La pénurie de main d’oeuvre nuit à la croissance des PME
La Presse Canadienne|Publié le 15 janvier 2019«La pénurie de main-d'oeuvre, pour la première fois, limite la croissance des investissements.»
La pénurie de main-d’oeuvre qui sévit au Canada est susceptible de nuire à la croissance des petites et moyennes entreprises (PME) et à l’ensemble de l’économie du pays en 2019, selon une récente enquête de la Banque de développement du Canada (BDC).
«Beaucoup d’entreprises fonctionnent à pleine capacité, ont de la difficulté à trouver de la main-d’oeuvre, donc à ce moment-là, elles sont incapables d’investir», a expliqué en entrevue Pierre Cléroux, économiste en chef de la BDC.
«La pénurie de main-d’oeuvre, pour la première fois — c’est un nouveau phénomène — limite la croissance des investissements.»
Selon le document publié mardi, le manque de travailleurs qualifiés est le premier facteur qui pourrait empêcher les entrepreneurs d’investir dans leur entreprise au cours de la prochaine année.
D’après le sondage effectué pour le compte de la BDC, 53 pour cent des propriétaires d’entreprises prédisent qu’ils seront limités dans leurs investissements en 2019 en raison du manque de travailleurs. L’année précédente, 46 pour cent faisaient état du même constat.
«C’est la première année où c’est plus fort, a mentionné M. Cléroux. C’est plus de la moitié des entrepreneurs.»
La BDC souligne qu’il existe un lien entre le manque de main-d’oeuvre et le ralentissement de la croissance des ventes d’une entreprise.
Au Québec, le secteur des services et les entreprises à l’extérieur de Montréal sont particulièrement affectés «et n’ont tout simplement pas la capacité de mettre leurs plans d’investissement à exécution», peut-on lire dans le rapport.
Globalement, au pays, les intentions d’investissements des entrepreneurs semblent stagner. Si 31 pour cent d’entre eux prévoient dépenser davantage dans la prochaine année, 32 pour cent souhaitent au contraire diminuer leurs dépenses.
«La croissance économique continue de bien aller, particulièrement au Québec, mais évidemment si on n’est pas capables d’embaucher des gens, d’investir davantage, eh bien ça va diminuer la croissance aussi de notre économie», a indiqué M. Cléroux.
La BDC a tiré ces conclusions à partir des témoignages de plus de 4000 propriétaires de PME (2 à 499 employés) dans l’ensemble du Canada. Le sondage téléphonique, effectué par la firme SOM, a été réalisé du 1er août au 12 octobre 2018. La marge d’erreur est de plus ou moins 2 pour cent, 19 fois sur 20.
Des pistes de solution
Pour remédier au problème du manque de main-d’oeuvre, l’économiste suggère aux entreprises de se tourner vers les catégories de main-d’oeuvre sous-utilisées.
«Le taux de chômage est bas, mais il y a des travailleurs qui souffrent d’un taux de chômage plus élevé: on parle des gens issus de l’immigration, des jeunes qui sortent de l’école et qui n’ont pas d’expérience, aussi des gens qui sont plus âgés qui aimeraient rester sur le marché du travail», a-t-il proposé.
M. Cléroux croit aussi que les entrepreneurs gagneraient à investir dans les technologies, ce qui pourrait diminuer leurs besoins de main-d’oeuvre.
Il cite l’exemple des commerces de détail qui installent de plus en plus des caisses automatiques.
De l’optimisme, malgré tout
Selon les données de la BDC, les propriétaires d’entreprises gardent toutefois le moral pour la prochaine année. Près des trois quarts d’entre eux anticipent que leurs revenus vont augmenter en 2019, ce qui est semblable aux chiffres pour l’année 2018.
La BDC note un optimisme élevé dans trois secteurs en particulier: les technologies, le commerce de gros et les services aux entreprises.
«Cependant, le plateau en matière d’optimisme suggère que l’économie est peut-être en train d’atteindre son plein potentiel», indique la BDC.
«On va essayer de garder ce plateau-là le plus longtemps possible, mais c’est clair que ça va être difficile d’assurer plus de croissance avec une économie qui roule à pleine capacité», a ajouté M. Cléroux.