François Laurence et Christian Cossette, respectivement VP finance et président de CO7 Technologies, une PME de Montréal qui conçoit et fabrique des équipements de protection et de distribution utilisés dans les réseaux électriques. (Photo: courtoisie)
Habituellement, on peut créer son entreprise de deux soit en la mettant sur pied de A à Z, soit en rachetant une société existante. Une autre approche moins commune est possible: acquérir une partie des actifs et de la propriété intellectuelle de la filiale étrangère pour laquelle vous travaillez.
C’est la voie qu’ont choisie deux entrepreneurs québécois, Christian Cossette et François Laurence, en fondant CO7 Technologies, une PME de Montréal qui conçoit et fabrique des équipements de protection et de distribution utilisés dans les réseaux électriques.
En septembre 2020, les deux entrepreneurs ont acheté les actifs et la propriété intellectuelle de trois produits qui faisaient partie du portefeuille de Schneider Electric Canada, une filiale de la française Schneider Electric, qui fabrique et vend des produits en gestion d’électricité.
Ces trois produits sont des coupe-circuits à fusible, des disjoncteurs à vide intérieur et extérieur, ainsi que des disjoncteurs extérieurs (la gamme Vox).
Les deux hommes ont payé 1 million de dollars (M$) pour ces actifs et la propriété intellectuelle. De plus, CO7 Technologies s’est engagée à verser 5 % de ses ventes à la société française durant 24 mois, soit jusqu’en septembre 2022.
Au moins un autre acheteur potentiel était en lice (en l’occurrence américain) pour acheter les trois produits de Schneider Electric Canada, qui demeure active au pays malgré la vente d’une partie de ses activités.
Avant la transaction, Christian Cossette y était directeur du marketing et de l’ingénierie. Il est aujourd’hui président de CO7 Technologies. «Mon rôle consistait à gérer la division de l’énergie de Schneider Electric Canada. Le chiffre d’affaires de cette division était d’environ 40 M$ CA, et les trois gammes de produits acquises représentaient environ 25 % de ce chiffre d’affaires», précise-t-il. François Laurence était quant à lui directeur principal en servicesconseils transactionnel (revue diligente financière) à BDO Canada, une filiale du cabinet d’audit international, dont le siège social est en Belgique. Il est aujourd’hui vice-président aux finances de CO7 Technologies.
Une transaction complexe C’est l’équipe de François Laurence qui a reçu le mandat de Christian Cossette pour faire la revue diligente financière de l’ancienne division de Schneider Electric Canada. Les deux hommes se sont finalement trouvé des atomes crochus, et un «lien de confiance»s’est tissé, raconte François Laurence, qui a alors décidé de se lancer en affaires avec Christian Cossette. «Lorsque la pandémie a frappé en mars en 2020, c’est à cette occasion que la porte s’est ouverte pour moi afin de devenir copropriétaire puisque le financement devenait plus difficile à finaliser en raison de la nature de la transaction», souligne-t-il. La transaction qui a mené à la création de CO7 Technologies est en effet particulière.
Il s’agit, en fait, de la combinaison d’un management buy-out (l’équipe de direction d’une entreprise achète les actifs et les opérations de l’entreprise qu’elle gère) et d’un carved-out (cession partielle d’une unité commerciale dans laquelle une société mère vend une participation minoritaire d’une filiale à des investisseurs extérieurs).
Huit mois après la transaction, les deux entrepreneurs voient grand pour leur nouvelle PME, qui emploie une trentaine de personnes et dont le chiffre d’affaires se situe entre 10 M$ et 20 M$.
Cap sur l’international Dans les prochaines années, ils veulent que leur entreprise prenne de l’expansion à l’international, surtout aux États-Unis. «Notre but est de vendre nos produits aux utilities dans les réseaux intelligents», explique Christian Cossette. Actuellement, CO7 Technologies réalise 98 % de ses ventes au Canada et seulement 2% à l’étranger. Au pays, Hydro-Québec est un client important de la PME, car la société d’État l’était auparavant auprès de Schneider Electric Canada. Dans trois ans, la PME montréalaise souhaite réaliser 40 % de ses ventes à l’étranger, dont 25 % aux États-Unis, 10 % en Australie ainsi que 5 % au Royaume-Uni et dans le reste de l’Europe.
Contrairement au Canada, le marché énergétique est décentralisé aux États-Unis, où on y compte quelque 3000 distributeurs d’énergie. CO7 Technologies vise des clients potentiels, comme NextEra Energy, un producteur d’énergie verte de la Floride, et Duke Energy, un producteur d’énergie de la Caroline du Nord. «Pour le marché américain seulement, nous avons embauché 14 agents manufacturiers», insiste François Laurence. Ailleurs dans le monde, CO7 Technologies vise l’Australie et l’Europe, car la division de l’énergie de Schneider Electric Canada y vendait des disjoncteurs extérieurs (Vox). Ces produits étaient fabriqués en Allemagne, mais la PME québécoise a transféré la production à Montréal. Cette croissance à l’international sera uniquement interne.
Par contre, pour atteindre ses objectifs, l’entreprise devra investir, mais elle ne donne pas de chiffres à ce sujet.
Elle investira en R-D pour accroître son avantage concurrentiel et bonifier son offre, dans le manufacturier 4.0 pour accroître sa compétitivité et maintenir la production au Québec et dans le développement des marchés internationaux.
Les défis du repreneuriat Sans se prononcer spécifiquement sur le cas de CO7 Technologies, Louis Hébert, professeur en stratégie à HEC Montréal, estime que ce type de transaction (un management buy-out et un carved-out) représente plusieurs défis pour les entrepreneurs.
Outre le financement, il y a la question primordiale de la «séparation»de l’ancienne entité. «Par exemple, cette unité peut être liée ou dépendante de la maison mère pour ses approvisionnements ou le service à la clientèle», souligne ce spécialiste.
Selon lui, la vision d’affaires des nouveaux entrepreneurs doit aussi être claire dès le départ, car elle détermine la structure de financement et les investissements à faire pour reprendre une entreprise ou une partie de ses activités.
Ces questions sont importantes, car le repreneuriat affiche une croissance soutenue au Québec, selon une étude du Centre de transfert d’entreprise du Québec, «Portrait du repreneuriat de PME au Québec en 2017». Les activités de repreneuriat au Québec sont non seulement plus importantes qu’ailleurs au Canada, mais elles progressent aussi plus rapidement.
Ainsi, de 2007 à 2017, la proportion de PME québécoises issues du repreneuriat est passée de 25 % à 32 %. Pour la même période, cette proportion a progressé de 23 % et de 25 % pour l’ensemble du Canada.