L'organisation du travail qui date du siècle dernier n’est pas sans conséquences. (Photo: 123RF)
BLOGUE INVITÉ. Le modèle classique de certaines entreprises — privées et publiques — inspiré des chaînes de montage des usines du 20e siècle, pose de plus en plus problème en cette ère d’efficience et de pénurie de main-d’œuvre. Il pose problème pour les clients. Il pose problème pour les employés. Il pose problème pour l’entreprise.
Les structures en silos, les normes strictes qui régissent les moindres gestes et décisions des employés, l’absence de processus ou l’obsolescence de ces derniers, la microgestion, l’attachement aux vieilles façons de faire, les échanges de documents papier et la technologie déficiente ne soutenant pas le travail sont les principaux problèmes qui grèvent ces entreprises.
Des conséquences pour le client et l’employé
Cette organisation du travail qui date du siècle dernier n’est pas sans conséquences.
L’expérience qu’y vit le client est souvent décevante, longue et requiert des efforts supplémentaires. Par exemple, l’utilisation de technologies non intégrées ou de documents papier fera en sorte qu’un client ne pourra être informé de manière proactive de l’état d’avancement d’une commande ou d’une demande. Il devra donc appeler et s’armer de patience pour s’enquérir de la situation.
Du côté des employés, subir des processus inadéquats et une technologie vieillotte ou difficile d’utilisation induit des retards de traitement et de décision. Ce n’est pas agréable, en plus de créer de l’insatisfaction chez le client. Quand je lis dans les journaux que des employés pleurent pendant leur pause parce que des systèmes sont lents ou bogués, cela m’attriste et m’inquiète.
Au moment où la charge de travail et le manque d’employés sont grandissants, il va sans dire que l’efficacité opérationnelle en prend aussi pour son rhume lorsque l’organisation ne se réinvente pas.
Du papier, encore du papier
Plusieurs entreprises, malgré leur intention de se transformer numériquement et d’être «zéro papier», sont loin de l’objectif. Au contraire, on dirait que certaines ont pour mission de demander des documents papier pour produire des documents papier qui seront consommés par d’autres organisations qui exigeront à leur tour des documents papier afin de produire d’autres documents papier. Vous me suivez?
Depuis plus d’un an, je m’occupe de la succession de mon père. Je ne compte plus le nombre de documents papier que j’ai dû produire à de multiples intervenants. Je comprends la nécessité de la chose, mais je m’interroge sur certaines façons de faire en 2023.
Prenons, par exemple, le certificat de décès. Je l’ai obtenu rapidement et facilement du Directeur de l’état civil. Merci!
Ce document est essentiel, on le comprend, et j’ai dû le présenter à de multiples entités — institutions financières et organismes publics — pour prouver que mon père est bel et bien décédé.
Je suis d’accord avec l’objectif de protection des renseignements personnels. Je comprends aussi que l’information ne devrait pas circuler entre différents organismes sans que le citoyen y ait consenti, mais pour quelles raisons déjà?
Revenons au certificat de décès. Délivré par le gouvernement du Québec, ce document est requis par un autre organisme de ce même gouvernement. Il me semble que ça pourrait être plus simple pour le citoyen si l’un pouvait transmettre à l’autre l’information, d’autant plus que de tels échanges existent déjà pour d’autres renseignements.
Du côté de l’organisme producteur, plusieurs employés sont affectés à l’étude de la demande et à la production du document papier. Une fois reçu par le citoyen (par la poste), il le renvoie à l’autre organisme consommateur où d’autres employés le consulteront pour autoriser la prestation demandée.
C’est comme si la machine s’autoalimentait. Vous me direz que «c’est d’même», qu’il y a des contraintes, que ce n’est pas si simple, mais dans le contexte actuel, je crois qu’il faudrait revoir nos façons de faire. Il serait peut-être temps de laisser le modèle des chaînes de montage au monde manufacturier et en inventer un nouveau.
Bien entendu, tout n’est pas que négatif, au contraire. Des organisations privées et publiques ont travaillé fort au cours des dernières années pour améliorer les choses et se réinventer. Bravo!
Attention aux solutions miracles
Ce qui m’amène à parler de transformation numérique, qui est souvent la solution pour améliorer l’expérience employé, l’expérience client et l’efficacité opérationnelle.
Je veux préciser d’emblée que je crois fermement que la technologie, la bonne technologie, peut améliorer significativement l’expérience employé, et par conséquent l’expérience client et l’efficacité opérationnelle.
Ceci dit, en informatique, certaines solutions relèvent souvent d’un imaginaire trop optimiste. Cela fait des décennies que des fournisseurs de produits ou de services promettent de réduire les délais, les coûts de développement et d’entretien grâce à des progiciels ou à des méthodologies «révolutionnaires». Permettez-moi d’être sceptique…
Certes, cette promesse est tenue lorsque le domaine d’affaires est limité et bien connu. La gestion des stocks, la réservation de chambres d’hôtel et l’achat de produits en ligne sont des exemples de domaines bien définis pour lesquels il est inutile de réinventer le bouton à quatre trous.
Cependant, en présence de règles d’affaires plus complexes, par exemple l’admissibilité à un programme ou à une réclamation, cela peut s’avérer plus risqué.
Aucun progiciel sur le marché ne pourra répondre à une règle du genre «pour être admissible au programme X, le client doit être né un soir de pleine lune le premier samedi d’une année bissextile et avoir les yeux pairs, mais qu’il y a une exception si son nom de famille débute par la lettre W», sans devoir faire de développement. La solution miracle qui règle tous les problèmes sans effort n’existe tout simplement pas.
D’où l’importance de bien connaître le domaine d’affaires, le travail des employés et les besoins et attentes des clients AVANT d’entreprendre tout projet de transformation numérique. Sinon, vous risquez d’être désagréablement surpris.