Une pomme de moins en moins attrayante... (Photo: Alejandro Escamilla/Unsplash)
BLOGUE INVITÉ. Je vais débuter ce billet par une confidence : je n’ai jamais possédé un téléphone, un portable ou une tablette qui n’était pas habillé d’une pomme. J’ai un Apple TV à la maison. Durant des années, mon écran d’ordinateur était un Apple. Avant que je me fasse imposer un serveur Microsoft au bureau pour soutenir notre croissance, mon serveur était un Mac. Si je n’étais pas complètement terrorisée à l’idée de succomber au dernier stade de la techno-dépendance, j’achèterais sûrement une Apple Watch.
Pour rédiger ce texte, j’ai dû enlever les œillères qui font de moi une membre en règle de la secte de feu Steve Job.
Voir la réalité en face me fait mal au cœur. Je dois pourtant me rendre à l’évidence : la marque que j’ai toujours aimée par-dessus tout, pour laquelle j’ai accepté de payer prime par-dessus prime, celle que je croyais irremplaçable… cette marque-là amorce probablement une descente irrécupérable.
Bien que la marque Apple trône toujours au sommet du palmarès Interbrand des marques les plus valorisées au monde, même si elle est la première marque américaine à atteindre une valorisation de plus de 200 milliards de dollars, je pense que le sommet a été atteint et que le déclin approche. Plusieurs signes inquiétants se multiplient actuellement. Au cœur de mon inquiétude : l’essence même de la marque et ses attributs fondamentaux qui ne semblent plus s’incarner aussi viscéralement qu’autrefois à travers ses produits.
On a toujours associé la pomme à trois idées maîtresses : le design, la qualité et l’innovation. Ce cocktail magique a été composé d’ingrédients plutôt difficiles à copier pour la concurrence pendant au moins vingt ans. Qu’en est-il aujourd’hui?
Le design
Les produits Apple ont toujours présenté l’allure la plus sophistiquée, la plus osée et la plus stylée du marché. C’est encore vrai, mais l’écart s’est considérablement rétréci. Fini le temps où l’on devait choisir entre un PC beige carré ou un iMac arrondi et coloré. Il est aujourd’hui facile de s’afficher avec un téléphone ou une tablette de marque concurrente sans avoir l’air d’un «plouc». De plus, la simplicité esthétique et ergonomique qui démarquait Apple du lot a été abondamment copiée.
La qualité
Ici, je trouve que le bât blesse épouvantablement. Je ne peux plus compter le nombre de conversations exaspérées que j’ai tenues à propos du manque de fiabilité, de compatibilité ou de performance des produits Apple, ces deux dernières années. Des exemples? Depuis que l’entreprise a recentré son offre de produits, la vie de bien des gens (dont la mienne) s’est peu à peu transformée en cauchemar. Je ne peux pas vous dire le nombre d’heures que nous avons investies pour tenter de faire fonctionner normalement un parc informatique majoritairement Mac sur un serveur Microsoft. En ce qui concerne les téléphones, combien de frustrations générées par les problèmes de batteries dont la durée de vie s’étiole anormalement vite? Pourquoi mon téléphone (un iPhone 8 Plus) est ridiculement lent sur le 3G? Il semble que tout le monde ait sa petite histoire décevante avec un produit Apple, ces temps-ci. Je ne tenais pas ce type de conversation, il y a cinq ans…
L’innovation
Apple a toujours été une marque dont l’ADN était appuyé sur sa capacité incroyable à nous surprendre, à déranger le marché, à innover à tout prix. Aujourd’hui, son produit phare, l’iPhone, est en fin de cycle. La sortie du dernier modèle, sans fanfare ni trompette, n’a dupé personne : il n’y a pas grand-chose de neuf sous le soleil. Nous aurons droit à deux ou trois caméras en fonction du modèle. Mais rendu-là, pour la plupart des gens, en ajouter quatre ou cinq n’y changerait rien. On vit très bien avec les photos que les appareils d’ancienne génération nous permettaient de prendre. Ce n’est pas ce qu’on attend d’un innovateur. J’ai trouvé particulièrement troublant que ce soit Samsung qui sorte le premier écran pliable. Ou qu’on annonce un genre de Netflix «poche» après tout le monde (Disney, YouTube, Amazon…), sans nous convaincre que le contenu serait au rendez-vous.
La force d’une marque, surtout lorsqu’elle exige une prime élevée à l’achat, réside dans sa capacité à livrer une expérience fiable et cohérente. Elle doit livrer sa promesse, encore et encore. Si Apple ne réussit plus à se différencier par son design, par la qualité de ses produits et par sa soif intarissable pour l’innovation, elle risque gros. Elle pourra toujours se cantonner un certain temps dans le créneau de l’ultra luxe, mais c’est par son succès populaire qu’elle réussit aujourd’hui à vendre ses services (iCloud, par exemple) et à générer de juteux profits. À moins d’un revirement spectaculaire, j’ai bien peur que la marque Apple ne se soit engagée sur un terrain glissant.