Plusieurs facteurs ont contribué à la confusion ambiante lors de l'implantation de SAAQclic. (Photo: 123RF)
OPINION. Dans le cadre d’une conférence sur la transformation numérique que je donnais récemment à Québec, un participant m’a demandé ce que je pensais de l’implantation de SAAQclic qui a fait la manchette il y a quelques semaines.
Je résumerais le tout en un mot: frustration.
Frustration pour les clients qui ont éprouvé des difficultés à créer un compte ou qui ne pouvaient réaliser leur transaction en ligne, les obligeant à faire la file parfois au froid pendant des heures.
Frustration pour les employés au comptoir qui ont dû répondre à des clients insatisfaits, et parfois en colère, tentant de faire de leur mieux tout en apprivoisant un nouveau système qui ne semblait pas encore être au point.
Frustration pour les employés de la SAAQ qui travaillent fort depuis plusieurs années à cette importante refonte et qui voient leur travail être lynché sur la place publique.
Dans cette analyse en deux parties, je me pencherai d’abord sur les facteurs qui ont d’après moi contribué à cette dérape de l’expérience usager. Je partagerai avec vous dans un deuxième temps mes humbles recommandations pour assurer que votre prochain projet d’envergure de la sorte se passe plutôt sans trop de heurts.
Un moment mal choisi
Fermer les services pendant un mois — du jamais vu! — a créé inévitablement une accumulation de transactions à traiter au comptoir et en ligne à la réouverture. Comment pourrait-il en avoir été autrement? Cela m’a fait penser au Bureau des passeports qui a été submergé de citoyens l’an passé. Un plus grand volume de demandes après trois années de restrictions sanitaires me semblait pourtant évident.
Revenons à la SAAQ. Le printemps est souvent synonyme d’un volume plus élevé de transactions. On n’a qu’à penser aux propriétaires de moto et de voitures décapotables qui veulent déremiser leur véhicule, ou aux nouveaux acheteurs d’une voiture qui souhaitent l’immatriculer.
La vague de gens désirant effectuer une transaction à la réouverture des services combinée au volume plus élevé de transactions liées à la saison a créé en quelque sorte une tempête parfaite. Tout cela était prévisible.
Une livraison hâtive
SAAQclic a été livré à un moment d’affluence sans que toutes les fonctionnalités — les plus complexes — aient été suffisamment testées. Est-ce qu’un report de quelques semaines ou quelques mois aurait permis d’éviter le cafouillage que l’on a connu? Probablement.
Des données difficiles à obtenir
Implanter SAAQclic en même temps que le SAG (Service d’authentification gouvernementale) n’était pas sans risques. Je peux comprendre — du moins en partie — le raisonnement des gens qui ont pris cette décision. Sauf que la complexité inhérente au processus d’authentification a probablement contribué à une plus grande affluence en points de services, ce que l’on voulait éviter à la base.
Oui, la protection des renseignements personnels est importante, même très importante. Oui, personne ne veut que l’on usurpe son identité. Je suis d’accord. Le problème, c’est qu’un des renseignements demandés pour créer un compte SAG est soit difficile à trouver (le numéro du relevé de cotisation de Revenu Québec) ou impossible à produire. Que faire si je n’ai pas ce document en main? Je sais, il existe une alternative en s’adressant à Revenu Québec. Que faire si je suis un jeune qui veut obtenir son permis de conduire, mais qui n’a jamais produit de déclaration de revenus parce qu’il n’a jamais travaillé?
Malgré tous les efforts de simplification investis dans la création d’un compte SAG — c’est nettement mieux qu’avant! — le tout demeure compliqué pour certains utilisateurs. En passant, un grand merci à la gentille employée de Service Québec qui m’a assisté un dimanche matin à 8h30 alors que je me butais à plusieurs champs en erreur malgré l’exactitude des renseignements inscrits (je représente à l’occasion un cas d’exception dans certains systèmes).
Une démarche (trop) sécuritaire
Avant l’avènement de SAAQclic, on pouvait remiser et déremiser un véhicule sans devoir utiliser clicSÉQUR (l’ancêtre du SAG). J’aimais bien cette façon de faire. Inutile de sortir l’artillerie lourde pour confirmer l’identité lorsque venait le temps de remiser ou déremiser un véhicule. Quelques renseignements contenus sur le certificat d’immatriculation (et le permis de conduire?) suffisaient. Et cela fonctionnait très bien.
Je ne prétends pas être un spécialiste de la sécurité informatique. C’est un métier. Cependant, il faudrait s’assurer que les mesures mises en œuvre ne rebutent pas le citoyen qui veut réaliser ses transactions en ligne au lieu de faire la file dans un point de services. Doit-on appliquer le même niveau de sécurité pour tous les services en ligne? Je l’ignore, mais j’en doute.
Dans deux semaines, lisez dans Les Affaires la suite de mon appréciation de l’implantation de SAAQclic.