«Si [...] la peur de l’échec vous retient, c’est votre bégaiement», indique Joze Piranian. (Photo: courtoisie)
BLOGUE INVITÉ. En lisant la liste des accomplissements de Joze Piranian, qui comprend des sketchs de stand-up, des discours d’ouverture, ainsi qu’un diplôme de gestion de l’Université McGill, l’image d’une personne bavarde et extravertie vient à l’esprit. À vrai dire, il a dû surmonter 25 ans de mutisme pour en arriver là.
En cette semaine nationale de sensibilisation au bégaiement aux États-Unis, cette histoire inspirante met en lumière les incompréhensions de la société à l’égard de ce trouble de la parole qui touche 80 millions de personnes, dont le président américain, Joe Biden.
Après avoir passé plus de deux décennies à avoir honte de son bégaiement, Joze Piranian était prêt à faire un changement dans sa vie pour la vivre pleinement. Cela dit, sa transformation ne s’est pas faite du jour au lendemain.
« J’aime le thème des moments charnières bien qu’il soit parfois basé sur l’idée romancée de la transformation. Cette idée insinue que tout ce dont nous avons besoin pour changer est un moment où il y a un déclic. […] De mon côté, c’était ce que j’appelle des millions de petits moments de bravoure où j’ai fait ce qui m’effrayait encore et encore et encore, jusqu’à ce que cette relation avec la peur et l’inconfort commence à se transformer », nuance-t-il.
Alors qu’il aurait pu choisir de passer des appels téléphoniques occasionnels à ses proches pour gagner progressivement en confiance, Joze Piranian savait qu’il devait faire un grand pas en avant pour cesser de vivre sous l’emprise de la peur. Pour surmonter un obstacle qui, à l’époque, lui semblait insurmontable, il a choisi de prendre des mesures tout aussi intimidantes pour faire taire ses craintes.
« Une fois par semaine, je me mettais au défi de parler à une centaine de parfaits inconnus, partage le conférencier. J’ai dû parler à des dizaines de milliers d’inconnus au cours des quatre dernières années environ. Cet exercice a changé ma vie, car il m’a permis de comprendre que la peur et l’action ne s’excluent pas mutuellement. Cet état d’esprit a changé la donne pour moi », raconte-t-il.
Qu’il s’agisse de braver des interactions potentiellement décourageantes avec des inconnus au centre commercial ou de jouer la comédie en trois langues devant des foules de 3 000 personnes, Joze Piranian a pris le contrôle de sa propre existence en prenant chaque jour des mesures audacieuses. Il défend l’importance de ce type d’action pour les personnes de tous les horizons.
Trois recommandations
Joze Piranian souligne que nous vivons tous avec ce qu’il appelle un « bégaiement interne ». Cette bataille personnelle, à laquelle la plupart d’entre nous sont confrontés, peut nous empêcher de nous exprimer quand cela compte le plus.
« C’est la chose qui les retient. La peur du rejet, la peur de l’échec peuvent être une forme de bégaiement. Si vous voulez lancer une nouvelle initiative et que la peur de l’échec vous retient, c’est votre bégaiement », illustre-t-il.
Véritable maître de la témérité, il formule trois recommandations à l’intention des personnes confrontées à un bégaiement réel ou métaphorique. Sa première suggestion est d’embrasser la singularité sous toutes ses formes, que ce soit en favorisant sa propre originalité ou en l’encourageant chez les autres.
« J’aurais aimé qu’on me dise que la différence n’est pas un mal, dit-il. Et c’est une grande partie de ce que sont la diversité et l’inclusion. Nous ne voulons pas seulement créer des alliés mieux informés et plus empathiques. Nous voulons aussi permettre aux personnes qui se sentent différentes de s’approprier leur identité. »
Sa deuxième suggestion est d’utiliser la peur comme boussole qui guide notre développement.
« La même peur qui a pu agir comme un obstacle ou qui agit encore comme un obstacle aujourd’hui peut agir comme un catalyseur, » assure le bachelier de l’Université McGill.
La dernière recommandation de Joze Piranian est d’arrêter d’attendre une percée singulière. Ce sont les petits moments répétés d’exposition à des situations inconfortables qui conduiront à une croissance et une résilience durables, plutôt qu’un événement isolé.
Qu’il s’agisse d’un défi lié à la parole ou d’une croyance interne contraignante, nous pouvons tous bénéficier du courage de s’exprimer et de partager nos histoires uniques, mais aussi de nous asseoir et d’écouter les histoires qui nous entourent.
Karl Moore et Haley Crawford. Karl est professeur agrégé dans la Faculté de gestion Desautels de l’Université McGill et Haley est étudiante en maîtrise à la Ivey Business School.