Beaucoup d’éléments à considérer avant de décider d’ouvrir une franchise
La Presse Canadienne|Publié le 29 octobre 2024Sarah Evans, une franchisée qui gère trois studios d'épilation Waxon, est photographiée dans son établissement du centre-ville de Toronto. (Photo: La Presse Canadienne /Chris Young)
Avant de devenir propriétaire, Sarah Evans n’avait aucune expérience dans les cliniques d’épilation, à part celles à titre de cliente.
Elle a commencé à chercher un nouvel endroit pour les traitements après avoir quitté le Royaume-Uni pour s’installer à Toronto en 2013 et a trouvé un service adapté.
«Ce n’était pas épouvantable, mais il y avait des choses un peu douteuses et suspectes», a affirmé Mme Evans, dont l’expérience professionnelle se situait dans l’optométrie et le journalisme. «Ils utilisaient de la cire molle, ce qui n’est pas l’expérience la plus confortable.»
Elle a ensuite repéré Waxon, un service d’épilation qui commençait tout juste à être franchisé.
«Cela semblait très propre, très accueillant. (…) Alors la fois suivante que j’ai eu besoin d’une épilation à la cire, j’y suis allée. Et c’était en quelque sorte le début de l’histoire.»
Une décennie plus tard, Mme Evans gère trois établissements Waxon dans la région du Grand Toronto, faisant partie d’une marque franchisée avec 18 établissements et huit autres qui devraient ouvrir avant 2026.
«C’est comme être dans un manège. (…) Les roues se sont mises à tourner, a confié Mme Evans. J’ai toujours eu en moi le désir de posséder ma propre entreprise.»
De nombreux Canadiens ressentent la même chose. Selon l’Association canadienne de la franchise (CFA), plus de 40 000 franchisés gèrent des opérations qui emploient deux millions de personnes dans plus de 600 marques dans des secteurs allant de la peinture à la planification d’événements, en passant par les soins à domicile, la construction et, bien sûr, la vente au détail d’aliments.
Par rapport au lancement d’une nouvelle entreprise, l’ouverture d’une franchise s’accompagne généralement du soutien du siège social, de la reconnaissance de la marque et d’un risque financier moindre, ainsi que d’un lien avec la communauté locale et les collègues. Mais cela peut également signifier des restrictions strictes, de lourdes charges de travail et un imposant investissement initial — entre autres défis liés à la propriété d’une petite entreprise, de la hausse des coûts aux clients impolis.
Pas un saut dans le vide
L’assistance du siège social — de la rénovation du site aux logiciels, en passant par l’équipement d’affichage et le mobilier — fait partie des arguments de vente pour ceux qui envisagent de se lancer dans le monde de la franchise.
«C’est clé en main. Ils vous fournissent une boulangerie entièrement opérationnelle, ouverte et en activité», a souligné Tait Mitchell, qui a lancé une boulangerie Cobs Bread à Barrie, en Ontario, avec sa femme Lisa en 2021.
Les franchisés reçoivent 16 semaines de formation, dont une grande partie est consacrée à la cuisson dans un autre établissement, ainsi que des recettes et des menus. Tous les produits alimentaires sont commandés auprès des distributeurs Cobs.
Ambrose Obe a suivi une formation à temps partiel pendant deux mois avant de se lancer dans le commerce du secteur automobile qu’il a repris à Winnipeg après être venu au Canada du Nigéria l’année dernière pour étudier la gestion.
«Cela allait être une occasion pour moi d’apprendre comment les entreprises fonctionnent ici au Canada et d’acquérir une certaine expérience en affaires», a déclaré M. Obe, qui dirigeait une entreprise de camionnage dans son pays d’origine.
Bien que la connaissance des feuilles de calcul et des états financiers soit un plus, la franchise est ouverte aux personnes de tous les horizons, a souligné Lexi Miles Corrin, fondatrice de Waxon.
«Nous avons des veuves, des femmes qui viennent de sortir d’un congé de maternité, d’emplois en entreprise. (…) Elles voulaient vraiment faire leur propre truc et être leur propre patronne, mais elles avaient peut-être trop peur de faire le saut seules», a-t-elle indiqué, ajoutant que certaines franchises peuvent donner l’impression d’être un «boys’ club».
Un aspect financier imposant
Même avec cet accompagnement — ou à cause de cela — l’aspect financier de la franchise peut être difficile à absorber.
L’ouverture d’un établissement coûte souvent des centaines de milliers de dollars, en plus des redevances qui oscillent généralement entre 5 et 10% des ventes ainsi que des frais de marketing et de publicité.
Tim Hortons, qui compte environ 3500 restaurants à travers le pays, exige au moins 100 000 $ en espèces à l’avance et un avoir net minimal de 500 000 $ — l’investissement peut toutefois être jusqu’à quatre fois ce montant.
Les franchises ne sont pas à l’abri des obstacles auxquels sont confrontées de nombreuses petites entreprises de nos jours, de la rétention des employés à l’inflation en passant par une clientèle agressive.
«L’un des plus grands défis est de trouver de bons travailleurs», a soutenu Tait Mitchell, rappelant aussi que les coûts de certains articles ont grimpé en flèche.
De nombreux propriétaires apprendront également à leurs dépens que tous les Canadiens ne sont pas à la hauteur de la réputation de gentillesse de leur pays.
«Parfois, quelqu’un ne vous écoute même pas à la porte, il vous dit simplement : “Allez-vous-en.” Je me disais : “Wow, c’est tellement impoli”», a confié Mme Obe, se rappelant ses échanges à l’entrée du commerce.
Plus ou moins de liberté
Par ailleurs, la structure et les directives de l’entreprise, que certains considèrent comme un gilet de sauvetage, seront ressenties par d’autres comme une camisole de force.
«Nos franchisés ne peuvent pas sortir et concevoir leur propre publicité et prendre notre marque et la rendre rose», a souligné David Druker, chef de la direction d’UPS Store Canada et ancien président du conseil d’administration de l’Association canadienne de la franchise.
«Si vous êtes un loup solitaire, si vous n’aimez pas suivre les conseils des autres, si vous n’aimez pas le concept d’équipe, alors il y a de fortes chances que la franchise ne soit pas pour vous», a-t-il fait valoir.
Si les petites franchises peuvent offrir plus de liberté et des relations plus étroites avec les dirigeants, les grandes entreprises ont tendance à avoir des règles plus strictes et des liens impersonnels avec le siège social.
Quoi qu’il en soit, le travail acharné fait partie de l’aventure, tout comme l’implication au plus près de l’entreprise.
«Le service de restauration est assuré du lundi au dimanche, tous les jours de la semaine, tôt le matin jusqu’à tard le soir, et les soirs de week-end lorsque votre famille fait la fête et que vous ne pouvez pas le faire parce que quelqu’un a appelé pour se déclarer malade», a affirmé Domenic Primucci, président de Pizza Nova.
Les franchiseurs et les franchisés recommandent tous de parler avec d’autres personnes du secteur et de réfléchir avant de se lancer.
«Soyez vraiment prêt à investir des efforts dans ce domaine, a déclaré Lisa Mitchell. C’est un marathon.»
Par Christopher Reynolds