(Photo: 123RF)
BLOGUE INVITÉ. En dépit de toutes ses nuisances, la COVID-19 a également permis de tirer le meilleur de l’imagination et de la créativité des entreprises. En venant rompre l’équilibre existant, elle oblige les entreprises à voir et à faire les choses autrement. Alors que notre univers a basculé, plusieurs entreprises ont innové ! Poussées par l’instinct de survie, les entreprises ont adopté de nouvelles façons de produire, de vendre et de travailler.
Cette vague d’innovation est confirmée par la deuxième édition de l’enquête sur les PME et l’innovation réalisée auprès de plus de 710 dirigeants de PME du Québec par QuébecInnove et Léger, en collaboration avec le Fonds de solidarité FTQ, EY Canada et la Commission des partenaires du marché du travail.
Passer trop peu à l’action
Les résultats publiés la semaine dernière démontrent que la crise actuelle a accéléré les changements technologiques et organisationnels au sein des PME. De façon plus marquée que lors de la première édition de l’enquête en 2019, les dirigeants d’entreprises reconnaissent que l’innovation sera bénéfique pour augmenter leur productivité (82 %), attirer ou fidéliser la main-d’œuvre (70 %), réduire leurs coûts de production (68 %) et développer de nouveaux marchés (64 %).
Malgré cette prise de conscience, trop peu de PME passent à l’action. Soixante-six pour cent des PME interrogées dans le cadre de l’enquête ont investi moins de 1 % de leur chiffre d’affaires en R&D et innovation au cours de la dernière année.
Cette situation est préoccupante quand on sait que l’innovation est un important moteur de la reprise économique. Il est donc impératif d’inverser la tendance.
Lien clair avec la gouvernance solide
Pour ce faire, les conseils d’administration ont un rôle à jouer. Pour Isabelle Foisy, PDG de QuébecInnove, il existe un lien indissociable entre gouvernance et innovation. « Selon les résultats de l’enquête, plus les PME sont structurées en matière de gouvernance, plus elles réussissent à innover. Pendant la pandémie, 68 % des PME possédant un CA et un comité de gestion ont fait preuve d’innovation ou ont modifié leur modèle d’affaires. »
Remparts de la gouvernance des entreprises, les conseils d’administration doivent agir comme catalyseurs d’opportunités et encourager les dirigeants à réfléchir à l’innovation comme levier de croissance pour les entreprises qu’ils chapeautent. Ils doivent promouvoir activement une culture d’innovation au sein de l’entreprise.
Pour Laurent Simon, professeur titulaire au département d’entrepreneuriat et innovation de HEC Montréal, l’élément central à cette culture d’innovation est la capacité réelle des organisations à entreprendre les démarches et à enclencher les processus nécessaires afin de créer de la nouveauté.
En accueillant des administrateurs issus d’horizons divers et en échangeant régulièrement avec la direction sur ces questions, les CA soutiennent les conseils de direction dans cette voie.
Ne pas perdre la cadence après la crise
Selon l’enquête parrainée par QuébecInnove, 50 % des PME ont fait évoluer leur modèle d’affaires pendant la pandémie. Certaines ont changé de modèles de ventes (de B2B à B2C ou l’inverse) alors que d’autres ont accéléré leur virage numérique.
Pour Isabelle Foisy, « les PME québécoises ont fait des pas de géant, elles ont rattrapé un grand retard. On doit toutefois conserver ce sentiment d’urgence. »
Cette préoccupation est partagée par le Forum économique mondial pour qui un des défis latents de la pandémie est de s’assurer que l’agilité et la prise de risques dont ont fait preuve les entreprises au cours des derniers mois ne disparaissent pas une fois la crise terminée.
Pour éviter cette situation, George Day et Gregory Shea, professeurs à Wharton, ont identifié trois leviers qui peuvent contribuer à éviter ce retour en arrière :
- Développer une équipe compétente en matière d’innovation: innover requiert temps, efforts et résilience. En recrutant, mobilisant, fidélisant et développant leurs meilleurs éléments en matière d’innovation, les entreprises s’assurent d’avoir les compétences pour innover. Il faut porter une attention particulière aux gestionnaires d’équipe, aux responsables de programmes et de projets qui pilotent des initiatives innovantes.
- Adopter une approche « de l’extérieur vers l’intérieur » (outside-in): la curiosité est à la source de plusieurs nouveautés. L’entreprise doit la cultiver. Il importe d’assurer une veille stratégique de l’industrie dans laquelle évolue l’entreprise de même que celles des industries connexes, et de déterminer les incidences des tendances observées sur les besoins des clients. L’entreprise doit activement chercher à adapter ses produits, ses services, mais également ses processus et ses façons de faire à ces besoins.
- Encourager la prise de risques: les entreprises performantes en innovation sont tolérantes envers la prise de risques calculée. Elles appuient l’expérimentation et apprennent de leurs erreurs ou de leurs échecs.
Les conseils d’administration peuvent aisément utiliser ces trois leviers afin d’encadrer les discussions sur l’innovation et aider à prioriser les efforts à ce sujet.
En s’assurant que les entreprises qu’ils chapeautent offrent à leurs équipes la latitude nécessaire pour saisir les opportunités et agir rapidement à leur égard, les administrateurs contribuent à développer des entreprises prêtes à faire face aux défis d’aujourd’hui et de demain.
En terminant, Isabelle Foisy rappelle que les PME doivent plus que jamais être accompagnées par des collaborateurs et des administrateurs qui peuvent les mener plus loin en matière de gestion de l’innovation.
Si la crise a accéléré certaines tendances et créé des occasions à saisir pour les entreprises, il faut que cet esprit d’innovation perdure au-delà de la crise.
Ce texte a été écrit par Sophie-Emmanuelle Chebin, avec la participation d’Isabelle Foisy, PDG de QuébecInnove.