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Club de danseuse, sushi et boxe: les leçons de Christian Genest

Emmanuel Martinez|Mis à jour le 30 août 2024

Club de danseuse, sushi et boxe: les leçons de Christian Genest

L’entrepreneur Christian Genest a écrit le livre «12 rounds de leadership, pour mettre K.O. le petit boss en soi». (Crédit photo: Elisabeth Joly)

Christian Genest est un entrepreneur au parcours atypique. De gérant d’un club de danseuses à Québec à fondateur d’entreprises comme Sushi Taxi, Buddha Station et Fish Club Privé, il a beaucoup réfléchi sur le leadership qu’il enseigne lors de conférence ou en tant qu’invité à l’École d’entrepreneurship de Beauce. Ce grand amateur de boxe – sport qu’il pratique cinq fois par semaine – a couché sa vision pour les patrons qui veulent améliorer leur style de gestion dans le livre 12 rounds de leadership, pour mettre K.O. le petit boss en soi. Les Affaires s’est entretenu avec lui à ce sujet.

Pourquoi as-tu écrit ce livre?

Je suis tombé dans l’entrepreneuriat comme un autodidacte. Un jour, je me suis rendu compte à quel point ma façon d’être un patron était toxique.

J’en suis donc venu à apprendre le leadership. À travers tout ça, j’ai grandi comme entrepreneur. J’en ai développé une passion tellement forte que j’ai commencé à enseigner le leadership, notamment à l’École d’entrepreneurship de Beauce.

Le livre est comme la suite logique afin de peaufiner mes techniques, remettre en question un peu les outils que j’enseignais. La démarche d’écriture, c’est comme une démarche pour reformuler ces outils, ces trucs, puis les rendre plus logiques.

Avant de publier tout ça, je me suis beaucoup questionné à savoir si c’était pertinent d’avoir un autre livre dans toute la mer de livres sur le leadership, la communication et l’entrepreneuriat.

Ayant moi-même un solide déficit d’attention, j’ai acheté des tonnes de livres, mais il y en a plusieurs que je n’ai jamais finis. Je trouvais ça long, trop statistique, trop théorique, durement applicable et plate.

Donc mon premier objectif a été de faire quelque chose de différent. Émotif, puis vraiment pratique.

D’où est venue l’idée d’arriver à des chapitres qui se déclinent en 12 rounds? Est-ce en raison de ton amour pour la boxe?

La boxe, ça a changé ma vie il y a 25 ans. C’est une discipline que je pratique encore cinq jours par semaine. C’est une passion qui fait partie de mon ADN.

J’ai tout le temps imagé les défis d’affaires ou de leadership avec la boxe, parce que c’est facile. Ce sont des images qui sont brutes, que tout le monde connaît et qui collent bien.

Par exemple, en boxe, il y a quatre coups qui deviennent un instinct. C’est le jab, le direct, le crochet et l’uppercut. On les pratique de 1200 à 1800 fois par jour sur un entraînement d’une heure. Mais comme leader, c’est pareil. Il faut être en mesure de déterminer quels sont nos quatre coups de leadership. Il faut apprendre à les pratiquer, à s’améliorer. Puis un jour, cela devient un instinct qui nous démarque et qui fait en sorte qu’on est un leader efficace dans le chaos. Car quand on est dans le ring, c’est le chaos. On n’a pas à réfléchir.

Comme leader, c’est pareil. Si tes quatre coups, c’est courage, empathie, vulnérabilité et tact, dans des moments difficiles qui sont, par exemple, une conversation qui est épicée, on n’a pas à se poser la question sur notre positionnement.

Donc, c’est un exemple pour dire à quel point la boxe peut servir à imager des choses qui sont praticables pour vrai afin de se démarquer à mieux leader des équipes.

Ces quatre coups de leadership, est-ce que ça varie d’une personne à une autre? Ou ce sont des coups, comme à la boxe, qui sont les mêmes pour tout le monde?

Ça doit varier d’une personne à l’autre. Il y en a, je pense, qui doivent être génétiques à nous. De facto, on a cette qualité-là qui transperce notre être. Mais, il y en a qu’on doit aller chercher, qui sont inconfortables au début, mais qui améliorent notre positionnement de leadership.

Moi, comme leader, je n’avais absolument aucun tact au début. Moi qui étais un être impatient, je n’avais pas beaucoup d’empathie parce que je voulais faire les choses vite et efficacement. Je me suis rendu compte que c’était important pour moi de le développer parce que ça saignait dans les relations que j’avais avec des employés et des collaborateurs.

Vous allez donc devoir cibler des avantages et des qualités qui vont faire en sorte que vous allez vous démarquer comme entrepreneur ou comme leader.

Tu disais que tu avais été dans le passé un leader toxique. Comment est-ce que cela se manifestait chez toi?

Quand j’étudiais en droit, j’étais le directeur d’un club de danseuses de Québec qui était au cœur de la guerre des motards à l’époque. Il appartenait aux motards et on y voyait transiter la mafia, les Rock Machines et tout ça. Alors, j’étais impliqué là-dedans.

Ceci me permettait d’avoir la liberté de vivre en appartement, de ne pas avoir de dettes et de continuer à étudier. Mais malgré moi, j’étais pris dans ce cercle-là. Et puis, à un moment donné, cela a mal viré. J’ai dû me sauver, parce que j’ai eu peur pour ma vie.

Quand je suis revenu au Québec, je me suis lancé en affaires en créant Sushi Taxi. Instinctivement, ma façon de prendre ma place dans un marché d’affaires qui est assez féroce a été de lever le ton, de menacer, de crier, de congédier des gens en plein travail et de mettre un client dehors en plein milieu d’une soirée où on est en train de donner du service. J’avais une position où c’est moi qui donne des ordres plutôt que de prendre la peine d’écouter une problématique, de questionner et de suggérer des pistes de solutions.

Ce positionnement s’était construit sur des réflexes acquis pendant quatre ans au club de danseuses. Cette position m’a peut-être aidé à me tailler une place dans mon parcours entrepreneurial pendant un an, mais ça m’a nui pendant sept ans parce que ça a laissé des traces au sein de mes équipes.

La première trace que ça laisse qui fait mal, c’est la confiance. La confiance, c’est la base du leadership. C’est ce qui fait en sorte que les relations humaines sont possibles. S’il n’y a pas de confiance, il n’y a pas de relations humaines. Dieu sait que dans le marché actuel, c’est important parce que la main-d’œuvre est rare. La main-d’œuvre spécialisée est encore plus rare.

La confiance est longue à rebâtir. Il doit y avoir un changement de valeur qui est authentique. Il doit y avoir un changement de comportement qui est sincère.

Est-ce que tu as des trucs pour justement mettre en pratique ce leadership? Par où commencer?

La première des choses est d’être capable de s’analyser, c’est-à-dire comprendre qui on est, puis gérer qui on est. Quelles sont mes zones grises? Je suis personnellement impatient. Je suis un gars qui veut faire les choses vite. Je suis un gars qui est un fonceur, puis qui veut atteindre ses objectifs.

Je suis un gars qui peut devenir émotif, autant rire ou avoir de la peine qu’être fâché. Pour moi, ce sont mes zones grises.

Comment on gère ça? Ce que j’ai appris, c’est qu’on a tous un bouton de pause. Et je dois apprendre à me servir du bouton de pause, que ce soit cinq secondes ou 24 heures. Je dois apprendre dans toute situation où je vis une émotion qui devient un tsunami à peser sur le bouton de pause. Dans une conversation, le bouton pause, ça peut être cinq secondes.

L’autre clé est de créer de la confiance. En entreprise, si tu es le leader d’un projet, d’une équipe ou de toute l’entreprise, s’il n’y a pas de confiance, il n’y a rien qui est possible.

Comment on crée la confiance? C’est premièrement d’être stable. Je ne peux pas rentrer au bureau une journée et sauter partout et être de bonne humeur. Puis l’autre journée, je suis en crise et je me mets à crier. Il faut être stable. Deuxièmement, les bottines doivent suivre les babines. Ce que tu promets, tu dois le livrer et pas seulement une fois. Toujours, toujours, toujours. Troisième chose: démontrer aux autres qu’on s’intéresse à eux personnellement.

À partir du moment où la confiance est là, on peut dire qu’il y a une relation humaine qui s’installe avec des employés et des collègues. À partir de là, on peut déployer notre leadership.

Alors, on commence avec les quatre coups du leadership dont j’ai parlé tout à l’heure. Ensuite, il faut s’attendre à recevoir des coups. Comme boxeur, quand on rentre dans un ring, c’est impossible de faire un combat sans recevoir des coups. Comme leader, c’est la même chose. C’est impossible de plaire à tous. Et notre job, ce n’est pas de plaire à tout le monde. C’est d’amener les actions qui sont en lien avec les valeurs qu’on a et le projet qu’on veut atteindre en appliquant les valeurs en tout temps.

Le concept de résilience est un des outils que le leader doit développer parce qu’on reçoit des coups comme leader.

Les propos ont été édités pour des questions de compréhension et de concision.