Entre un mode travail hybride structuré par les plus récentes données scientifiques et ce que devraient faire les gestionnaires des ressources humaines pour prévenir les dérapes de l’intelligente artificielle générative, voici quatre leçons que j’y ai apprises . (Photo: 123RF)
RHÉVEIL-MATIN. Près de 4000 professionnels et friands de gestion des ressources humaines foulent du 8 au 9 octobre 2024 le sol du Palais des Congrès de Montréal afin d’apprendre à épauler leurs organisations dans les remous qu’elles rencontrent.
Entre un mode travail hybride structuré par les plus récentes données scientifiques et ce que devraient faire les gestionnaires des ressources humaines pour prévenir les dérapes de l’intelligente artificielle générative, voici quatre leçons que j’y ai apprises :
Travail hybride structuré
Une organisation du travail basée sur le fonctionnement du cerveau, ça ressemble à quoi? Au mode hybride structuré, selon ce que rapporte la neuroscientifique et professeure titulaire à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal, Sonia Lupien.
La directrice du Centre d’études sur le stress humain rappelle que ce n’est pas le travail en tant que tel qui génère du stress chez les employés. C’est plutôt la fragmentation de leur concentration.
Grossièrement résumé, le cerveau est sollicité d’une façon qui n’est pas soutenable à long terme, butinant d’un courriel à une notification Teams en passant par ce document qu’on ne parvient jamais à compléter parce qu’on est constamment dérangé.
Dans une économie du savoir, on doit préserver cette matière grise, et lui permettre de fonctionner à son plein potentiel. Et ça, ça requiert du temps de travail profond, du «deep work» comme on l’appelle dans la langue de Shakespeare.
Désormais, les gestionnaires devraient donc protéger à tout prix ce temps de concentration, afin que leur équipe fasse des gains de productivité et livre la marchandise. Une révision de l’organisation du travail s’impose, au moment où on réfléchit justement au nombre de jours que l’on devrait inviter les salariés à revenir au bureau.
Sa suggestion : scinder la semaine en moments d’efficacité, où chaque travailleur accepte d’être dérangé par toute sorte de communication, et en période de productivité, où toutes perturbations sont proscrites afin de permettre à l’employé d’être axé sur l’accomplissement de tâches.
Afin d’éviter les effets néfastes du télétravail sur la santé mentale et le sentiment d’appartenance, l’auteur du livre «Stress au travail vs stress du travail» recommande de passer ces moments d’efficacité au bureau et d’y convier obligatoirement tous les collègues d’une même équipe. Si les employés restent à la maison afin de ne pas être dérangés, la science semble démontrer qu’après 15,1 heures par semaine, la productivité décline, ajoute-t-elle.
Réduire la résistance à l’EDI
«On ne peut plus rien dire», vous a peut-être déjà dit l’auteur des propos déplacés après que vous lui ayez souligné son faux pas.
La plupart du temps, cette réponse n’est toutefois pas le fruit de mauvaise foi, nuance Céline Morellon, PDG de Leaders de valeur groupe conseils. Elle est plutôt signe que l’employé ne sait tout simplement pas comment faire mieux, a-t-elle dit lors d’une conférence au Salon Solutions RH, qui se tient en parallèle du Congrès RH.
Sans pour autant retirer à la personne sa part de la responsabilité dans l’équation – faire autrement serait de l’infantiliser, dit-elle –, l’employeur doit reconnaitre que son rôle est de lui suggérer des solutions de rechange afin de bâtir un environnement de travail où tous pourront d’épanouir sans subir de microagressions.
Elle recommande donc à la personne qui devra intervenir de «valider l’émotion» de son collègue résistant à l’inclusion. Elle devra aussi lui expliquer pourquoi son propos est proscrit sans pour autant le blâmer, créer un climat de confiance propice à la curiosité et suggérer un «comportement alternatif».
«On n’a le droit de s’exprimer, pas celui de blesser ou de faire fi des répercussions que nos propos ont sur les autres», résume-t-elle.
La formation n’est pas la panacée
La formation n’est pas toujours la panacée pour régler l’ensemble des maux de votre organisation. En réalité, au-delà de permettre à l’employé de développer des compétences ou de se pratiquer, rare la formation est-elle la solution à déployer, si on se fit à Jessica Archambault, consultante en gestion et conception d’expériences d’apprentissage chez Services-Conseils octopusPro.
Elle invite les personnes responsables d’offrir ou d’orchestrer une formation à mener une petite enquête auprès de ses clients internes afin de vérifier si le mandat qui lui est confié soit approprié.
Il existe en réalité une panoplie d’alternatives à implanter avant de faire venir un formateur ou de mobiliser toute une équipe pour réduire le nombre de plaintes reçues par une entreprise, par exemple.
S’assurer dans un premier temps que les employés aient facilement accès à la documentation et qu’ils soient au courant permet non seulement de sauver des coûts, mais aussi du temps à l’entreprise.
Plutôt que de former sans creuser afin de comprendre le réel besoin que l’on souhaite combler, et mettre en place une solution qui aura l’effet d’un coup d’épée dans l’eau, Jessica Archambault suggère d’adopter une approche pour bonifier la performance de l’organisation.
Changer ce paradigme requiert toutefois l’appui de la haute direction, de former les conseillers qui veillent aux apprentissages de leurs collèges, et de se créer un réseau de partenaires à l’interne pour trouver la solution appropriée au problème.
Vigie de l’utilisation de l’IA, une tâche collaborative
La responsabilité de s’assurer que l’intelligence artificielle (IA) soit utilisée éthiquement qui incombe aux gestionnaires des ressources humaines n’est pas une mince tâche. Ils ne sont toutefois pas obligés de s’y atteler seuls, nuancent Nicola Di Iorio et Nikoletta Marcolefas, respectivement associé et avocate chez DS Avocats.
Les changements technologiques sont rapides, et il est difficile d’anticiper les conséquences réelles qu’ils auront sur le monde du travail et les personnes qui le composent, reconnaissent-ils.
Pour demeurer aux aguets et effectuer un travail de surveillance diligent, ils suggèrent de miser sur l’intelligence collective, de mettre en commun les expériences, de rendre cette vigilance collaborative, et de documenter l’expérience afin de faire circuler l’information.
Aller sur le terrain à la rencontre des employés et de prendre le pouls et écouter leurs observations serait donc une première bonne manière de faire cette vigie.
«Miser sur l’approche collaborative. C’est la clé», résume Nicola Di Iorio.