Voici un aperçu des machines d’usinage de précision fonctionnant avec de l’intelligence artificielle que compte commercialiser Watch Out. (Photo: Watch Out)
Plusieurs entreprises européennes choisissent le Québec pour s’implanter en Amérique du Nord, mais rares sont celles qui décident de déménager leur siège social ici. C’est ce qu’a fait le fabricant suisse de machines d’usinage Watch Out, qui s’est installé dans la région de Montréal avec de grandes ambitions.
Fondée par le Français Sébastien Laporte, cette PME développe des appareils d’usinage de précision complètement autonome grâce à l’intelligence artificielle (IA). Elle est en phase d’hypercroissance. D’une dizaine de millions de dollars en revenu en 2022, elle estime qu’elle en engrangera près de 30 millions cette année, 50 l’an prochain et 100 millions dans trois ans, car son carnet de commandes est bien garni.
C’est à la demande de sa cliente Lisi Aerospace, un leader dans l’aéronautique pour toutes les pièces d’attachement, comme des boulons, qu’elle a décidé de venir en Amérique du Nord.
«Lisi voulait qu’on s’établisse dans le sud de la Californie, explique Bernard Mariette, président du CA et chef de la direction financière de Watch Out en entrevue. En examinant le tout, je me suis rendu compte que tous les clignotants étaient au vert pour la région de Montréal par rapport à celle de Los Angeles, sauf en ce qui concerne le financement.»
Le dirigeant souligne que la métropole québécoise jouit d’un excellent vivier en IA, mais également dans le domaine de l’optique, de l’électromécanique, de l’informatique, etc. «Le bassin de talents à Montréal est très solide et beaucoup plus fiable qu’à Los Angeles», affirme-t-il. L’écosystème aéronautique est aussi robuste et dynamique.»
Il fait valoir que d’un point de vue géographique, Montréal se trouve plus près de l’Europe que la Californie, ce qui facilite les échanges avec les installations de l’entreprise situées en Suisse et en France. «Culturellement, le Québec est plus près de ce que connait notre fondateur qui parle mal anglais, ajoute-t-il avec franchise. C’était aussi plus facile pour sa famille qui a déménagé avec lui.»
Finalement, Bernard Mariette souligne l’appui de l’écosystème financier pour faciliter le déménagement en notant entre autres la participation d’Investissement Québec, de Développement économique Canada et de la RBC.
Technologie de rupture
Watch Out désire développer des machines d’usinage de précision qui fonctionne avec de l’IA, sans main-d’œuvre spécialisée qui est introuvable, ici comme en Europe, selon Bernard Mariette.
«Les gens ne veulent plus travailler dans les usines et dans ces métiers-là, soutient-il. Il existe une vraie crise de main-d’œuvre dans ce domaine. Par contre, les jeunes s’intéressent à l’IA et à ses applications pratiques.»
Selon lui, les machines d’usinage roulant à l’IA que Watch Out conçoit ont l’avantage de réduire les coûts de production de moitié par rapport aux outils traditionnels, et d’abaisser l’empreinte carbone de 30%. Elles offrent aussi un atout stratégique pour la chaine d’approvisionnement des fabricants qui désirent se rapprocher de leurs clients américains ou européens. Ces appareils peuvent être placés là où bon leur semble et à des coûts qui concurrence des pays comme la Chine où la main-d’œuvre est moins chère qu’en Occident.
À taille humaine
Watch Out compte débourser 100 millions de dollars dans les trois prochaines années pour peaufiner ses solutions et les commercialiser partout dans le monde. Pour ce faire, elle a accueilli en mai, sa grosse cliente Lisi Aerospace, qui décidé d’investir une vingtaine de millions de dollars dans l’entreprise avec qui elle collabore depuis 20 ans.
Le directeur général de Lisi, Emmanuel Neildez, a été très élogieux lors de l’annonce de cette prise d’actionnariat en qualifiant de «prouesse technologique» l’innovation de Watch Out.
«Il s’agit d’une machine de production autonome qui s’autocorrige en permanence en fonction des données générées et captées en temps réel sur les pièces et les outils, a-t-il mentionné par communiqué de presse. Bien plus qu’une simple amélioration des performances offertes par les machines-outils de la génération précédente, la solution Watch Out représente un changement radical de paradigme industriel visant à éliminer la part d’aléatoire dans le traitement des défaillances chroniques de la chaine de production.»
Watch Out a investi 23 millions de dollars l’an dernier pour ouvrir une unité d’usinage à Dorval. La PME travaille avec Airbus et a obtenu une homologation de Boeing récemment. Son siège social est à Montréal et un centre d’assemblage devrait voir le jour dans les prochaines années dans la région montréalaise, possiblement dans les Laurentides.
Lisi a déjà commandé environ 70 machines roulant avec de l’IA. À près de 2 millions de dollars par appareil, les revenus augmentent rapidement.
Watch Out va créer un pôle de recherche et développement d’IA industriel dans la métropole qui profitera de l’écosystème en place, mais qui viendra également l’enrichir. «Ce sera le pendant de ce qu’on a en Suisse, avec des ingénieurs, des mathématiciens, des experts des données et de l’IA qui ont tous des connaissances hyper pointues, explique Bernard Mariette. Montréal est une ville internationale qui rayonne, mais à taille humaine où il existe une certaine proximité.»
En plus de l’industrie aérospatiale, Watch Out vise le secteur de la fabrication médicale et des pièces automobiles tout en poursuivant dans son créneau d’origine, l’horlogerie.
«Le gros du marché futur se trouve en Amérique du Nord et c’est donc pour cela qu’on s’installe ici», résume Bernard Mariette.