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Conflits de travail: le recours à l’arbitrage exécutoire est loin d’être banal

Catherine Charron|Publié le 15 novembre 2024 | Mis à jour il y a 1 seconde

Conflits de travail: le recours à l’arbitrage exécutoire est loin d’être banal

(Photo: La Presse canadienne / Christinne Muschi)

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RHÉVEIL-MATIN. Menace de lock-out des employés de Postes Canada, arbitrage exécutoire imposé dans les conflits de travail aux ports de Québec, Montréal et de la Colombie-Britannique… assiste-t-on à un changement du rapport de force dans les négociations ces dernières semaines? Oui, et ça aura de lourdes conséquences, craint la chercheure et professeure agrégée à l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal, Mélanie Dufour-Poirier.

Ce qui l’alarme le plus dans la décision du ministre fédéral du Travail, Steven MacKinnon, d’exiger pour une deuxième fois en quelques mois l’intervention du Conseil canadien des relations industrielles, c’est qu’il ne laisse pas «la pleine liberté aux acteurs de s’investir dans le jeu de la négociation collective». Il le délégitimise en quelque sorte.

Qu’importe de quel côté penchera la décision rendue, cette trajectoire brime les travailleurs d’un recours pour signifier leur mécontentement à l’égard de leurs conditions de travail, et leur droit de faire pression en perturbant l’économie lorsque les négociations coincent.

«On voit un pattern se dessiner, dit Mélanie Dufour-Poirier. Pourtant, il y a des voies existantes dans le système traditionnel des relations industrielles qui permettent justement le rapprochement des partis.»

En plus d’aller à l’encontre «des grandes dispositions internationales que le Canada est tenu de respecter», cet arbitrage — qui s’appuiera sur ce qui se fait dans d’autres milieux de travail similaire — risque de passer à côté de la traque. La personne mandatée pour trancher «a beau avoir l’expertise que vous voulez, mais ce n’est pas quelqu’un qui est partie prenante dans le milieu.»

Les conséquences sur le climat de travail seront importantes, anticipe la membre du Centre de recherche interuniversitaire sur la mondialisation et le travail.

Une telle suite d’événements fragilisera aussi la santé mentale des employés, qui pourraient y voir là un manque de reconnaissance, nourrir leur impression ne pas se faire entendre, ajoute-t-elle.

Une décision à grande portée

Ce qui inquiète surtout Mélanie Dufour-Poirier, c’est l’effet domino de la décision du ministre.

«Ce qui se négocie dans les milieux de travail syndiqué cascade dans ceux qui ne le sont pas, rappelle la chercheuse. Si on empêche ces gens-là de sanctionner l’exercice de la meilleure répartition des richesses générée collectivement, il y aura des conséquences économiques.»

Les relations industrielles plus largement aussi pourraient être affectées, prévient-elle. Les événements des dernières semaines requièrent une réflexion, notamment pour mieux baliser ce qui distingue les secteurs stratégiques des autres et qui justifierait une intervention de la sorte de la part du gouvernement.

«Les gens ne prennent pas la pleine mesure: on vient menacer un droit qui a été acquis au prix de luttes très musclées. Ce n’est pas le fun un conflit de travail, mais parfois ça prend ça pour crever l’abcès. Qu’allons-nous permettre comme vecteur de ventilation des institutions? La démocratie dans notre société, comment va-t-elle s’exercer?» demande-t-elle.

Selon la chercheuse, la solution réside en partie dans une révision de la représentation syndicale. Ces organisations doivent demeurer des «agents de contre-propositions critiques», tout en devenant des «partenaires de développement stratégique» des entreprises.

«C’est une réflexion qui est lourde de conséquences, croit Mélanie Dufour-Poirier. Il faut décoller un peu des conflits en eux-mêmes et penser à ce qui se profile? Quelle est symboliquement la charge de tout ça?»