Les entreprises devraient plutôt «penser à la reprise et dépenser en fonction de celle-ci», recommande la firme de recherche marketing Nielsen dans un rapport paru en septembre. (Photo: 123RF)
À la dernière saison des résultats trimestriels, nombreuses ont été les sociétés qui ont fait état d’une baisse de leurs revenus publicitaires.
Or, à défaut de tronquer leur budget marketing pour réduire leurs coûts et «amortir l’impact d’une récession», les entreprises devraient plutôt «penser à la reprise et dépenser en fonction de celle-ci», recommande la firme de recherche marketing Nielsen dans un rapport paru en septembre.
En effet, maintenir son taux d’investissement permettrait d’économiser lors de la reprise, souligne en entrevue son vice-président en efficacité marketing pour le Canada et l’Amérique latine, Matthew Palmer. Il n’est pas le seul à être de cet avis, selon les propos récoltés par Les Affaires. La clé, affirme Roberto Caporuscio, conseiller d’affaires principal à BDC Services-conseils, c’est de «cibler vos initiatives [qui rapportent] le plus possible pour un maximum d’impact».
Adapter son message à l’état d’esprit des consommateurs
Habituellement, en période de récession, les acheteurs ont tendance à être plus économes, indique Marcelo Vinhal Nepomuceno, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la prise de décision du consommateur.
Bien qu’il soit encore tôt pour déterminer en quoi les conséquences de cette récession-ci seront différentes des précédentes, le professeur agrégé à HEC Montréal est d’avis que «le plus grand facteur de risque semble être la hausse des taux d’intérêt. […] S’ils augmentent à nouveau, nous ressentirons probablement des ondes de choc dans les dépenses, étant donné que la plupart des Canadiens sont très endettés». Chaque entreprise doit donc demeurer attentive aux changements qui s’opèrent chez ses clients afin de livrer un message qui résonne avec leurs priorités.
Dans un tel contexte, certains secteurs d’activité pourraient tirer profit ou ne pas être affectés par ces nouveaux comportements d’achat, souligne Nielsen dans son rapport. Sabrer son budget publicitaire serait ainsi d’autant plus néfaste.
Matthew Palmer précise toutefois que pour qu’une société fasse bel et bien des économies lors de la reprise économique, il faut en principe que la demande des autres organisations pour des espaces publicitaires ait baissé. Cela en diminuera le coût et laissera davantage de place au message que souhaite diffuser l’entreprise.
Il ajoute que selon des données récoltées par Nielsen, cesser complètement d’occuper de l’espace publicitaire réduit de 2 % les revenus à long terme, et que ça prend «de trois à cinq ans pour récupérer les pertes engendrées par cette absence». «Lorsque les entreprises continuent à commercialiser pendant une récession, elles maintiennent leur marque dans l’esprit des consommateurs. Ainsi, quand les clients ont de l’argent à dépenser, ils sont susceptibles de se tourner vers ces marques, car elles sont encore fraîches dans leur esprit», confirme Roberto Caporuscio.
Optimiser son budget
Cependant, maintenir, voire augmenter ses dépenses n’est toutefois pas toujours possible, certaines entreprises ayant besoin de faire des compressions importantes pour survivre, concède Yan Cimon, professeur titulaire de stratégie à la Faculté des sciences de l’administration de l’Université Laval. «Une des façons de s’en sortir, c’est de réfléchir au rendement du dollar marketing.» En effet, Nielsen a constaté que le quart des investissements «étaient trop élevés pour maximiser le rendement du capital investi. Au sein de ce groupe, le montant médian dépensé en trop était de 32 %». Pour éviter d’injecter des fonds dans des postes peu rentables, il est donc primordial de pouvoir mesurer l’incidence de chaque décision, affirment tous les experts sondés.
Il est aussi préférable de faire un ciblage plus fin de son audience, miser sur «des mots-clés à fort taux de conversion sur son site web, segmenter ses listes d’adresses électroniques et recibler les utilisateurs qui visitent son site web», conseille la Roberto Caporuscio. Bien qu’il soit recommandé d’adopter une approche d’amélioration continue en permanence, une période d’incertitude, comme une récession ou une pandémie, est l’occasion de réviser ses stratégies de marketing.
L’entreprise peut tenter de mieux se repositionner, notamment par rapport à ses compéti-teurs, et personnaliser son offre. «C’est une excellente occasion pour réfléchir à ce qu’on est et à qui on veut servir. Ce ne sont pas tous les clients qui sont rentables», souligne Yan Cimon. Le professeur encourage à concevoir le marketing non pas comme à un poste budgétaire, mais de façon stratégique, par rapport à l’ensemble des activités de l’organisation. «Y a-t-il des familles de produits qui vont nous permettre de passer à travers l’incertitude, et d’autres qu’on devrait laisser aller, car au fil des années on s’est mis à faire des choses qui n’étaient pas au coeur de notre modèle d’affaires ?»cite-t-il en exemple.
Le double tranchant des promotions
Dans son rapport, Nielsen met aussi en garde les entreprises qui souhaiteraient s’appuyer sur les réductions pour mousser leurs revenus, car «seulement une faible portion des ventes promotionnelles sont réellement incrémentielles, et qu’elles doivent être beaucoup plus élevées pour compenser les marges perdues». On y lit même que les organisations devraient réduire les dépenses dans certains canaux de communication qui sous-performent avant d’offrir des réductions.
Dans certaines industries, ça peut même être perçu comme un signe de désespoir, ou créer une guerre de prix prévient Yan Cimon. Il recommande donc d’y avoir recours de façon stratégique.
«Un détaillant peut faire un spécial imbattable sur un item ou sur un service qui générera beaucoup d’autres produits dans le panier.»