Mario Genest, PDG de AYE3D, avait déjà soufflé ses 57 bougies lorsqu’il a décidé de devenir son propre patron. (Photo: courtoisie)
AÎNÉS. Lancé il y a 40 ans, le fameux slogan « Liberté 55 » (qui était en fait un produit d’assurance-vie de la London Life) en prend pour son rhume ces temps-ci. Non seulement les nouveaux « séniors » repoussent de plus en plus l’âge de la retraite par choix, mais plusieurs souhaitent démarrer leur propre entreprise.
Selon Statistique Canada, la majorité des nouveaux entrepreneurs au pays, soit plus du tiers d’entre eux, est dans la cinquantaine avancée. D’après la BDC, ce pourcentage se hisse même à plus de 40 %. C’est du moins ce que révèlent de récentes enquêtes menées auprès des entrepreneurs ayant eu recours à du financement lors des cinq dernières années.
Il faut dire aussi que le taux d’emploi au pays chez les 55-64 ans est en progression depuis 25 ans. Alors qu’il se maintenait sous la barre des 60 % en 2000, il frôle désormais les 75 % chez les 55-59 ans. Ce taux explose également chez les 60-64 ans. De 34 % en 2000, il est maintenant de 55 %.
« Entamée depuis une bonne dizaine d’années, cette tendance à vouloir devenir entrepreneur passé l’âge de 50 ans ne semble pas vouloir s’essouffler », observe Hugo Miranda, fondateur et formateur du Club d’entrepreneurs du Québec (CEQ), à Laval. Fondé en 2015, cet organisme a pour mission de faciliter l’intégration des nouveaux entrepreneurs.
Des entrepreneurs qui réussissent
Au fil des ans, le gestionnaire du club estime que plus de 80 % des entrepreneurs qui démarrent leur entreprise après l’âge de 50 ans vont surpasser les cinq années de survie. « Pourvu qu’on les laisse mener leur barque à leur guise, qu’on n’essaie pas de s’immiscer dans leur vision et leur façon de faire, la réussite est généralement au rendez-vous », constate-t-il.
Ces entrepreneurs matures, poursuit-il, disposent d’un bagage d’expérience qui augmente leurs chances de réussite. « Ils ont surtout une vocation, et non une passion pour ce qu’ils entreprennent. Ils savent ce qu’ils veulent… et ce qu’ils ne veulent pas. Ce qui fait toute une différence en affaires », soutient le gestionnaire du CEQ.
Dommage toutefois que la grande majorité des programmes d’aide au démarrage boude cette clientèle, déplore-t-il. À l’exception du cours en démarrage d’entreprise qui est subventionné à 100 %, quel que soit l’âge du participant, la plupart de ces soutiens financiers sont conçus pour aider les entrepreneurs âgés de moins de 40 ans. « Or, de tous les participants en classe, ce sont souvent [les 50 ans et plus] les plus enthousiastes. On apprend énormément de leur expérience de vie. »
Trop vieux… pour les subventions
Mario Genest, PDG de AYE3D, connaît la chanson. Les « monsieur, vous êtes trop vieux », ont fusé de toutes parts lorsqu’il a tenté d’obtenir du soutien financier pour lancer son entreprise de visualisation 3D sans lunettes en 2019. Mentionnons que l’ingénieur avait déjà soufflé ses 57 bougies lorsqu’il a décidé de devenir son propre patron.
C’est donc muni de ses économies personnelles et de celles de ses quatre associés (un montant frôlant les 175 000 $) que Mario Genest a financé l’entreprise de ses rêves. Des économies qui ont aussi servi à financer les tout premiers projets de la PME. « Ce n’est que deux ans plus tard, parce que justement nous pouvions commercialiser des projets, que l’entreprise a pu enfin bénéficier de subventions et de crédits d’impôt issus du programme d’aide à la recherche industrielle du Conseil national de recherches du Canada ainsi que des bons d’incubation du Programme d’aide à l’entrepreneuriat du ministère de l’Économie et de l’Innovation du Québec.
Deux soutiens financiers qui sont accordés aux entreprises, peu importe l’âge de son dirigeant, fait remarquer Mario Genest.
Attendre le bon moment
Pourquoi se lancer en affaires à l’aube de l’âge de la retraite ? « Je rêvais de démarrer ma propre entreprise depuis une dizaine d’années. Mais les technologies visées n’étaient pas suffisamment avancées pour que le projet soit viable. Aujourd’hui, celle de l’AYE3D l’est », signale le PDG qui ne regrette pas du tout sa décision. Au contraire.
Lorsque nous l’avons joint cet été pour cet article, Mario Genest était de passage à San Diego, en Californie, afin de traiter un contrat majeur avec le gouvernement américain. Cette entente, dit-il, devrait permettre à la PME de cinq employés d’entrer dans les ligues majeures d’ici la fin de l’année.
Du coup, la retraite ne figure pas du tout à l’agenda de l’ingénieur, âgé de 62 ans Une start-up comme la sienne, explique-t-il, prend généralement de 7 à 12 ans pour atteindre sa pleine maturité. « J’ai donc encore beaucoup de temps devant moi. Ce qui ne me dérange pas du tout. Après avoir travaillé pendant plus de 30 ans pour des entreprises technologiques, je sais aujourd’hui ce que je veux produire et comment en faire la mise en marché. Bref, pourquoi arrêter ? »