Étude Réputation 2021: les «bonnes vieilles marques» ont la cote
Benoîte Labrosse|Publié le 24 mars 2021Canadian Tire est actuellement la marque la plus réputée au Québec, selon l'étude Réputation 2021 de Léger. (Photo: Marc Seguin pour 123RF)
En temps d’incertitude, l’un des réflexes les plus courants est de se tourner vers ce qui est familier. Et l’an dernier, l’une des méthodes les plus populaires pour passer le temps — et le budget discrétionnaire — a été l’amélioration de son environnement immédiat. Il n’est donc pas étonnant que la plus récente édition de l’étude Réputation, publiée aujourd’hui, révèle que l’entreprise la plus admirée des Québécois est Canadian Tire.
«Ce triangle rouge là, il fait partie de nos vies et il pèse une tonne de stabilité. Même chose pour Jean Coutu, qui est passé au deuxième rang», illustre Christian Bourque, vice-président exécutif et associé de Léger, qui réalise ce palmarès annuel des entreprises les plus réputées depuis 1998. «En fait, la majorité du top 10 est composé de “bonnes vieilles marques” et de commerces de proximité», résume-t-il, citant également IGA et Metro.
Un constat qui n’étonne pas la professeure Francine Rodier, directrice du Département de marketing de l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal et chercheure à l’Observatoire en consommation responsable : «Les marques qui existent dans notre imaginaire depuis longtemps et sur lesquelles on peut compter sont un refuge cette année, car elles nous réconfortent.» Kellogg, dont le «score réputationnel» a connu la plus forte augmentation du top 10 (+5, 4e place), en est un bon exemple.
Léger a établi ce score réputationnel (sur 100) en compilant l’opinion de 15 000 Québécois à propos de 334 entreprises actives dans une trentaine de secteurs, recueillie en décembre et janvier derniers.
Sans surprise, le secteur de la rénovation est celui qui a connu la plus forte hausse globale par rapport à l’édition précédente. «Les gens semblent avoir dit merci aux centres de rénovation qui les ont accompagnés dans ce qui est devenu notre nouvelle vie», avance Christian Bourque.
«La recherche de confort à domicile, c’est une tendance qu’on a déjà constatée — mais de façon moins marquée — au lendemain du 11 septembre 2001, fait remarquer Francine Rodier. On est restreints dans nos déplacements, donc on se replie sur sa maison, et comme on y passe plus de temps, on constate ses défauts.»
Vite perdue, mais tranquillement regagnée
La plus forte remontée au palmarès de la réputation revient au Mouvement Desjardins (+27, 157e), après une baisse «vertigineuse» à la suite de la crise déclenchée par un vol massif de données. «C’est une victoire importante pour eux, parce qu’une fois que tu vis une perte de réputation, ça prend des années à s’en sortir», note Christian Bourque. C’est arrivé à Hydro-Québec au tournant du millénaire, souligne-t-il, mais depuis cinq ans, on assiste à une «hausse assez vertigineuse» de la réputation de la société d’État, actuellement au 40e rang (+18).
À l’autre bout du spectre, Bombardier (-22, 264e) et le Cirque du Soleil (-17, 51e) sont parmi ceux qui perdu le plus de plumes dans l’opinion publique. Tout comme Postes Canada (-20, 62e). «Le courrier a connu la baisse sectorielle la plus forte de l’étude, et Postes Canada est celle qui a écopé davantage, car encore aujourd’hui, elle gère l’insatisfaction à la petite semaine, explique Éric Chalifoux, directeur de recherche sénior de Léger. Pourtant, il y a quelques années, la société avait connu une embellie remarquable.»
«On a tous été forcés d’utiliser les services de livraison, ce qui a amené une surcharge de la demande en plus du défi de la diversification des fournisseurs. On les a drôlement mis à l’épreuve !», nuance toutefois la professeure Rodier.
Une communication de tous les instants
Une des entreprises qui a subi la plus forte baisse cette année est Sollio Groupe Coopératif (-20, 282e), car 68 % des répondants ne la connaissent pas du tout et 25 % pas assez pour se prononcer sur sa réputation. Pourtant, il s’agit de La Coop fédérée, fondée en 1922, qui a changé de raison sociale en février 2020. «On s’y attendait, parce que ça prend des années avant de se refaire un nom, mentionne Éric Chalifoux. Changer de dénomination corporative, c’est toujours un risque pour la notoriété.» Les sondeurs ont déjà observé ce phénomène avec Énergir (anciennement Gaz Métro).
«C’est une des pratiques très risquées en termes de gestion de marque, car vous perdez la reconnaissance des gens, renchérit Francine Rodier. Vous pouvez avoir les meilleures qualités du monde, s’ils ne sont pas capables d’y associer votre nouveau nom, ils ne se prononceront pas…»
Outre la notoriété, l’image est l’autre composante primordiale de toute marque. «Aujourd’hui, il ne suffit plus de produire et vendre, relève Éric Chalifoux. L’entreprise doit s’investir, sinon d’une mission ou à tout le moins d’une vision. Et la faire connaître.»
«Pour avoir de l’attachement et de la fidélité envers une entreprise, il faut que celle-ci corresponde à nos valeurs, mais aussi qu’elle les vive sincèrement», ajoute la professeure, qui est également chercheuse au Laboratoire de recherche en nouvelles expériences utilisateurs et en écoresponsabilité (GreenUXlab). «L’entreprise doit avoir des valeurs qui correspondent à ce qu’elle est capable de faire et de maintenir dans le temps, et le consommateur doit pouvoir sentir ce branding dans chaque point de contact.»
Francine Rodier rappelle qu’en marketing, il existe deux routes: celle du succès et celle du cimetière. «Si la notoriété assistée d’une marque [quand son nom est reconnu dans une liste] est plus forte que sa notoriété spontanée [elle est citée instinctivement par les gens], elle est en route vers le cimetière. Dans le cas contraire, la marque est bien vivante.»