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Les acquisitions comme modèle d’affaires pour Ficodis

Emmanuel Martinez|Édition de la mi‑juin 2024

Les acquisitions comme modèle d’affaires pour Ficodis

«C’est plus facile de croître par acquisitions, dit Christophe Bévillard. C’est vraiment notre approche d’en faire en consolidant des entreprises indépendantes.» (Photo: courtoisie)

FUSIONS ET ACQUISITIONS. Pour le fournisseur industriel montréalais Ficodis, les acquisitions ne sont pas juste des étapes dans son chemin vers la croissance, mais le cœur de son modèle d’affaires.

En poste depuis 2013, son président Christophe Bévillard en a déjà piloté 23, dont deux cette année.

« C’est plus facile de croître par acquisitions, déclare-t-il en entrevue. C’est vraiment notre approche d’en faire en consolidant des entreprises indépendantes. On garde cependant les dirigeants après la transaction et on maintient leur entreprise en place avec sa propre marque et culture. »

Ficodis, qui distribue des produits dans les domaines de l’outillage, la coupe, la puissance et la sécurité compte ainsi 43 points de vente représentés par des bannières locales différentes au Québec, mais aussi en Ontario et dans l’État de New York. Ces magasins se spécialisent généralement dans un créneau et servent un secteur géographique donné donc elles ne sont pas en concurrence. L’entreprise est très décentralisée, car environ la moitié de ces points de vente sont détenus conjointement avec un actionnaire minoritaire local, qui est soit l’ancien propriétaire ou une équipe de direction qui a décidé de prendre le relais.

« Cela peut paraître compliqué, mais c’est un vrai avantage, explique le patron. Toutes les entreprises qu’on acquiert sont profitables, en croissance et complémentaires. Le défi est de maintenir cette diversité, car c’est cela qui amène du rendement. »

Des partenaires d’affaires

Lors de son processus d’acquisition, Ficodis cherche avant tout des partenaires d’affaires. Elle vise des entreprises ayant des revenus annuels de 5 millions de dollars (M$) à 50 M$.

« Si le proprio souhaite s’en aller ou se décharger et s’il n’y a pas de relève qui est déjà en place, cela ne nous intéresse pas, mentionne Christophe Bévillard. Le dirigeant local aura autant de travail après la vente qu’avant. On sollicite deux types d’entrepreneurs : ceux qui veulent mettre en place la relève et ceux qui désirent continuer, mais qui ambitionnent de créer davantage de valeur. »

Selon lui, le partage du risque avec un actionnaire minoritaire constitue un avantage pour tous. Pour Ficodis, l’objectif est d’appuyer l’entreprise locale acquise afin d’améliorer sa rentabilité. L’entreprise de 720 employés gère donc toute la partie finance à son siège social montréalais, ainsi que les technologies de l’information. Elle s’occupe aussi d’aider les équipes de marketing et de ventes. Elle distribue également ses trois marques d’outils dans son réseau.

« Cela permet d’avoir de meilleures marges ou d’attaquer de nouveaux marchés, explique le Français d’origine. Les achats groupés nous donnent aussi la chance de faire baisser nos coûts grâce à des volumes d’approvisionnement accrus. On a aussi un financement bancaire consolidé pour l’ensemble du réseau, ce qui offre des conditions de prêt avantageuses et plus de capital. »

Chaque entité locale conserve sa politique salariale et sa direction. « Un des points importants est le partage de bonnes pratiques, souligne le président. Il y a beaucoup d’échanges entre les dirigeants des commerces sur des problématiques. On est vraiment comme un regroupement d’entrepreneurs. »

Ficodis est généralement propriétaire à 100 % des plus petites entreprises qu’elle achète, car cela ne vaut alors pas la peine de créer une structure d’actionnariat, mais elle donne l’occasion à l’équipe de direction de devenir actionnaire du groupe.

Le facteur humain

Pour Christophe Bévillard, une acquisition réussie commence par de bonnes relations humaines entre les deux parties. « Il faut aller au-delà des chiffres, dit-il. S’il y a un alignement des valeurs et des personnalités, il y a vraiment moins de risque d’échec. »

Il estime donc qu’il faut discuter longuement de sa vision avant de s’engager. « On fait comme si on était en post-transaction, ajoute-t-il. On passe suffisamment de temps ensemble pour voir si on peut travailler dans la même direction. C’est souvent sous-estimé, surtout dans les grosses transactions. »

C’est d’ailleurs ce qu’il a fait lorsque le groupe français Descours & Cabaud a acquis Ficodis en 2022. Il s’est alors retrouvé dans un autre rôle, soit celui du cédant.

Puisque Ficodis opère davantage sur un axe horizontal que vertical, l’intégration dans ses entreprises acquises n’est pas très poussée. Ses nouvelles entités conservent une bonne dose d’indépendance.

« Ce qui est important lors de l’intégration, c’est que le dirigeant local se sente complètement responsable du processus, note le président de Ficodis. Il ne faut pas qu’il dise “c’est à vous de décider”. »

« Ce qui est positif pour le dirigeant local, c’est que ce nouveau partenariat lui donne un terrain de jeu plus important qu’avant grâce aux ressources supplémentaires à sa disposition, poursuit-il. Cela le motive, car il peut aborder ses clients avec une nouvelle gamme de produits ou s’attaquer à un marché inexploité. »

Cap sur les États-Unis

La formule proposée par Ficodis a séduit au sud de la frontière. Elle possède maintenant trois entreprises à Long Island, près de New York. Elle mise d’ailleurs sur les États-Unis pour stimuler sa croissance.

« D’ici trois ans, on pense avoir une dizaine de points de vente dans l’État de New York, au New Jersey et au Connecticut. Il a beaucoup d’occasions chez voisins. Les entrepreneurs américains sont moins habitués à notre modèle d’affaires qui se distingue des structures plus intégrées. Cela les interpelle, surtout les dirigeants plus jeunes. »

La part du chiffre d’affaires provenant du marché américain est donc appelée à augmenter par rapport aux quelque 7 % actuellement. L’Ontario représente déjà la moitié des revenus de Ficodis avec l’acquisition de SDI Supplies plus tôt cette année.

« On a une bonne présence au Québec et en Ontario, mais il y a encore des opportunités, soutient le patron. Il y a beaucoup de place pour une croissance par acquisition et on commence à développer une cinquième branche en ingénierie et service technique. »

L’unique frein pour l’entreprise fondée en 2010 consiste seulement à ne pas trop prendre de bouchées en même temps.