Grant McCracken (Photo: courtoisie)
BLOGUE INVITÉ. Lorsqu’il s’agit de comprendre les caprices de la culture contemporaine, Grant McCracken, anthropologue culturel, titulaire d’un doctorat de l’université de Chicago et auteur, fait figure d’autorité.
Dans un monde qui a connu d’innombrables bouleversements technologiques, sociopolitiques et migratoires au cours de l’année écoulée, il est essentiel de comprendre les forces qui façonnent notre vie quotidienne pour avoir une idée de l’orientation future de ces tendances.
Les 35 années de carrière de M. McCracken permettent d’aller encore plus loin dans la compréhension de ces forces en examinant comment nous fonctionnons en tant que société, en particulier en Amérique du Nord. Ses deux derniers livres sont des exemples particulièrement frappants de son habileté à percevoir et à décortiquer les codes culturels et les tendances anthropologiques.
«L’année dernière, j’ai écrit un livre, intitulé The New Honor Code, qui tentait d’aborder la boussole morale défaillante de la culture contemporaine, dit M. McCracken. Mon prochain livre, intitulé Return of the Artisan, traite de la manière dont le mouvement artisanal a transformé certaines parties du monde du capitalisme et une grande partie des goûts et préférences des consommateurs.»
Les travaux de cet anthropologue vont au-delà de la théorie: ses idées sur la manière dont les forces culturelles façonnent l’économie sont essentielles pour les chefs d’entreprise qui cherchent à comprendre l’impact des changements sociétaux sur le monde des affaires.
«Je prends également en charge des projets pour des clients particuliers, explique M. McCracken. Netflix m’a demandé de me pencher sur le nouveau téléspectateur, et la compagnie d’assurance State Farm m’a demandé de m’intéresser aux milléniaux. Ce sont des occasions d’examiner certains aspects de la culture nord-américaine que je n’aurais peut-être pas eu l’occasion d’étudier auparavant. Je suis également en mode start-up. Je suis en train de lancer une petite entreprise, dont le nom est encore en train de changer, et l’idée est de cartographier l’avenir et de donner aux gens une idée claire et une première indication de la direction que prend le monde.»
Petits et grands changements
L’expertise recherchée de M. McCracken s’appuie sur des années d’exploration des changements macro et microéconomiques qui ont affecté la population américaine depuis la Seconde Guerre mondiale. Sa méthode d’analyse de la culture est partagée entre l’utilisation d’outils anthropologiques et ethnographiques, ainsi qu’une base de données statistiques appelée The Griff, qu’il a créée. Ces outils permettent à M. McCracken de suivre les changements culturels avant qu’ils n’arrivent sur le marché.
«Je commence par regarder la culture de consommation qui était en place après la Seconde Guerre mondiale et j’essaie de montrer tous les bouleversements qui l’ont transformée au cours des 50, 60 ou 70 années suivantes, dit-il. À partir de là, nous pouvons nous demander comment donner forme à la culture contemporaine maintenant que nous en connaissons les bases? Quelles sont les nouvelles propriétés de la culture et comment pouvons-nous utiliser ces propriétés pour créer une meilleure télévision, une meilleure publicité et de meilleurs médias sociaux?»
Les recherches de M. McCracken portent sur les tendances de consommation du XXe siècle et sur l’avenir de la génération Z dans un monde post-pandémique. Son analyse de la façon dont la COVID-19 a ébranlé notre monde n’est qu’un exemple de la façon dont les changements dans notre mode de vie ont un impact profond sur l’économie mondiale.
«Il était étonnant de voir les gens quitter New York en masse, dit M. McCracken. Le service postal des États-Unis a identifié les changements d’adresse de 300 000 personnes sur une période relativement courte. Les gens qui avaient les poches pleines se sont rendus dans des endroits où ils avaient peut-être une maison d’été ou un lien quelconque, ils y ont élu domicile et se sont impliqués dans l’économie locale pendant un court moment, c’était censé être un engagement temporaire. Mais finalement, ils ont commencé à se sentir de plus en plus liés à cette communauté et à participer plus pleinement, ne serait-ce qu’en tant que consommateurs, à l’économie artisanale en place. Ils ont fini par aimer un monde aux proportions artisanales, à l’échelle très humaine. Toute cette réduction de l’échelle du monde a séduit certaines personnes au point qu’elles feront des efforts extraordinaires pour rester.»
Karl Moore et Haley Crawford. Karl est professeur agrégé dans la Faculté de gestion Desautels de l’Université McGill et Haley est récente diplômée de la Ivey Business School.