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Ce que la pandémie a appris à Pfizer

Karl Moore|Publié le 17 février 2021

Ce que la pandémie a appris à Pfizer

(Photo: 123RF)

BLOGUE INVITÉ. Dire que la mise au point du premier vaccin efficace contre les coronavirus est une chose difficile serait un euphémisme. De la production à la distribution, le chemin est truffé de défis, le dernier en date étant les retards de distribution en Europe et au Canada, pendant que Pfizer modernisait son usine en Belgique. Mais si la pandémie a appris quelque chose à Fabien Paquette, responsable des vaccins au Canada chez Pfizer, c’est qu’aucun défi n’est assez important pour justifier l’abandon. Après avoir interrogé plus de 40 PDG et dirigeants comme M. Paquette, j’ai constaté que la crise mondiale a forcé même les plus grandes entreprises du monde comme Pfizer à agir avec agilité et créativité.

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Le choix du site de production du vaccin Pfizer-BioNTech est en grande partie une question de capacité et d’adaptabilité. Pour décider comment et où Pfizer produirait ses doses de vaccin, l’entreprise a examiné chacune de ses chaînes de production afin de déterminer lesquelles auraient la capacité de traiter d’énormes volumes de production et quels changements pourraient être nécessaires pour préparer ces sites.

« Cette nouvelle technologie de vaccin ARNm nécessite un équipement spécial du point de vue de la production et la Belgique est l’un de nos sites de production où nous produisons beaucoup de nos vaccins, nous y avons donc une expérience importante, explique M. Paquette. Dans nos efforts pour contribuer à la fin de la pandémie, nous avons décidé de concentrer la production sur deux sites principaux afin d’optimiser les lignes de production et d’augmenter les capacités de production. »

Pfizer ne prévoit pas de produire le vaccin au Canada à court terme, bien que M. Paquette ait signalé dans une interview précédente que la compagnie pharmaceutique américaine reste ouverte à la discussion d’une telle possibilité, étant donné que l’organisation évalue régulièrement les capacités de fabrication à moyen et long terme dans le monde entier. 

M. Paquette se souvient que dès le début de la pandémie, le PDG de Pfizer, Albert Bourla, a incité ses équipes à examiner chaque aspect de l’introduction d’un éventuel vaccin avec une perspective nouvelle. Son plan en cinq points a encouragé le personnel de Pfizer à se demander s’il avait la capacité de s’attaquer à un problème et, si non, à se demander comment il pourrait surmonter l’obstacle qui se posait sur leur chemin. M. Paquette estime que l’adoption de la gestion du changement à travers la société pharmaceutique a permis de produire ce nouveau vaccin de manière sûre et efficace et de travailler en collaboration avec les autorités réglementaires du monde entier.

Pour développer le vaccin, Pfizer et son partenaire BioNTech ont dû complètement repenser les procédés traditionnels. Au lieu de suivre chaque étape du processus de développement dans un ordre séquentiel, ils ont pris certaines mesures simultanément. Par exemple, alors qu’une société pharmaceutique attendait généralement l’approbation de la Food and Drug Administration (FDA) américaine avant de commencer sa production, Pfizer et BioNTech ont choisi de construire leurs lignes de production du vaccin COVID-19 en attendant l’approbation de la FDA.

« Travailler en parallèle plutôt qu’en séquence signifie prendre des risques, mais c’est quelque chose que les entreprises pharmaceutiques vont devoir envisager sous un angle complètement différent à l’avenir », dit M. Paquette. 

L’agilité dont Pfizer et BioNTech ont fait preuve dans le développement du vaccin est également bénéfique pour les autres acteurs impliqués dans le processus d’examen et d’approbation de la mise sur le marché d’un nouveau médicament. Santé Canada, l’agence fédérale responsable de la politique de santé du pays, exige généralement que les sociétés pharmaceutiques soumettent la documentation d’un produit en une seule fois ; cependant, pour accélérer le processus d’approbation du vaccin contre la COVID-19, elle accepte des soumissions en continu. Chaque fois que Pfizer disposait de nouvelles informations requises, la société pouvait les soumettre à Santé Canada qui, à son tour, pouvait examiner les nouvelles informations au fur et à mesure qu’elles étaient disponibles. Ce processus modifié, détaillé dans un arrêté provisoire, a réduit le délai d’approbation de 300 jours à un peu plus de 60 jours pour le vaccin Pfizer-BioNTech au Canada.

La volonté d’innover face à la pandémie a également modifié la façon dont le personnel de Pfizer collabore. M. Paquette a réuni une équipe interfonctionnelle pour s’occuper du mandat de Pfizer-BioNTech concernant le vaccin contre la COVID-19, qui était composée de personnes issues de différents domaines et qui n’auraient peut-être pas collaboré étroitement avant la pandémie. La collaboration est un élément clé de la culture de Pfizer et, selon M. Paquette, le fait de réunir des équipes interfonctionnelles pour travailler sur des questions commerciales clés est un moyen d’encourager une communication ouverte et de faire avancer des priorités communes.

« Chez Pfizer, nous accordons beaucoup d’attention à la diversité telle qu’elle est traditionnellement perçue, mais dans ce cas particulier, nous avons constaté que la diversité des origines professionnelles pouvait elle aussi être fructueuse, dit M. Paquette. En cette période où nous nous efforçons constamment de faire les choses d’une nouvelle manière, nous devons prendre en compte que chaque personne peut apporter quelque chose de différent à l’équation. » 

Pour être un champion d’un tel bouleversement culturel, il faut fournir une inspiration constante à son équipe, selon l’expérience de M. Paquette. Il est reconnaissant du rôle actif qu’il joue dans le développement d’un produit historique et il pousse son équipe à considérer ses propres contributions.

« Il faut parfois faire un rappel de la mission, dit-il. Je rappelle à mon équipe l’objectif commun que nous avons tous, qui est de contribuer à mettre fin à cette terrible pandémie grâce au déploiement de notre vaccin au Canada. Parfois, quand on est coincé dans les détails, on a tendance à oublier la vue d’ensemble. J’aime demander aux gens de prendre du recul et de prendre dix minutes pour célébrer ce que nous avons fait jusqu’à présent et la destination qui se trouve devant nous. »

Le déploiement et l’exécution de ce processus complexe, de la recherche aux essais cliniques, à la fabrication, aux accords contractuels, à la distribution des fournitures et aux autorisations réglementaires, se sont tous déroulés dans le contexte unique d’une pandémie mondiale.

« Vous pouvez planifier autant que vous le souhaitez, mais des situations et des défis inattendus se présenteront et vous devrez y faire face avec diligence, dit M. Paquette. En tant que dirigeant, vous devez gérer ces moments imprévus avec un esprit agile et ouvert. Les solutions peuvent venir d’angles inhabituels et de n’importe quel membre de l’équipe. Face à l’adversité, où la route peut être semée d’embuches, il est essentiel de faire preuve de résilience, de rester concentré et de garder tout le monde aligné sur l’objectif commun. »

Pour Pfizer, la « nouvelle réalité » introduite par la pandémie aura un effet durable sur les opérations et la stratégie de l’entreprise. M. Paquette s’attend à ce que Pfizer devienne un lieu de travail plus flexible qui continuera à mener certaines opérations comme les interactions avec les clients, au moins en partie à distance. En ce qui concerne le développement de ses produits, Pfizer fonctionnera également avec une nouvelle vision du statu quo. Maintenant qu’ils ont prouvé qu’il est possible de développer avec succès un vaccin avec une approche et un état d’esprit différents, M. Paquette estime que l’industrie peut constamment s’efforcer à mettre en place des processus de développement plus rapides et plus agiles.