Le pape François visitera le Canada sous peu. (Photo: 123RF)
BLOGUE INVITÉ. Prenons un angle qui se veut léger pour l’été. Si, par miracle, il vous était possible de recruter Jorge Mario Bergoglio [pape François] pour diriger votre organisation, le feriez-vous? Si oui, à quel type de performance vous attendriez-vous?
La visite très médiatisée du pape François au Québec fournit un prétexte pour analyser sa personnalité et ses expertises sous différents angles.
Le pape François, vous et moi avons ceci en commun: notre réputation est la combinaison d’une personnalité et d’expertises personnelles et professionnelles. Une réputation, ça oscille et ça se mesure.
À la tête d’une institution plus que deux fois millénaire, qui a accumulé de nombreux déficits de réputation — notamment parce que l’opacité a été très souvent au cœur de ses stratégies — le pape François relève un défi gigantesque.
Quelles bonnes et mauvaises leçons de gestion du Vatican pourrait-on intégrer dans nos réalités, même si elles sont pourtant bien différentes de celle de François 1er.
Le pape François (Photo: 123RF)
Voici 10 faits à considérer:
1) Il n’était pas celui qui était attendu.
À la fois Archevêque de Buenos Aires, Jésuite et non européen, Jorge Mario Bergoglio était loin sur la liste des favoris pour succéder à Benoit XVI.
Comment a-t-il pu alors être désigné par ses collègues cardinaux?
Jorge Mario Bergoglio est authentique, dans un monde où les coups «pas catholiques» surviennent aussi!
Une bonne part de ses collègues a vu en lui le profil le plus approprié, dans les circonstances, pour diriger l’institution. Jorge Mario Bergoglio est reconnu comme un homme de valeurs, de convictions, empathique et il n’était pas trop jeune — ce qui lui donnait une latitude circonscrite pour entreprendre une «révolution» qui pouvait en inquiéter plusieurs…
2) Il a rapidement imprimé sa marque.
Dès sa première sortie publique, le nouveau pape a donné le ton: il allait s’habiller plus simplement de la tête aux pieds, se loger dans une modeste auberge, parler d’enjeux de tous les jours, accorder du temps de qualité aux gens dits «ordinaires» et s’excuser sincèrement.
Rapidement, il a présenté clairement sa vision et ses priorités à ses différents publics.
3) Il a donné «un coup de pied dans la ruche»… tout en se protégeant.
Qui dit «Vatican» dit «innombrables milliards de dollars».
Comment c’était géré? Certainement pas à son goût avant son arrivée sur le trône de Saint-Pierre… Il a donc entrepris une transformation de la gestion financière de l’institution en s’entourant de consultants triés sur le volet, venus de différents horizons, et en brassant les cartes — ce qui a provoqué divers promotions et… départs.
Dans une institution aussi opaque que le Vatican, il s’exposait à finir ses jours comme Jean-Paul 1er — qui, selon la rumeur, aurait été assassiné.
Au contraire, il semble avoir rallié une bonne partie de l’équipe de gestion financière autour de nouveaux défis.
4) Il écoute et s’excuse pour vrai.
S’excuser sur la place publique, c’est devenu un automatisme chez beaucoup de gestionnaires — c’est même dans l’ADN de Justin Trudeau!
Le pape François privilégie une autre approche: celle de s’excuser moins, mais de s’excuser mieux.
Sa façon de gérer les torts subis dans les pensionnats pour Autochtones est digne de mention. Exceptionnelle. Lui et son équipe ont passé un temps considérable à analyser des faits et… des émotions. À écouter, à réfléchir, à prier — normal chez les catholiques!
C’est pourquoi sa présence en saut de puces à trois endroits au Canada est si pertinente.
5) Il prend les erreurs de ses prédécesseurs sur ses épaules.
Certains gestionnaires occupent leurs fonctions comme si l’organisation n’avait pas de passé… et se soucient peu de la suite, une fois qu’ils l’auront quittée.
Ce pape agit comme gardien des clés de l’institution, 2022 ans après sa création, en attendant le suivant.
Il prend donc sur ses épaules d’homme âgé et malade, ce qu’il considère comme l’ensemble des erreurs de ses prédécesseurs.
Il ne joue donc pas la carte du «contexte de l’époque»… mais il passe plutôt à l’attaque: aucune blessure causée et aucun meurtre ne peuvent désormais être passés sous silence. Point à la ligne!
En agissant ainsi, il n’efface pas le passé. Cependant, il crée des ponts — imparfaits, mais des ponts tout de même — dans des processus de réconciliation et de guérison.
6) Il se positionne comme «incontournable» parmi les plus importants défis de l’heure.
Même diminué physiquement, François 1er demeure à l’avant-plan de l’analyse sociopolitique à l’échelle internationale. Il dément les rumeurs de démission et «il se mouille», semaine après semaine.
Il y a une douleur encore vive au Canada? Une visite fait partie de ses priorités à l’agenda.
La guerre en Ukraine le bouleverse? Il pourrait bien aller visiter les pays de Volodymyr Zelensky et de Vladimir Poutine. Son parti pris est clair: les personnes qui souffrent, de part et d’autre des frontières.
7) Il se concentre à réduire certains déficits de réputation qui abîment la «marque Église catholique».
Pédophilie, assassinats d’enfants, avortements, homosexualité, etc.: les événements sensibles qui ont causé jusqu’à maintenant de gigantesques déficits de réputation à l’Église catholique — une marque, au même titre que des produits — sont nombreux.
Ces derniers sont très difficiles à aborder puisque, depuis plusieurs décennies, ils sont remplis de douleurs… de secrets… de préjugés… et d’une couverture médiatique qui, la plupart du temps, présente négativement l’Église catholique.
Ainsi, malgré une ouverture envers l’homosexualité que l’Église catholique n’avait pas démontrée avant l’arrivée de François 1er, la réputation de cette marque demeure régulièrement malmenée.
Dans ce reportage d’ICI Saskatchewan, le gain de réputation de l’Église catholique est faible: 65% sur 200%. (Source: radio-canada.ca)
Dans les médias sociaux et traditionnels, les déficits de réputation surviennent très souvent en quelques minutes… mais changer la situation positivement prend toujours plus de temps!
8) Il prend le temps de réfléchir.
Le pape François prend le temps de réfléchir. Et le temps de prier. Élémentaire, mon cher Watson!
Il bloque des périodes spécifiques dans son agenda. Qui organise ainsi son agenda?
9) Il communique très efficacement!
C’est un euphémisme. À travers la planète, le pape François est l’un des meilleurs communicateurs de son époque!
Pourquoi? Parce qu’à son initiative, le Vatican s’est transformé en faisant preuve d’une bien plus grande ouverture aux réalités médiatiques du 21e siècle.
Comment? En devenant une véritable salle de nouvelles multilangues d’une très grande efficacité, et ce, au bénéfice des médias sociaux et traditionnels. Par exemple: il y a quelques jours, «Le Pape considère les médias numériques comme un moyen de promouvoir la paix» était l’une des manchettes de la version francophone.
(Source: vaticannews.va)
10) Il prépare l’avenir.
Tout en imaginant la vie éternelle, le pape François sait très bien que la sienne, sur Terre, aura une fin. Et qu’un autre successeur de Saint-Pierre sera appelé à prendre la relève.
C’est dans cet esprit qu’il prépare la relève, et ce — c’est humain — en recrutant des Cardinaux qui partagent sa philosophie pastorale et de gestion.
Avouez qu’avec ses différentes valeurs et expertises, il ferait un excellent gestionnaire dans nos organisations!