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Prendre des risques à la manière de Dan Bilefsky

Karl Moore|Publié le 13 avril 2021

Prendre des risques à la manière de Dan Bilefsky

Le journaliste Dan Bilefsky a dû faire preuve de détermination pour attirer l’attention d’un mentor qui allait jouer un rôle déterminant dans le lancement de sa carrière. (Photo: courtoisie)

BLOGUE INVITÉ. Originaire de Montréal, Dan Bilefsky, correspondant du New York Times pour le Canada, a quitté sa ville natale à l’âge de 18 ans pour aller étudier à l’Université de Pennsylvanie. Jusqu’à récemment, sa vie de nomade rendait improbable un retour au Canada.

Après avoir brièvement travaillé à New York, M. Bilefsky a obtenu une bourse pour compléter sa maîtrise à Oxford. Peu de temps après, il s’est lancé dans le journalisme et a fait ses débuts en tant que stagiaire au Financial Times à Londres. Toutefois, avant d’obtenir ce poste, il a dû faire preuve de détermination pour attirer l’attention d’un mentor qui allait jouer un rôle déterminant dans le lancement de sa carrière.

« Je pense que le journalisme est l’une des rares professions qui ressemblent vraiment à l’Italie de Médicis, dit M. Bilefsky. Si vous étiez un jeune peintre en Italie, vous aviez besoin d’un mécène. Dans le journalisme, si vous avez la chance de trouver un mentor qui voit quelque chose dans votre écriture au début de votre carrière, c’est vraiment important aussi. »

Alors qu’il n’avait pas encore de permis de travail lui permettant de rester au Royaume-Uni, M. Bilefsky a frappé à la porte du magazine New Statesman mais s’est vu refuser la première fois qu’il s’est enquis des possibilités d’écriture. Jeune homme tenace, il y est retourné le lendemain et a demandé s’il pouvait écrire pour le magazine à titre gracieux pendant deux semaines afin de faire connaître son travail et de se faire un nom, une offre que le rédacteur en chef a acceptée.

« Le dernier jour de ces deux semaines, j’ai très audacieusement rédigé une proposition pour le New Statesman en vue de faire un numéro consacré à l’Europe, dit M. Bilefsky. C’est incroyable ce qu’on peut faire quand on a vingt-trois ans et qu’on n’a pas peur. J’ai soumis la proposition à l’un des rédacteurs en chef les plus célèbres de Fleet Street [Ian Hargreaves], et à ma grande surprise, Ian m’a appelé le lundi pour me dire qu’il aimerait que je revienne et que je travaille sur le numéro, que je l’exécute et que j’écrive plusieurs des principaux articles, y compris l’article de couverture. C’est ce numéro du New Statesman qui a contribué à lancer ma carrière. » 

Selon M. Bilefsky, l’acte de confiance de M. Hargreaves a été un tournant décisif dans sa jeune carrière. La parution de ce numéro dans les kiosques du pays a légitimé les capacités de M. Bilefsky en tant que journaliste à l’âge de vingt-trois ans. C’était le premier pas sur le chemin sinueux qui l’a conduit à écrire sur la bière et la politique à Bruxelles pour le Wall Street Journal et à couvrir l’Europe de l’Est pour l’International Herald Tribune et le New York Times.

Alors qu’il était basé à Prague, l’écriture de M. Bilefsky s’est orientée vers des sujets plus exigeants, notamment dans le cadre de reportages sur les conséquences des guerres des Balkans, qui l’ont confronté aux conséquences de quatre décennies de communisme dans l’ancien bloc de l’Est, tout en se trouvant à proximité d’une zone de guerre en Géorgie. Lorsqu’il est revenu à New York pour écrire sur le quartier multiculturel du Queens après des années d’écriture internationale, il se sentait véritable citoyen du monde.

« Quand je suis revenu à New York, les chauffeurs de taxi me demandaient d’où je venais au Royaume-Uni, dit M. Bilefsky en riant. Une partie du métier de journaliste consiste à être partout et nulle part et à être un citoyen du monde. Ma capacité à me fondre dans la foule m’a servi, car les gens n’arrivent souvent pas à savoir d’où je viens. Lorsque je travaillais sur l’indépendance du Kosovo, je me suis retrouvé un jour en territoire serbe. Un groupe de manifestants serbes qui brûlaient des drapeaux américains a cru que j’étais espagnol pour une raison quelconque. L’Espagne n’a pas reconnu l’indépendance du Kosovo à cause du nationalisme catalan, ce qui m’a évité de me faire attaquer. »

Après plus de vingt ans en tant que correspondant en Europe et à New York, M. Bilefsky est revenu dans sa ville natale, où il est l’un des trois correspondants du New York Times au Canada. En tant que Montréalais de souche, il apporte une touche d’authenticité à ses récits. Toutefois, sa carrière à l’étranger lui donne un autre avantage : il fait preuve d’une capacité accrue à repérer les histoires susceptibles de présenter un intérêt international. Son article sur la bataille des bagels de Montréal, une histoire digne de la série Seinfeld qui met en évidence les divisions culturelles et linguistiques de la ville, a fait sensation parmi les lecteurs américains du journal. M. Bilefsky a également dressé un profil perspicace de la vice-présidente américaine Kamala Harris et de son enfance à Montréal, non loin de là où M. Bilefsky a passé son enfance.

Au-delà de ces reportages plus détaillés, la plupart des articles de M. Bilefsky donnent une vue d’ensemble du pays et impliquent généralement de nombreux voyages. Toutefois, en raison de la pandémie, cette routine a été mise en veilleuse. Si cela représente un défi pour tout voyageur de cœur, cela n’a pas empêché le journaliste de se lancer dans un nouvel environnement et d’explorer d’autres médiums pour sa production créative.

« J’ai une histoire qui a suscité l’intérêt du cinéma, partage-t-il. C’est une histoire folle impliquant un courreur de jupons vivant à Vancouver, avec un penchant pour les manoirs à flanc de colline, les panthères empaillées et les voitures de luxe. Il y a un choc culturel entre lui et ses cousins, dont une vedette de la télé-réalité qu’il veut épouser, et le millionnaire finit par être tué et découpé en 108 morceaux – c’est un conte moral macabre. »

Se lancer dans l’écriture de scénarios, un domaine totalement différent de celui de correspondant à l’étranger, n’est qu’un exemple des nombreuses façons dont M. Bilefsky a choisi des activités en dehors de sa zone de confort au cours de sa carrière. Que ce soit dans le monde des affaires ou de l’écriture, prendre de gros risques et lancer des idées pour voir si elles tiennent la route peut être le moyen de faire décoller vos projets d’entreprise ou de placer votre manuscrit sur le bureau du bon éditeur.

 

Karl Moore et Haley Crawford. Karl est professeur agrégé dans la Faculté de gestion Desautels de l’Université McGill et Haley est étudiante en maîtrise à la Ivey Business School.