Andrea Limbardi, PDG de Reitmans (Photo: courtoisie)
À la tête des plus grandes entreprises du Québec, ces PDG sont bien souvent entrés sur le marché du travail en occupant des postes au bas de l’échelle. Voici les leçons tirées de ces premières expériences qui teintent encore aujourd’hui leur leadership.
LA PREMIÈRE JOB DU BOSS. Du plus loin qu’elle se souvienne, Andrea Limbardi, la PDG de Reitmans, a toujours eu le cœur à l’ouvrage, accomplissant avec sérieux les tâches qui lui étaient confiées. Et ça lui a souri.
À l’adolescence, elle ne cherchait pas spécialement à se trouver un premier emploi. Deuxième d’une famille de six enfants, elle gardait les membres de sa fratrie et d’autres bambins du voisinage, ce qui lui suffisait amplement. Quelle ne fut donc pas sa surprise de se voir proposer un boulot au café du coin après s’être improvisée barista bénévolement lors d’un événement organisé à son école secondaire.
«Je faisais mes cafés avec le sourire, je discutais avec les parents sur place. Ce que je ne savais, pas, c’est que le propriétaire de l’établissement dont je servais le café m’observait, raconte-t-elle. À la fin de la soirée, il m’a complimenté sur mon enthousiasme et m’a offert un poste.»
Dès le week-end suivant, et jusqu’à la fin du secondaire, elle a donc manié les machines à espresso, perfectionnant son art de la conversation et du latte. «Encore aujourd’hui, je fais de très bons cappuccinos», dit-elle, rire dans la voix.
Les tâches étaient multiples dans ce petit établissement: en plus de faire ces précieux nectars, elle devait mémoriser les commandes des habitués, s’assurer que les étalages soient bien remplis, passer les commandes avec les fournisseurs. Après à peine deux ans dans l’organisation, elle campait déjà le rôle de superviseur de soir, l’amenant à encadrer ses collègues, gérer les horaires et fermer le café.
Ce qu’elle chérissait tout particulièrement, c’est de venir en aide à ses clients et à leur tendre l’oreille. Des personnages de toutes sortes, «des mères et leur poupon comme des retraités qui aimaient se remémorer le bon vieux temps», défilaient dans son petit café d’Ottawa.
«Les écouter me permettait non seulement de mieux les servir, mais aussi d’apprendre que bien qu’on soit tous différents, on veut connecter. C’était un peu comme pour un tenancier de bar, sans l’alcool», illustre-t-elle.
Elle y a notamment croisé une dame très malade qui se rendait le mardi et le jeudi au café pour y retrouver un semblant de normalité. « C’était son petit quelque chose pour elle, pour encore se sentir humaine, rapporte Andrea Limbardi. [Au service à la clientèle], on sous-estime l’effet qu’on peut avoir sur la vie des autres que ce soit en travaillant dans un café ou un magasin de vêtements.»
Prendre le temps d’écouter
Aujourd’hui, cette capacité à écouter et ce désir de répondre aux besoins des clients s’étend aussi à ses employés. En tant que dirigeante, c’est son rôle, croit-elle, de s’attarder à leur point de vue, à ce qui leur importe et aux irritants qu’ils rencontrent.
Bien souvent, cependant, elle constate que plutôt que de s’y intéresser, les leaders tentent de rapidement trouver des solutions.
«On veut aller si vite qu’on ne prend pas le temps de comprendre ce qu’on tente de nous dire. J’aime poser beaucoup de questions pour bien cerner le besoin, et faire preuve d’empathie. J’ai des employés qui travaillent dans ces centres de distribution, des équipes de design. Je n’ai jamais eu de tels postes!», dit-elle.
Ce sont toutefois bien souvent eux qui ont les réponses aux embûches que rencontrent l’entreprise, fait remarquer Andrea Limbardi.
De grandes responsabilités
À 15 ans, se voir confier de telles responsabilités et sentir que des gens comptaient sur elle lui a grandement plu, nourrissant son sentiment de liberté et de confiance.
C’est d’ailleurs à ce moment qu’elle a eu la piqûre pour le service à la clientèle, une passion qu’elle aurait très bien pu louper si elle n’avait jamais travaillé dans un commerce de détail.
«À mon époque, on n’allait pas à l’école pour aller travailler dans ce secteur. On y allait pour devenir avocat ou comptable, par exemple. Sans cette expérience derrière le comptoir de café, j’aurais pu passer à côté de ce secteur.»
C’est pourquoi elle croit qu’arriver tôt sur le marché du travail est une excellente manière de permettre aux jeunes d’apprendre à se connaitre, à comprendre qui ils sont au-delà de l’école.
Pour qu’ils en tirent tous les bénéfices, elle leur recommande de porter attention à ce qui se passe autour d’eux et de s’impliquer avec sérieux dans leur rôle en tentant d’apporter de la valeur ajoutée. «On ne sait jamais quelles autres occasions ce poste pourrait nous amener. On en a plusieurs chez Reitmans des histoires de personnes qui ont commencé à temps partiel et qui campent désormais des postes de leadership», souligne-t-elle.