«La société et les entreprises doivent savoir s'adapter, et pas seulement être résiliantes», indique Louis Vachon, président et chef de la direction de la Banque Nationale. (Photo: Roméo Mocafico)
BLOGUE INVITÉ. Louis Vachon, président et chef de la direction de la Banque Nationale du Canada (BNC), est l’exemple parfait d’un dirigeant qui est toujours prêt à s’adapter à son époque. À l’opposé du patron entêté, il privilégie un état d’esprit flexible pour répondre aux besoins de ses employés ainsi qu’aux forces qui façonnent le monde en 2021.
Il existe quatre approches que les dirigeants peuvent adopter afin d’affronter ces courants qui peuvent perturber nos méthodes de travail. Le premier élément, et peut-être le plus essentiel, est l’importance de créer une culture d’entreprise basée sur l’apprentissage. La capacité et la volonté d’admettre ses erreurs et d’en tirer des leçons sont indispensables pour créer un environnement de croissance et d’amélioration constante au travail.
Reconnaître ses erreurs
En se montrant prêts à reconnaître et à communiquer leurs propres erreurs, les dirigeants créent un précédent en étant humbles et, en fin de compte, sympathiques. Le PDG de la Banque Nationale souligne à quel point la communication est importante pour la nouvelle génération de gestionnaires et insiste sur la nécessité de la transparence.
« Faire preuve d’authenticité, surtout dans une banque où la gestion des risques est si importante, consiste surtout à admettre ses erreurs et à en tirer des leçons, dit Louis Vachon. Les personnes dangereuses dans la société ne sont pas celles qui font des erreurs, mais plutôt celles qui font des erreurs et ne veulent pas les admettre. »
Avoir toutes les cartes en main
Le deuxième facteur qui permet de s’adapter consiste à disposer d’une réserve de talents ou de capitaux, qui permet à l’organisation de mieux absorber les chocs. Il est particulièrement important de cultiver le talent, car une équipe est l’atout le plus précieux d’un gestionnaire.
Louis Vachon donne l’exemple de l’Alberta, où l’économie repose depuis longtemps sur l’industrie du pétrole et du gaz. Malgré cette dépendance, il pense que la province sera en mesure d’opérer une transition vers une production d’énergie plus durable grâce à son important bassin d’entrepreneurs.
Miser sur des relations en symbiose
Développer des relations symbiotiques, qu’elles prennent la forme d’une collaboration interne, de coentreprises ou d’un partenariat avec un bon banquier, constitue le troisième élément de réussite pour bâtir une culture de l’adaptation. Louis Vachon compare ces types de relations, quand elles sont accompagnées de mesures d’atténuation telles qu’un personnel hautement qualifié ou un bilan sain, à la façon dont les animaux sont capables de s’adapter aux changements dans le monde naturel.
Oublier les bluffes
« J’ai beaucoup appris d’un livre intitulé Learning from the Octopus de Rafe Sagarin, dit Louis Vachon. Ce biologiste s’est intéressé à des animaux qui se sont adaptés pendant des centaines de millions d’années. Il s’est demandé quelles sont les leçons que les organisations pourraient tirer de Mère Nature. »
Ainsi, même les petites entreprises peuvent faire face à des transitions majeures en dépit de leurs plus faibles ressources, tout comme certains petits mammifères ont réussi à survivre aux dinosaures, illustre-t-il. La capacité de se transformer peut permettre à tout acteur de survivre, quelle que soit sa puissance, pour autant qu’il soit confiant et modeste.
« Vous avez besoin d’une culture flexible qui trouve le juste milieu entre confiance et humilité, explique M. Vachon. Mais être confiant ne signifie pas que vous allez réussir. Cependant, la confiance ne vous permettra pas de passer à travers toutes les intempéries. Nous avons tous vu des personnes qui étaient au sommet de la hiérarchie d’une entreprise et qui, 10, 20 ou 30 ans plus tard, ont chuté. Beaucoup d’entre eux avaient la possibilité et la technologie pour s’adapter au nouvel environnement, mais ne l’ont pas fait parce qu’ils étaient en mode pilote automatique. »
En communiquant de manière authentique, en apprenant de leurs faux pas et en s’efforçant de renforcer leurs ressources internes, les entreprises parviendront à trouver l’équilibre recherché entre l’humilité et la confiance. Ceci leur permettra non seulement de résister aux chocs, mais aussi de s’améliorer continuellement en s’adaptant.
Au-delà des grandes forces mondiales telles que le changement climatique et les avancées technologiques, selon la théorie des cygnes noirs, il existe également des événements imprévisibles qui ont un impact important sur le secteur financier. La crise financière de 2008 et celle de la COVID-19 entrent dans cette catégorie. Pour survivre et prospérer, il est nécessaire d’avoir une culture capable d’absorber les chocs et de réagir rapidement.
« Les grandes organisations veulent toutes être résilientes, dit M. Vachon. Qu’est-ce que cela signifie lorsque vous avez une crise comme la pandémie de COVID-19 ? Une organisation qui sait s’adapter absorbe les chocs et passe ensuite à une nouvelle réalité. Elle ne revient pas au statu quo. C’est pourquoi je dis que la société et les entreprises doivent savoir s’adapter, et pas seulement être résilientes. »
En acceptant les changements qui se produisent dans le monde, plutôt que d’essayer d’y résister ou simplement d’y survivre, les entreprises peuvent devenir plus fortes que jamais. Elles doivent toutefois permettre au changement de mettre en évidence leurs faiblesses afin qu’elles puissent s’adapter et se développer.
Karl Moore et Haley Crawford. Karl est professeur agrégé dans la Faculté de gestion Desautels de l’Université McGill et Haley est étudiante en maîtrise à la Ivey Business School.