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Des solutions pour contrer les taux d’intérêt

Emmanuel Martinez|Édition de la mi‑juin 2024

Des solutions pour contrer les taux d’intérêt

Les acquéreurs peuvent moins s’appuyer sur l’endettement pour financer leurs achats. (Photo: 123RF)

FUSIONS ET ACQUISITIONS. La rapide hausse des taux d’intérêt ces dernières années a mis des bâtons dans les roues de ceux qui voulaient faire des acquisitions en empruntant.

« Les entreprises remarquent que leurs charges d’intérêt ont beaucoup augmenté, déclare Jean-Yves Bourgeois, premier vice-président, Services aux entreprises, au Mouvement Desjardins. Pour celles qui ont pris un effet levier, leur marge de manœuvre est réduite. Il faut être plus créatif au niveau du financement. »

Par conséquent, les acquéreurs peuvent moins s’appuyer sur l’endettement pour financer leurs achats. « Les banques sont plus sévères dans le financement, explique Eric Cardinal, conseiller en fusions et acquisitions et vice-président du M&A Club. Cela prend plus d’actifs. »

Attendre avant d’encaisser

Profitant d’un rapport de force accru, les acheteurs demandent ainsi au vendeur de financer leur acquisition en attendant avant de recevoir ses sous, ce qui leur donne une meilleure marge de manœuvre.

« Il y a de plus en plus d’offres avec des soldes de ventes, qui de surcroît sont plus importants qu’avant, poursuit Eric Cardinal. Cela ne dépassait jamais 30 %, mais maintenant je reçois des offres avec la moitié en solde de vente. J’ai même vu une complètement avec des paiements différés. C’est un changement majeur dans le marché. »

Cette approche procure généralement des modalités plus souples que celles des banques et peut être attachée à un taux d’intérêt inférieur à celui d’un prêt bancaire, ce qui peut gonfler le prix versé. Il permet aussi d’accélérer le processus de la transaction. Toutefois, la BDC remarque qu’une partie du risque associé à la transaction est assumée par le vendeur. Parlez-en à Gilbert Rozon qui risque de perdre les 17 millions de dollars en solde impayé à la suite de la vente de Juste pour rire (JPR) en 2018, car cette entreprise s’est placée à l’abri de ses créanciers en mars.

« Après la transaction, tu n’as plus de contrôle sur ce qui se passe parce que tu as vendu ton entreprise, note Eric Cardinal. Si trois ans plus tard l’équipe de vente ne livre pas la marchandise, tu es impuissant. Par conséquent, je recommande au vendeur de dire oui à une offre avec plus de liquidité, mais avec un montant plus faible plutôt qu’à une autre avec un total plus élevé, mais avec un solde qui prendra trois ans avant d’être remboursé. »

Plus d’actions

Évidemment, un des meilleurs moyens d’éviter l’endettement est de procéder à un transfert d’action lors de la transaction. Le vendeur se fait payer en recevant des actions de l’acquéreur.

« Puisque les taux sont élevés, les investisseurs mettent plus d’actions sur la table et ont recours à moins de dettes », explique Angelo Noce, associé chez Blakes en fusions et acquisitions et capital-investissement.

Cette approche réduit le financement nécessaire et évite le paiement d’intérêts, tout en n’affectant pas la cote de crédit. En étant dans le même bateau, les deux parties ont ainsi avantage à faire concorder leurs objectifs. Le vendeur a la possibilité de réaliser une plus-value si l’entreprise progresse, mais il assume un risque et ne peut pas toucher autant de liquidités.

Le financement mezzanine, un prêt offrant des remboursements adaptés aux flux de trésorerie, est une autre stratégie pour éviter un prêt traditionnel.

« Le marché de la dette mezzanine a explosé depuis 18 mois », estime Jean-Yves Bourgeois de Desjardins. Les conditions de remboursement sont plus souples puisqu’elles sont liées aux liquidités. Par contre, les taux d’intérêt sont plus élevés, car le risque est plus grand pour le prêteur, parce que cette créance n’est généralement pas garantie par un actif.

Pour faire baisser leur taux d’emprunt, les acquéreurs peuvent allonger la durée du prêt. « On étire la dette sur un plus long terme afin de réduire le taux », explique Jean-Yves Bourgeois.

Le financement subordonné, qui est une dette de rang inférieur, sert aussi à combler un manque lorsqu’il n’y a pas assez d’actifs pour garantir une créance prioritaire normale.

Avant d’explorer toutes ces options, les entreprises québécoises ont cependant avantage à examiner les aides gouvernementales (prêts et subventions) qui s’offrent à elles et dont les conditions sont très généreuses. Ils devraient également cogner à la porte d’institutions étatiques telles Investissement Québec, la BDC et la Caisse de dépôt et placement du Québec, ainsi que de grands fonds de travailleurs (Fondaction, Fonds de solidarité FTQ) et des fonds privés.

« Au Québec, on est chanceux, juge Eric Cardinal. On a une abondance de solutions pour le financement, alors de l’argent, il y en a. »