Ce nouveau laboratoire permettra de cloner des plantes, d'en faire la micropropagation et la caractérisation génétique.
À l’instar d’autres grandes cultures, comme celle du riz ou du maïs, le cannabis aura droit à son propre laboratoire dédié à établir de meilleures pratiques pour le cultiver. Et c’est dans les nouvelles installations d’EXKA sur la couronne nord de Montréal que cette recherche se fera.
En annonçant en août dernier l’acquisition du terrain de golf Le Victorien à Mirabel, Maxime Paris ne se doutait pas de l’ampleur que prendrait son projet d’implanter un centre d’extraction d’huile de cannabis.
Au fur et à mesure que celui-ci se développait, son équipe et lui ont vite réalisé que le terrain de 166 acres qu’ils avaient acquis leur permettrait de grossir leurs objectifs. Ils souhaitent maintenant créer un pôle d’innovation axé sur cette plante.
« Le laboratoire de micropropagation n’était pas du tout prévu dans le premier budget de 12 M$ », se rappelle le fondateur de la PME. C’est pourtant lui qui entrera le premier en fonction, avec trois partenariats de recherche menés par des étudiants de l’Université McGill et du Centre de transfert technologique en technologie industrielle (CCTI).
Cette première entente de recherche se fera avec un post-doctorant de McGill qui, pendant trois ans, étudiera cette plante pour en faire la cartographie génétique reliée à la résistance de certaines maladies, comme l’oïdium blanc.
Maxime Paris, fondateur d’EXKA (Photo: Karyne Dupuis)
Ils utiliseront les données obtenues à la suite de la cartographie pour faire de la sélection moléculaire, c’est-à-dire de sélectionner des variétés de cannabis qui ont des caractéristiques intéressantes. Mais pas question ici de faire de la modification génétique.
« On choisit des plantes qui ont tous les attributs qui nous plaisent et on les croise avec d’autres qui sont résistantes à des maladies et l’on sélectionne l’issu de ces croisements », explique celui qui a travaillé dans un laboratoire d’amélioration génétique et de biotechnologie agricole pendant plusieurs années.
La deuxième entente avec l’Université servira à optimiser l’extraction d’huile des plants de cannabis. Bien que des techniques existent actuellement, « celles-ci ne sont pas optimisées », croit Maxime Paris.
L’entente avec le CCTI a pour mission de valoriser les résidus du cannabis. « En ce moment, l’industrie doit payer pour se débarrasser de ceux-ci alors qu’ils devraient avoir une certaine valeur économique », explique le fondateur de la PME.
EXKA souhaite aussi créer une bibliothèque de variété de cannabis, aussi appelé « une banque de clone ». Outil répandu dans plusieurs autres cultures, aucun n’a encore été fait pour le cannabis, puisque la production a longtemps été illégale. Ils pourront ainsi développer des cultivars, soit des plants de cannabis aux caractéristiques uniques qui sont stables et uniformes.
Maxime Paris rappelle que le cannabis est actuellement cloné. Toutefois le processus se fait à partir de plantes mères qui prennent « beaucoup d’espace », et qui ne peuvent être gardées indéfiniment, puisqu’elles sont annuelles. Les plantules qui seront manufacturées dans le laboratoire de micropropagation d’EXKA devraient remédier à la situation.
Un projet de longue haleine
Ça fait déjà plusieurs années que le docteur en génétique moléculaire des plantes porte cette idée de bâtir un centre de recherche sur le cannabis. Il a d’abord tâté le terrain alors qu’il était étudiant au baccalauréat en botanique à McGill vers la moitié des années 1990. À l’époque « ça n’avait pas été bien reçu, ça s’était même terminé assez vite », se remémore M. Paris. Lors de son doctorat, il a tenté une seconde fois de pousser son idée auprès de la communauté de l’Université Murdoch en Australie, sans succès.
Cette fois-ci, avec une aide financière qui atteint 20 M$ provenant notamment de Québécois fortunés et des gens d’affaires du secteur pharmaceutique, il bâtit un complexe de 58 000 pi2.
Photo par Karyn Dupuis de CreativeCompulsions
Celui-ci sera composé d’une serre de 27 000 pi2, d’une usine d’extraction d’huile de 21 500 pi2, et de l’ancien club-house de 9300 pi2, dont le deuxième étage a été reconverti en laboratoire de recherche avec l’aide de professeurs de l’Université McGill.
Une dixième personne se joindre à l’équipe de EXKA d’ici une semaine ou deux. Une vingtaine d’autres devraient suivre d’ici la fin de l’année. Le fondateur souhaite que d’ici 2021, une centaine de tête travaille pour son entreprise. Maxime Paris voit grand : « est-ce que tout le monde travaillera dans nos installations de Mirabel? Je ne pourrai pas vous répondre. »
En effet, l’entreprise se tourne déjà vers l’internationale. Ayant fait son doctorat en Australie, Maxime Paris voit plusieurs occasions à saisir dans ce pays qui s’ouvre à la culture de cannabis thérapeutique. Sa mire pointe aussi vers l’Europe. « Nous avons l’avantage d’avoir bâti une équipe de scientifiques et un réseau mondial », se réjouit-il.