Les marques devraient traiter les HENRY comme s’ils étaient des personnes à valeur nette élevée. (Photo: Emre Aliriz pour Unsplash)
BLOGUE INVITÉ. Les personnes à valeur nette élevée sont depuis longtemps au centre des préoccupations de nombreuses entreprises, qu’il s’agisse de banques privées ou de marques de luxe. Elles souhaitent les attirer et les fidéliser ces clients au lourd porte-monnaie prêt à être investi. Un nouveau groupe de consommateurs aux ressources plus modestes devrait toutefois attirer leur attention.
Pour commencer, il convient de définir ce que l’on entend par « valeur nette élevée. » Selon Investopedia, les personnes à valeur nette élevée possèdent des actifs financiers liquides de l’ordre d’un million de dollars. Un investisseur disposant de moins d’un million de dollars, mais de plus de 100 000 dollars est considéré comme étant « aisé. » L’extrémité supérieure de la catégorie des personnes à valeur nette élevée se situe autour des 5 millions de dollars. On dit alors d’elles qu’elles ont une valeur nette très élevée. Si sa fortune dépasse 30 millions de dollars, l’individu se retrouve dans la catégorie de valeur nette ultra élevée.
L’institut de recherche Capgemini apporte des nuances encore plus fines à la manière dont une société de gestion de patrimoine peut classer ces personnes. Capgemini divise la population des personnes à valeur nette élevée en trois sous-sections : les millionnaires soi-disant ordinaires (1 million à 5 millions de dollars d’actifs à investir), les millionnaires de niveau intermédiaire (5 millions à 30 millions de dollars) et les personnes à valeur nette ultra élevée (plus de 30 millions de dollars). À l’échelle mondiale, 183 400 personnes étaient considérées comme des personnes à valeur nette ultra élevée en 2019. Les millionnaires de niveau intermédiaire étaient au nombre de 1,75 million, tandis que les millionnaires « ordinaires » constituaient le groupe le plus important avec 17,6 millions de personnes.
Les millionnaires « ordinaires » constituent un marché cible assez important à l’extrémité inférieure du spectre des personnes à valeur nette élevée. Avec des actifs bien investis et gérés par des banquiers privés, ces personnes ont la possibilité de se servir de leurs paiements d’intérêts et de dividendes pour financer un style de vie très convoité.
Maintenant, existe-t-il d’autres consommateurs qui ne sont pas des personnes à valeur nette élevée, mais qui se comportent comme ces consommateurs de luxe ?
Voici les HENRY : Highly Educated, Not Rich Yet, soit les individus très instruits, pas encore riches.
Le terme HENRY n’est pas nouveau. Shawn Tully a inventé le terme en 2003 dans un article paru dans le magazine Fortune, alors qu’il déplorait l’introduction de l’impôt minimum de remplacement aux États-Unis. Il caractérise aujourd’hui un groupe de personnes gagnant un revenu à six chiffres, qui sont pour la plupart des milléniaux. Ce groupe de consommateurs de luxe a été identifié comme ayant 43 ans en moyenne, avec un revenu de plus de 100 000 dollars et des actifs qui peuvent être investis de moins d’un million de dollars.
Je me demande comment un gestionnaire de patrimoine peut identifier ces personnes à hauts revenus ; est-ce qu’ils vivent dans l’appartement à côté du millionnaire dit ordinaire ?
Le récent rapport «Global Powers of Luxury Goods 2019» de Deloitte a catalogué les « HENRY» comme étant un nouveau groupe de puissants clients du luxe. Les marques, désireuses de puiser dans ce marché prometteur, tentent désormais de créer des relations positives avec ces consommateurs de luxe potentiels.
« Les HENRY étant susceptibles de devenir les membres les plus riches de la société, les avantages potentiels de l’intégration de ce groupe démographique dans le portefeuille de produits et de services des marques de luxe sont doubles : sécuriser les précieux clients actuels et établir des relations et des affaires avec ceux qui sont les plus susceptibles de faire partie des clients les plus fortunés à l’avenir, indique le rapport de Deloitte. »
Fait intéressant, Investopedia a qualifié les HENRY de personnes aisées par le biais du travail : s’ils arrêtent de travailler, ils ne seront pas riches. Une plus grande partie de leurs revenus « est consacrée aux coûts plutôt qu’aux investissements destinés à créer de la richesse, ce qui leur donne l’impression de ressembler davantage à des employés ordinaires qui travaillent dur pour toucher leur salaire plutôt qu’à la minorité de très riches Américains, » explique Investopedia, qui ajoute que « ces personnes à hauts revenus sont censées avoir le même style de vie que leurs compatriotes plus riches, mais elles y parviennent en sacrifiant leur capacité à accumuler de la richesse. »
Étant donné que les HENRY dépensent pour la plupart un montant similaire à celui des personnes à valeur nette élevée, ils ne peuvent être ignorés et il est important de savoir qui ils sont et ce qui les fait réagir. Peut-on ou doit-on les traiter de la même manière que l’on traiterait une personne à valeur nette élevée ? En tant que responsable de marque, je dirais que oui, en raison de leurs habitudes de dépenses et de leur potentiel de dépenses à vie. Mais qu’advient-il du traitement spécial que les véritables personnes à valeur nette élevée désirent et auquel ils s’attendent ? L’accès exclusif au PDG et au directeur de la création d’une marque, ainsi que les visites privées des collections, ne sont que quelques-uns des avantages auxquels les personnes à valeur nette élevée sont habituées. Un équilibre subtil d’attention et de services devra être développé et géré méticuleusement pour prendre soin à la fois du HENRY et de l’individu à valeur nette élevée.
Un HENRY consomme pour obtenir du prestige et un statut social. Ils ne sacrifieront pas un style de vie coûteux, en séjournant dans des hôtels de luxe et en mangeant dans les meilleurs restaurants, mais ils économiseront à la maison en faisant leurs courses chez Costco ou TJ Maxx, par exemple, pour se permettre de faire des achats publics en vue d’acquérir un statut social.
Accablé de prêts immobiliers, de dettes universitaires, de scolarités privées et de vacances coûteuses, ce groupe continue de dépenser comme les personnes à valeur nette élevée, mais n’atteint pas nécessairement le statut de personne à valeur nette élevée à part entière. Ils sont adeptes du numérique, adorent le magasinage en ligne et font de grosses dépenses. Selon le rapport de Deloitte, un ménage HENRY de la génération Y dépensera environ 86 000 USD par an en produits de luxe.
Il ne faut pas oublier la partie « NRY » de l’acronyme : « Not Rich Yet » (soit pas encore riche). Les HENRY aspirent à devenir riches à l’avenir, mais ils vivent comme s’ils l’étaient déjà. Le statut et la monnaie sociale peuvent être un facteur déterminant dans leurs habitudes de consommation. Selon le Haven Financial Group, leurs principaux achats sont liés au régime alimentaire et à la perte de poids, à l’adhésion à des clubs de sport, à la navigation de plaisance et voile, au divertissement, aux achats en ligne, aux automobiles, et aux vacances.
L’article de Jing Daily intitulé « Les six grandes tendances du luxe en Chine à partir de 2020 » apporte un éclairage intéressant sur le comportement des jeunes consommateurs de luxe chinois en particulier, en déclarant : « Les consommateurs d’aujourd’hui n’attendent pas de devenir riches pour faire des achats haut de gamme. Plus de 75,6 % des jeunes consommateurs interrogés ont déclaré obtenir le soutien de leurs parents pour acheter des produits de luxe, et beaucoup d’entre eux sont également prêts à contracter des prêts pour acheter des produits qu’ils ne peuvent pas encore se permettre. » Le marché du luxe en Chine devenant de plus en plus puissant, il s’agit d’une tendance essentielle à connaître.
En fin de compte, pour attirer ces clients, les marques devraient traiter les HENRY comme s’ils étaient des personnes à valeur nette élevée, étant donné qu’ils dépensent de la même manière que ce dernier groupe. Pour récolter les fruits de ce groupe démographique, il est essentiel d’adopter une approche segmentée et personnalisée. Offrez un service de premier ordre et prévoyez des expériences dans le cadre du processus d’établissement de la relation. Des relations authentiques seront durables et apporteront une valeur à long terme à la fois à la marque et à ce consommateur spécial. Le milléniaux HENRY, et bientôt le HENRY de la génération Z, a le potentiel pour devenir une personne à valeur nette élevée, il consommera pendant un bon moment et il vaut donc la peine de s’y intéresser.
Douglas Mandel et Karl Moore. Douglas est associé chez Hydra Advisory à Milan. Karl est professeur agrégé dans la Faculté de gestion Desautels de l’Université McGill.