie Billarant)
La grande leçon que retient Thierry Reboul, le directeur des cérémonies des Jeux olympiques de Paris, c’est que l’ambition et la création permettent de rassembler, d’unir et de s’élever.
Le grand manitou des différentes cérémonies des Jeux de Paris, dont la très célébrée cérémonie d’ouverture sur la Seine, est de passage à Montréal comme invité de l’événement Hub Montréal où il s’entretiendra avec l’animatrice France Beaudoin dans le cadre d’une conférence publique. Depuis la France, il a accepté de répondre à nos questions avant de traverser l’Atlantique.
Quand vous regardez en arrière, qu’est-ce que vous avez appris durant ces six années au comité olympique?
Que l’ambition n’est pas morte, qu’on peut encore avoir de l’ambition dans nos sociétés développées, malgré les polémiques, malgré les désaccords, qu’on peut encore être unis et rendre les gens fiers, et que cette fierté puisse justement créer une unanimité.
Je crois qu’on avait fini par en douter, donc j’ai appris quelle était la force d’un événement comme ça pour redonner conscience et refaire la démonstration que ce pays avait encore la possibilité d’être dans l’unanimité et de faire de grandes choses.
Et cette unanimité-là, selon vous, elle vient de la diversité de la présentation?
Oui, je pense qu’elle vient de l’ambition de la cérémonie et de la fierté qu’ont eues les Français à être représentés avec cette ambition et cette créativité. En tout cas, cette originalité d’avoir été le pays qui fait une première cérémonie aussi folle, si vous pouvez me passer l’expression. Je crois que ça, les Français en ont été fiers. Ça, c’était la grande leçon que l’on a tous tirée : le pays a l’air d’être divisé, mais il est encore capable de se rassembler.
Croyez-vous que la réussite d’un événement comme la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques renforce l’importance de la créativité dans l’événementiel ou même dans un lancement d’une marque?
Oui, c’est ce qu’on a essayé de faire. On a voulu mettre la création au cœur de tout ce qu’on a fait pendant ces Jeux de Paris. C’était la première fois d’ailleurs qu’un comité d’organisation des Jeux olympiques créait une direction de la création. Donc ça montre l’attachement que Paris 2024 avait par rapport à l’importance de la création. Nous, la création, on a essayé de la mettre partout comme avec cette première cérémonie d’ouverture hors du stade, dans la ville, en mettant des épreuves de surf à Tahiti, en ayant les remises de médailles près de la tour Eiffel, etc.
Comment voyez-vous la place du numérique dans les cérémonies, mais aussi dans l’événementiel plus généralement?
Aujourd’hui, la place du numérique est acquise. Nous, à la limite, on a voulu renforcer la place de la notion de spectacle vivant, puisque c’était sans doute un des plus grands spectacles en direct qui aient jamais existé. Le numérique quelque part il est intégré partout, tout autour, il est devenu comme un des éléments. Donc on était bien évidemment entourés de l’ensemble de cette culture numérique, mais ce qu’on a voulu clairement mettre en avant, c’était vraiment le spectacle vivant.
Je pense que le numérique manque parfois de sens. C’est certainement un des défis majeurs du numérique pour que ça ne soit pas que quelque chose qui soit technologique, mais qui devienne plus comme quelque chose qui nous apporte du sens, de la compréhension et des éléments dont on a besoin pour améliorer justement ce vivre ensemble.
Et quel conseil donneriez-vous à ceux qui veulent créer un événement?
De faire preuve d’ambition et de suivre ce en quoi ils croient. Je pense que c’est une des leçons. On a été beaucoup critiqués, on a tenu bon devant ces critiques, notamment des médias. Mais je pense qu’avoir une idée et suivre soit son intuition, soit sa conviction, c’est le conseil que je donnerais. C’est de ne pas se laisser trop influencer par l’extérieur.
Il y a eu des controverses liées au contenu de la cérémonie d’ouverture. Est-ce que cela a rendu l’expérience un peu amère pour vous? Avez-vous l’impression de ne pas avoir été compris?
Les polémiques, il y en a toujours. On les a un peu subies, puisque ce n’est en plus pas du tout ce qu’on voulait dire. Mais quand le truc est parti, vous savez, sur les réseaux sociaux, c’est très compliqué de l’arrêter, même en expliquant que les gens se trompent et que ce n’est pas l’intention. Donc après, on l’a subie, sans trop s’en faire, puisque 95% de la cérémonie avait été plébiscitée en France et à l’international.
Donc finalement, tout ça n’était pas si grave que ça.
Est-ce que ces polémiques et ces commentaires sur les réseaux sociaux vous ont surpris?
Ça m’a surpris, surtout à partir du moment où ce n’est pas ce qu’on voulait dire. Par exemple, de nous parler du fait religieux alors qu’on évoquait une fête païenne et du dieu Dionysos, le dieu du vin.
Je crois qu’on s’est exprimé sur ce sujet-là, à de nombreuses reprises pour essayer de bien expliquer ce qu’on avait voulu faire. Après, il y a des gens qui veulent entendre et des gens qui ne veulent pas entendre.
Est-ce que vous pensez que quelqu’un qui organise une cérémonie ou qui lance une marque doit se préparer justement à avoir un auditoire qui ne va pas comprendre ce qui est dit et donc de devoir un peu réagir en fonction de ça?
Oui, puisque parfois, même quand on comprend très bien et que tout le monde comprend très bien, il y en a quand même de petites minorités, mais assez agissantes, qui vont chercher à créer de la confusion.
Donc, il ne faut pas s’en étonner aujourd’hui. Il faut qu’on vive tous avec, malheureusement. Mais nous, ce qu’on a cherché à faire vraiment, tout le long des douze tableaux que l’on a mis en scène, c’était aussi de donner des éléments différents de ce qui composait à la fin une mosaïque d’une nation.
Une nation, ça ne pense pas la même chose, ça n’a pas forcément la même opinion sur un tas de sujets. Afin de créer le vivre ensemble, on a voulu que tout le monde puisse s’y retrouver. On sait que certains aimeraient plus certains tableaux, d’autres certains autres tableaux. C’est ce qui fait la nation, donc c’était aussi quelque chose qu’on voulait exprimer sur ce qui peut faire la France.