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La fin des entreprises zombies

Emmanuel Martinez|Édition de la mi‑septembre 2023

La fin des entreprises zombies

Selon l’étude publiée par la FCEI en juin, les PME des secteurs des arts, des loisirs et de l’information (62%), ainsi que de l’hébergement et de la restauration (61%) sont les plus susceptibles de ne pas pouvoir payer. (Photo: 123RF)

La pandémie rattrape finalement plusieurs entreprises qui n’arrivent plus à sortir la tête de l’eau après s’être endettées et avoir manqué de revenus durant la crise de COVID-19.

Récemment, Juliette & Chocolat a fermé ses huit restaurants, tout comme Crémy Pâtisserie, qui possédait un établissement sur le Plateau Mont-Royal ainsi qu’à Boucherville. 

Dans un message sur Facebook, le propriétaire de Crémy, Rémy Couture, a déclaré qu’il avait le « cœur gros » en accrochant son tablier après 12 ans de service. 

« Je n’apprendrai rien à personne en vous expliquant que le coût des matières premières et les salaires ne cessent d’augmenter, a-t-il détaillé. Avec le paiement des opérations quotidiennes et le remboursement des prêts accordés pendant la pandémie, poursuivre sur cette voie n’est simplement plus possible. » 

La date limite pour redonner les sommes obtenues du Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes (CUEC) du gouvernement fédéral arrive le 31 décembre. Selon la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), près de 250 000 PME, soit 19 % du nombre total au pays, risquent de fermer leurs portes l’an prochain si Ottawa ne reporte pas cette échéance d’un an, comme cela avait déjà été fait l’an dernier.

« Ce serait une bonne politique publique de repousser d’une autre année le paiement du CUEC, affirme Jasmin Guénette, vice-président aux affaires nationales de la FCEI. Tout le monde serait gagnant : le gouvernement a plus de chance de récupérer sa mise, tandis que les PME peuvent se remettre sur pied en ayant un meilleur flux de trésorerie afin d’embaucher et de rembourser ses fournisseurs. »

À défaut de repayer en entier ce prêt pouvant aller jusqu’à 60 000 $, les PME et organismes sans but lucratif qui l’ont contracté perdront le tiers du montant qui aurait été transformé en subvention tout en devant payer un intérêt annuel de 5000 $ sur l’ensemble du total.

 

Les lois du marché

Selon l’étude publiée par la FCEI en juin, 43 % des quelque 900 000 bénéficiaires risquent d’être incapables de rembourser leur prêt avant la fin de l’année. Les PME des secteurs des arts, des loisirs et de l’information (62 %), ainsi que de l’hébergement et de la restauration (61 %) sont les plus susceptibles de ne pas pouvoir payer. Les entreprises de moins de quatre employés sont les plus à risque. 

Mais cette hécatombe anticipée n’inquiète pas de nombreux spécialistes qui voient ces PME comme étant non viables, car ayant des revenus insuffisants pour couvrir les paiements liés à leur dette. Surnommées des « entreprises zombies », elles étaient en quelque sorte sur le respirateur artificiel en raison de l’aide gouvernementale fournie durant la crise sanitaire.

« L’échéance du CUEC provoquera des fermetures d’entreprises qui ne sont pas rentables, mais un autre report n’est pas nécessaire, affirme Michel Thibault, associé au groupe Redressement et insolvabilité chez Raymond Chabot inc. C’est normal qu’il y ait des faillites pour éliminer des entreprises mal gérées sinon cela nuit aux concurrents et au marché au complet. »

Puisque les sommes prêtées sont de moins de 60 000 $, le spécialiste estime que si elles engendrent des faillites, les effets seront minimes sur l’économie.

« Il y a beaucoup de petites entreprises de quelques employés qui peuvent travailler le lendemain, puisqu’il y a souvent de la demande pour leurs services, comme en restauration ou dans un salon de coiffure », souligne-t-il.

 

Redressement

Ce que remarque Michel Thibault, c’est que de plus en plus de PME viennent cogner à sa porte pour redresser leur situation financière. Celles qui sont viables ont intérêt à rembourser le prêt de la CUEC pour pouvoir toucher la subvention, même si cela signifie emprunter ailleurs.

Son travail consiste à faire une analyse financière afin d’améliorer le bénéfice brut de ses clients. Le spécialiste chez Raymond Chabot déplore que de nombreuses PME n’aient pas d’indicateurs de performance et d’informations financières pour poser le bon diagnostic.

« Les entreprises ne renouvellent pas assez rapidement leur entente avec leurs fournisseurs et ne renégocient pas les prix », ajoute-t-il.

L’expert mentionne que les coûts de revient doivent être bien analysés, tout comme les détails des ventes. « Si on écoule notre produit dans deux couleurs différentes et qu’il y a beaucoup de retours dans une des deux, est-ce que cela vaut encore la peine de la produire? » illustre-t-il

Selon lui, en ces temps où les coûts de production augmentent, les dirigeants de PME ont malheureusement tendance à agir quand la situation financière devient critique: « Un bon gestionnaire devrait toujours se remettre en question chaque année, ce qui n’est souvent pas le cas. »