Logo - Les Affaires
Logo - Les Affaires

Capital de risque: le gâteau a levé au Québec

Emmanuel Martinez|Mis à jour le 30 septembre 2024

Capital de risque: le gâteau a levé au Québec

«Le chemin parcouru est impressionnant depuis 20 ans», affirme Olivier Quenneville, PDG du Réseau Capital. (Photo: courtoisie)

Les progrès sont significatifs au Québec depuis 20 ans dans le domaine du capital de risque, même si l’écosystème demeure fragile, affirme une étude publiée cette semaine par Réseau Capital.

Ce document intitulé Évolution de l’industrie privée de capital de risque au Québec et de ses sources de financement (2004-2023) souligne que le nombre de firmes de gestion de fonds privés est passé de 4 en 2004 à 29 en 2023. Parmi ces dernières, sept sont considérées comme des gestionnaires établies, c’est-à-dire qu’elles ont levé quatre fonds et plus. Le montant annuel des fonds récoltés a été multiplié par neuf en 20 ans pour atteindre 946 millions de dollars (M$) en 2021-2022. La taille moyenne d’un fonds était de 70M$ pour la période 2004-2012, mais de 170M$ pour 2019-2021 avant de redescendre à 105M$ en 2022-2023.

«Le chemin parcouru est impressionnant depuis 20 ans», estime Olivier Quenneville, PDG du Réseau Capital, dont l’organisation représente l’industrie québécoise du capital d’investissement.

L’objectif de l’État québécois et des parties prenantes du capital de risque il y a un vingtaine d’années était soutenir le développement d’une industrie privée capable de lever des fonds sans trop d’apports du secteur public ou parapublic, de combler les besoins en financement des entreprises d’ici ainsi que doter la province d’experts et de réseaux équivalents à ce qu’on retrouve dans les autres grands marchés nord-américains. Il est important de rappeler que ces cibles avaient été fixées à la suite de l’éclatement de la bulle technologique et aux mauvais résultats enregistrés par les fonds publics et parapublics au début des années 2000.

«Fait remarquable, ces objectifs sont restés ceux de l’ensemble des acteurs de l’écosystème, tant publics et parapublics que privés, durant les deux décennies qui ont suivi, note le rapport. Initialement financée à 70% par des sources publiques ou bénéficiant de soutiens publics, l’industrie privée de capital de risque au Québec a connu une diversification croissante de ses sources de financement. Sur la période 2019-2021, elle est financée à hauteur de 60% par des sources privées québécoises, canadiennes et internationales.»

Avec la hausse des taux d’intérêt et le ralentissement économique post-pandémie qui a fait décliner le capital de risque, la part du privé est retombée à 52% en 2022-2023. En somme, il y a eu des avancées, mais la proportion de fonds privés reste moindre ici qu’ailleurs en Amérique du Nord, particulièrement comparé aux États-Unis.

«C’est une industrie qui est encore relativement jeune au Québec, juge Olivier Quenneville. En raison de la structure des fonds qui effectuent leurs premières sorties de sept à dix ans après le début du déploiement des capitaux, c’est quand même assez long d’arriver à démontrer ce que tu es capable de faire. On est sur la bonne voie. Les gestionnaires établis sont en mesure d’aller chercher de plus en plus de fonds privés et de l’étranger.»

Le domaine des TI se démarque

Les fonds de post-démarrage qui ont connu une poussée depuis 2016 sont ceux qui dépendent le moins d’argent public. À l’opposé, les fonds d’amorçage sont ceux où les sous publics et parapublics restent les plus présents.

«L’amorçage, c’est beaucoup plus local et donc plus difficile de trouver de l’argent de l’extérieur, dit le PDG du Réseau Capital. C’est normal que le public soit plus présent. En post-démarrage, les frontières sont moins importantes. Il y a plus de maturité dans ce secteur avec des gestionnaires établis qui peuvent mieux diversifier les sources de capital, comme des caisses de retraite, des fonds syndicaux, des banques et des investisseurs étrangers.»

Le secteur des technologies de l’information est celui où les fonds privés sont les plus significatifs, soit environ 60%. L’apport public demeure important dans les sciences de la vie et les technologies propres. Pour les sciences de la vie, cela s’explique notamment par les longs cycles de développement des produits avant leur mise en marché, ce qui nécessite des capitaux plus patients. Pour les technologies vertes, il s’agit d’un secteur relativement jeune.

«On reste très dépendant des fonds publics, mais il y a une diversification intéressante, déclare Olivier Quenneville. Cela m’a surpris.»

La plus faible proportion de capitaux privés au Canada et au Québec est en partie due au fait qu’il y a moins de grandes entreprises qui ont des filiales de capital de risque par rapport à ce qui existe au sud de la frontière. L’écosystème est aussi plus jeune. Le cercle vertueux voulant que les capitaux déployés soient ensuite encaissés avec profits dix plus tard puis réinvestis dans un autre cycle est moins développé.

Trois piliers à améliorer

Le rapport conclut donc que l’écosystème demeure «fragile», puisque la majorité des gestionnaires sont très dépendants des financements publics et parapublics. Les gestionnaires établis capables de se financer surtout auprès de sources privées québécoises, canadiennes et internationales sont encore minoritaires.

Afin de favoriser la croissance du capital de risque privé au Québec, le rapport estime que trois facettes doivent être renforcées:

1 — L’internationalisation: améliorer le rayonnement à l’étranger et attirer davantage de capitaux d’ailleurs permettra de varier les sources de financement ;

2 — Le talent, l’expertise et les réseaux de l’équipe de gestionnaires: des équipes plus habiles et expérimentées obtiendront de meilleurs résultats ;

3 — La dimension entrepreneuriale de l’équipe de gestion: les gestionnaires sont en fait des entrepreneurs qui doivent avoir une vision, choisir les bonnes start-ups et convaincre des financiers de placer leurs billes dans leurs fonds.

Cette recherche émet deux recommandations plus précises, soit de créer un groupe de travail sur la stratégie pour renforcer l’écosystème en sciences de la vie et d’encadrer et mentorer les nouveaux gestionnaires, notamment en amorçage. Pour ce dernier point, Réseau Capital a déjà commencé à mettre sur pied un réseau de mentorat.