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Déjà 10 ans à contre-courant pour Atelier 10

Emmanuel Martinez|Publié le 28 mars 2022

Déjà 10 ans à contre-courant pour Atelier 10

«J’avais beaucoup réfléchi à mon modèle d’affaires avant de plonger», explique le fondateur et directeur d’Atelier 10, Nicolas Langelier. (Photo : Vincent Bourassa)

Qui aurait misé il y a 10 ans sur la naissance d’une entreprise sociale montréalaise qui lançait un magazine appelé «Nouveau Projet»? Certainement pas grand-monde.

Mais grâce à une vision innovante qui s’appuie sur plusieurs piliers, Atelier 10 célèbre ce mois-ci sa première décennie avec des récompenses à son actif et une place de choix chez le lectorat progressif du Québec.

«J’avais beaucoup réfléchi à mon modèle d’affaires avant de plonger, explique le fondateur et directeur d’Atelier 10, Nicolas Langelier, en entrevue téléphonique. C’était les années où le iPad apparaissait et on disait que le papier allait disparaître. J’étais convaincu que c’était une erreur d’aller dans le tout numérique et qu’il y avait des forces dans le papier, mais qu’il fallait bien le faire. Cette volonté de ramer à contre-courant a été un facteur dans notre succès.»

Selon lui, le papier est idéal pour offrir des textes longs et intemporels, sans les distractions telles que les notifications qui surgissent sur les appareils connectés. Il misait également sur un objet de qualité, élaboré avec de beaux matériaux et un design accrocheur.

Nicolas Langelier a aussi décidé de ne pas «faire cette erreur de fournir du contenu gratuit» sur le web.

«Je ne voulais pas rentrer dans le même mur que les autres médias. Mon désir était d’éviter ces écueils-là dans un contexte où vendre de l’imprimé était difficile, et que Google et les autres gros joueurs de l’internet venaient gruger les revenus des médias traditionnels.»

 

Méfiance de l’AMF

Avant même de voir le jour, Atelier 10 a fait preuve de créativité pour amasser les fonds nécessaires.

«On a été le premier projet québécois financé par Kickstarter [NDLR. Une plateforme de sociofinancement], rappelle le fondateur. On est allé chercher 25 000 $. C’était vraiment bien au-delà de nos attentes.»

«On était à l’avant-garde. L’AMF [l’Autorité des marchés financiers] m’avait alors contacté en me disant que c’était illégal de récolter de l’argent sans rien offrir en retour. Nous reprochant de ne pas avoir émis de prospectus, elle m’a convoqué pour un interrogatoire. J’ai eu peur qu’on se retrouve avec une poursuite de l’AMF. Mais elle a finalement laissé tomber.»

Lui et Jocelyn Maclure, qui a quitté le navire en 2014, ont également mis 25 000 $ de leur poche pour que cette idée devienne réalité. Ils ont bouclé leur financement avec un prêt gouvernemental pour les PME.

Cet appel au public pour lancer le projet leur a donné sérieux coup de pouce de marketing, puisqu’il leur a permis de se faire connaître auprès de leurs futurs lecteurs

«On avait 1000 abonnées dès qu’on a lancé le magazine, dit-il. On pouvait réussir à vendre de la publicité dès le début. Ces abonnements constituent un pilier de notre modèle d’affaires.»

 

Se diversifier

Le patron d’Atelier 10 avoue s’être inspiré du Canadien Tyler Brûlé qui a lancé le magazine «Monocle» en Europe en 2007 et qui s’est diversifié en produisant d’autres types de contenu et en investissant dans la vente au détail.

«Je voulais entourer “Nouveau Projet”, qui était le cœur de mon initiative, de satellites venant le financer et l’appuyer. C’est ainsi que la publication de livres, la création d’événements et la production de contenu éditorial pour d’autres sont nées. Pour ce dernier volet, à l’époque, c’était assez novateur de faire ça. On a travaillé pour l’UQAM, on a aidé à créer le magazine “Beside” et on fait celui de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, Le “Trente”. C’est des projets stimulants.»

En 2015, Atelier 10 a ouvert une boutique dans La Petite-Patrie à Montréal. Cela lui permet de rejoindre directement le public en plus de pouvoir offrir d’autres choses que des publications.

«Le réseau de distribution a vraiment diminué ces dernières années, mentionne-t-il. C’est dramatique pour l’industrie du magazine. Les Maisons de la presse internationale ont fermé en grand nombre, Archambault et Renaud-Bray n’en vendent plus. Si les gens ne voient pas ton magazine, il y a moins de chance qu’ils l’achètent.»

Le dirigeant espère donc ouvrir d’autres emplacements pour rejoindre ses lecteurs et diversifier ses revenus.

«Vendre directement au public, cela a du sens pour les médias, car cela évite les intermédiaires. C’est avantageux. Et je crois aussi au commerce de détail en personne. Mais il faut avoir une belle boutique et un service impeccable.»

C’est pour cette raison qu’Atelier 10 a investi pour revamper son adresse de la rue Beaubien. L’entreprise, qui dit avoir été la première maison d’édition canadienne à obtenir la certification B Corp en 2014, compte également lancer une publication web distincte.

Nicolas Langelier note que «Nouveau Projet», le seul francophone à avoir remporté deux fois le titre de magazine de l’année au Canada, a bénéficié de la pandémie. Il a atteint le cap des 3000 abonnés. Et Atelier 10 a aussi dépassé la barre du million de dollars en revenus annuels.

Il est surtout fier d’avoir rempli sa mission de rassembler une communauté afin d’amener le Québec à changer positivement.

«Je considère ce magazine comme progressiste. On cherche des idées nouvelles, de façons de faire différentes. On essaie de transformer le Québec pour le rendre plus juste, plus solidaire et plus respectueux de l’environnement.»