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Fusions et acquisitions: du cent pour un pour Novacap

Emmanuel Martinez|Édition de la mi‑juin 2024

Fusions et acquisitions: du cent pour un pour Novacap

Marcel Larochelle, associé directeur et responsable du fonds des services financiers de Novacap. (Photo: courtoisie)

FUSIONS ET ACQUISITIONS. Depuis 1981, le fonds d’investissement privé québécois Novacap se spécialise dans l’acquisition d’entreprises de taille moyenne afin de les amener plus loin et d’en dégager de la valeur. Les Affaires s’est entretenu avec Marcel Larochelle, associé directeur et responsable du fonds des services financiers de Novacap.

Les Affaires : Quelles sont les tendances de fond en matière de fusions et acquisitions ?

Marcel Larochelle : Il y a de moins en moins d’entreprises qui sont enregistrées en bourse. Il y a aussi des investisseurs institutionnels qui allouent de plus en plus d’argent aux placements privés. Donc il y a une réduction des marchés publics et une augmentation significative des placements privés. Cela a un impact sur notre métier qui est d’accompagner les entrepreneurs dans leur croissance.

En parallèle, il y a la démographie. Beaucoup d’entrepreneurs vont prendre leur retraite. Ils commencent à songer à vendre leur entreprise et à voir s’il y a de la relève. Cela a donc un impact sur les transactions. On rentre souvent comme le premier investisseur dans l’entreprise en collaboration avec des gens qui sont là. Ce phénomène va en s’accélérant. On achète toujours si le fondateur ou des membres de la direction restent dans l’entreprise.

Ce sont d’importantes opportunités de placement. Il y a des entrepreneurs avec qui on négocie de gré à gré. Novacap est la plus vieille firme de placement privé au Canada donc on est connu. On s’appuie aussi sur un réseau de comptables, d’avocats et de fiscalistes qui nous connaissent et qui servent d’intermédiaires.

Donc vous n’avez pas à trop fouiller pour trouver la bonne entreprise ?

On travaille fort pour aller chercher des transactions intéressantes. Novacap investit dans trois grands secteurs : la technologie, l’industrie et les services financiers. On vise des entreprises valant de 50 millions à quelques milliards de dollars.

Dans chacune des plateformes, on a rarement plus de 12 entreprises sur la vie d’un fonds. On évalue facilement 100 transactions pour en faire une. Il faut que toutes les boîtes soient cochées.

Quand on investit dans une entreprise, on ne cherche jamais à acheter 100 % de l’entreprise. Idéalement, les fondateurs ou l’équipe de direction conservent une bonne partie de l’actionnariat. Si une entreprise qu’on a acquise achète une autre entreprise du même secteur, là on est prêt à acquérir 100 % de cette deuxième entreprise afin de la fusionner.

On dit toujours à nos entrepreneurs qu’on veut s’entendre sur une transaction qui est gagnant-gagnant. On fait une transaction sur un prix équitable, mais on est souvent d’accord pour verser un montant additionnel à l’entrepreneur si des objectifs sont atteints dans les années suivantes.

Quels sont les critères pour faire une acquisition ?

À partir du moment où on aime le secteur d’activité, notre équipe fait le travail d’évaluer quels sont les joueurs. On assiste par exemple à des conférences. Puis, on rencontre des entreprises pour voir où elles en sont dans leur développement.

On identifie quelques joueurs intéressants. Ensuite, on essaye de connaître les dirigeants des entreprises visées pour voir avec lesquelles on pourrait avoir une belle chimie afin de se développer. C’est vraiment important de choisir le bon partenaire, le bon dirigeant clé. On veut quelqu’un qui connaît bien son secteur d’affaires, qui a une bonne vision et qui possède une réputation sans reproche. On effectue une vérification des antécédents personnels avant chaque transaction. On désire aussi un dirigeant qui est ouvert au partenariat. Si on trouve qu’on ne pourra pas bien travailler avec l’entrepreneur, on préfère ne pas faire la transaction plutôt que de se retrouver dans un mauvais mariage.

Est-ce que la concurrence de fonds étrangers vous complique la tâche ?

C’est sûr qu’il y a plus de concurrence des fonds étrangers qu’il y a dix ans, mais Novacap investit aussi à l’extérieur du Canada. Par exemple, dans les services financiers, on a acheté en novembre une firme de Dallas. Ce qui nous donne un avantage dans le marché canadien, c’est d’être parmi les seuls spécialisés par secteur. Les fonds canadiens sont surtout généralistes, car ils effectuent des investissements dans plusieurs domaines. Les firmes de placement américaines se spécialisent par secteur, mais ont peu de connaissance du marché canadien. Dans celui des services financiers, on est le seul fonds spécialisé canadien au pays. Cela nous donne un avantage concurrentiel afin d’offrir plus de valeurs à nos entrepreneurs, car on connaît bien la réglementation, les autres joueurs et les institutions financières.

Est-ce que les dernières années marquées par la pandémie puis par une forte hausse des taux d’intérêt ont influencé vos décisions ?

On est un investisseur patient et on fait nos choix prudemment. On ne cherche pas à faire des transactions à tout prix.

Peu importe la firme de placements privés, toutes les entreprises du secteur industriel ont connu une situation unique dans l’histoire durant la pandémie en vivant soit des moments très difficiles ou au contraire excellents. Cela a impacté le déploiement de capitaux et les sorties.

Quand vient le temps de vendre, on est un investisseur opportuniste. Si la conjoncture n’est pas propice, on n’a pas de problèmes à attendre afin de créer davantage de valeur.

Si elle est favorable, avec un acheteur qui se présente avec une offre non sollicitée, on n’hésite pas. Par exemple, dans mon fonds de services financiers, on a vendu deux entreprises en début d’année qu’on avait achetées en 2020. Dans un cas, Aviva était intéressée par Optium, basée à Calgary. L’autre demande non sollicitée venait de la firme américaine TA Associates qui a mis la main sur AGA, une entreprise de Montréal dans le domaine des assurances collectives qui est devenue un leader canadien depuis qu’on l’a acquise. Elle a connu une croissance fulgurante en quatre ans. La décision de vendre se prend toujours de concert avec les entrepreneurs et avec les autres partenaires.

Ces deux transactions sont le reflet de la qualité de ces entreprises. On a bien choisi les secteurs d’activité qui étaient porteurs. Il n’y a rien de mieux que des résultats passés pour attirer des acheteurs.

Les années 2020, 2021 et 2022 ont été extrêmement actives pour Novacap. On a été opportunistes, tandis que certains ralentissaient le rythme de leurs transactions. On voyait de belles entreprises qui cherchaient des partenaires. L’année 2024 sera très occupée pour nous.

Comment se passe l’accompagnement post-acquisition ?

On va toujours avoir des associés qui vont siéger dans le conseil d’administration de la nouvelle entreprise. On ne la gère pas au quotidien, mais on est extrêmement impliqués dans le suivi et la stratégie.

On fait plein de choses avec l’entrepreneur avant la clôture dans le cadre d’un plan de 100 jours. Avant d’annoncer la transaction, on travaille de manière intense en cybersécurité, car sur le « dark web », il y en a des pirates informatiques qui s’envoient des défis lorsque la transaction est annoncée. On travaille donc avec l’entreprise pour s’assurer que les systèmes informatiques soient blindés.

On travaille à bien intégrer le volet financier, que ce soit pour la reddition de compte ou la relation avec les banques. Du côté des ressources humaines, on s’entend avec l’entrepreneur au sujet du message à transmettre, que ce soit pour les clients, les fournisseurs ou les employés.

On a aussi une équipe pour des questions juridiques, de marketing, de vente, etc. On ne substitue pas à l’entreprise, mais on est là pour l’accompagner dans le cadre de notre plan de création de valeur.

Par exemple, on accompagne toutes les entreprises dans notre portefeuille pour s’assurer qu’elles respectent le cadre réglementaire pour la protection des renseignements personnels.

À noter : les réponses ont été éditées pour des questions de clarté et de concision.