Communication: entreprises, évitez les pièges de la cause sociale
Catherine Charron|Publié le 13 février 2020«Devoir expliquer son message est problématique en tant que tel», rappelle la professeure en marketing Caroline Lacroix.
Vous désirez passer un message à votre clientèle en surfant sur le buzz de la nouvelle cause sociale à la mode? Cette haute voltige de la communication requiert une orchestration sans faille pour éviter le lynchage. Et même les messages bien intentionnés n’en sont pas à l’abri. Parlez-en à PETA.
Après avoir essuyé un refus de la part de FOX pour promouvoir son message publicitaire lors du Super Bowl (l’information n’a toujours pas été confirmée par le diffuseur), l’organisme a décidé de téléverser ladite vidéo sur les réseaux sociaux. Et elle s’est méritée son lot de critiques, rapporte The Verge.
C’est que PETA s’est inspirée de la dénonciation silencieuse du joueur déchu des 49ers de San Francisco, Colin Kaepernick, pour contester le spécisme.
Poissons, serpent et aigle s’agenouillent ainsi au rythme de l’hymne national américain fredonné par les habitants de la forêt.
La vidéo vue par plus de 250 000 personnes sur YouTube uniquement, applaudie par certains, s’est fait reprocher d’exploiter «un geste de protestation envers la violence policière subie par les Afro-américains», lit-on dans un article de Reuters.
Si PETA est bel et bien parvenu à attirer l’attention sur sa vidéo publicitaire, elle a toutefois raté son coup en ce qui a trait à la promotion de son message, observe la professeure en marketing à l’ESG UQAM, Caroline Lacroix: «la discussion s’est faite autour de la cause des Noirs. A-t-on parlé de l’importance de sauver les espèces en danger et du traitement réservé aux animaux?»
PETA a tenté de répondre aux critiques et de clarifier son message. L’organisme a soutenu qu’il dénonce le manque de respect, que ce soit par rapport à l’âge, à la couleur de la peau ou à l’espèce. «Le problème, c’est que le message est devenu polysémique parce que le symbole de s’agenouiller, comme Kaepernick l’a fait, est clairement associé à un signe de contestation de la violence policière aux États-Unis. Pas à l’âgisme ni au sexisme», rappelle la professeure de l’ESG.
Non aux messages polysémiques
Et c’est justement ici que se trouve la clé pour éviter de faire un faux pas médiatique lorsqu’une entreprise veut être un «bon citoyen corporatif», selon Caroline Lacroix. Bien que de revenir clarifier son vidéo publicitaire a remis PETA sous les projecteurs, «le fait de devoir expliquer son message est problématique en tant que tel, car ça signifie qu’il n’a pas été bien compris initialement. […] C’est excessivement risqué, lorsqu’on utilise des symboles forts comme Kaepernick, surtout pour une marque».
Tester le message serait une étape importante d’une démarche bien orchestrée lorsqu’on veut se frotter aux codes d’un mouvement de société. Une PME devrait vérifier si son message est compris et bien reçu. Et pourquoi pas, le valider auprès d’associations qui sont proches de la cause à laquelle elle veut se rapprocher.
«Même si ta base de consommateurs prend bien ton message, mais qu’un groupe se sent lésé, ça sera associé à la marque. Des gens ne liront que le premier niveau et seront heurtés et il faut y penser. Pepsi, et sa publicité avec Kendall Jenner en 2017 en sont un bon exemple», rappelle la docteure en marketing.
Aussi, une PME doit demeurer très près de ses valeurs et de sa culture d’entreprise lorsqu’elle veut s’inspirer de code de communication qui ne lui appartient pas.
Et surtout, elle ne doit pas essayer de faire la morale aux consommateurs. «C’est quelque chose qui est détesté au plus haut point. Soyez humble et restez proche de votre culture d’entreprise, car les gens s’en rendent compte lorsque ça sonne faux, même quand ce n’est pas voulu par l’entreprise», conseille l’universitaire.