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Les développements des compétences, la clé de la productivité

Catherine Charron|Mis à jour il y a 17 minutes

Les développements des compétences, la clé de la productivité

Les employés doivent être mis à contribution dans le choix des formations indique Caroline Thomson, consultante en ressources humaines affiliée à Iceberg Management. (Photo: 123RF)

Aux organisations dont les profits battent de l’aile, l’investissement dans la formation de vos employés pourrait bien vous être salutaire.

En effet, si 40% des entreprises manufacturières de la province sont parvenues à augmenter leur rentabilité entre 2022 et 2023, c’est en partie grâce aux gains de productivité de leurs salariés, apprend-on dans la 15e édition du Baromètre industriel québécois de Sous-traitance industrielle Québec (STIQ).

L’an dernier, l’étau du manque de la pénurie de main-d’œuvre se serait quelque peu relâché, rapporte-t-on dans le document paru le 15 mai 2024. D’après STIQ, 48 % des organisations ont même bonifié d’au moins 5% la taille de leur équipe, un sommet depuis 2009.

Les employeurs ne sont toutefois pas au bout de leurs peines, prévient Véronique Proulx, PDG de Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEQ).

Une vague de départs à la retraite s’apprête à déferler sur le secteur d’activité où 27% des postes en 2023 étaient pourvus par des travailleurs de 55 ans et plus. La relève, quant à elle, manque à l’appel, et les ouvriers de moins de cinq ans d’ancienneté sont difficiles à fidéliser, indique la dirigeante.

D’où l’importance d’avoir des employés bien formés afin de les rendre plus productifs, leur permettre de mieux collaborer, mais aussi d’encourager l’investissement vers l’automatisation, a mis en évidence à l’automne 2023 l’Institut du Québec dans son rapport intitulé «Former pour mieux performer : analyse sur les enjeux du secteur manufacturier» commandé par MEQ.

«Il y a un cercle vertueux entre les changements technologiques et le développement de la main-d’œuvre, confirme le professeur titulaire à l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal, Jean Charest. C’est la clé de la productivité.»

Réflexion nécessaire

Encore faut-il déterminer à quoi ça rime gagner en productivité pour sa propre entreprise, prévient Julie Tardif, cofondatrice de la firme de consultants Iceberg Management. Ce concept ratisse large, puisqu’on peut autant bonifier les aptitudes techniques, relationnelles et de résolution de problèmes de ses troupes.

Établir un plan de développement des compétences à l’échelle de l’organisation — qui peut être plus ou moins précis, indique la dirigeante — pour répondre à ses impératifs serait donc la première étape pour se lancer dans ce chantier. Tous les départements doivent être concernés, rappelle la conseillère en ressources humaines agréée (CRHA), pas que les ouvriers d’usine.

« Un comité d’amélioration en continu permet de remarquer les lacunes, et de suivre si on a formé ou pas nos employés à ce propos », ajoute-t-elle.

Les personnes qui se chargeront de superviser ce grand chantier — les quelque 30 000 gestionnaires du secteur d’activité selon la dirigeante de MEQ — doivent être formées et outillées pour anticiper les besoins de la transition verte et numérique, est-il recommandé dans le rapport de l’Institut du Québec.

Les employés doivent être mis à contribution dans le choix des formations indique Caroline Thomson, consultante en ressources humaines affiliée à Iceberg Management. « Ils pourront ainsi nommer leurs trous de compétences. Ce n’est pas tout le monde qui est au même niveau […] et qui apprend de la même manière. Ça augmente aussi ultimement leur engagement et leur participation », constate-t-elle.

Mobiliser les employés

Pour que les employés emboitent le pas de la direction dans cette quête de la productivité, ces derniers doivent d’abord et avant tout être au courant que ça fait partie des objectifs de l’entreprise. Après tout, c’est un investissement en eux que l’employeur s’apprête à faire, souligne Caroline Thomson.

De plus, « il faut expliquer à quoi ça va nous servir, ces gains. Si c’est pour devenir un leader, par exemple, on vient créer un sentiment d’appartenance, de fierté à l’égard de la marque et de l’organisation », dit Julie Tardif.

Encore beaucoup d’entreprises « dirigent par la peur », constate Julie Tardif, laissant miroiter le risque de coupes de postes ou de fermeture. À court terme, reconnait-elle, ça peut nourrir la motivation des membres de l’équipe. La pandémie et le climat anxiogène qu’elle a créé où certaines organisations ont connu d’excellentes performances malgré l’adversité en sont de bons exemples. À long terme, ça démobilise les troupes, prévient la CRHA.

Un plan de développement des compétences par individus peut les aider à comprendre comment ils pourront appuyer l’organisation dans sa quête de productivité, à générer chez eux cette motivation intrinsèque. Selon elle, le nerf de la guerre est ici.

Se sentir investi d’une mission déclencherait un cocktail chimique au cerveau que les neurobiologistes appellent les « hormones de l’amour », explique Julie Tardif. C’est pourquoi, d’après une recherche du ADP Research Institute qu’elle a consultée, aimer son travail permet de mieux enregistrer l’information, et améliore les tâches cognitives notamment. « On est en feu sans se brûler, on est motivé par amour du travail. »

Coups de pouce existants

Bien que la responsabilité d’investir en ses travailleurs revient à l’entreprise, d’après le professeur Jean Charest, n’en demeure pas moins que des stratégies sectorielles sont de puissants outils pour éviter que toutes aient l’impression de devoir « réinventer la roue ». « On sait que ça fonctionne, on en a vu de beaux exemples, comme du côté de l’aéronautique », dit-il.

MEQ rappelle que de nombreux coups de pouce existent déjà. Le regroupement s’est notamment entendu avec des CÉGEPS afin de former à distance trois cohortes d’employés en technique de génie mécanique.

« Ce ne sont pas de nouvelles personnes qu’on embauche, ce sont des gens qu’on veut garder, qui sont motivés, qui ont des habiletés et en plus, on leur donne une formation qualifiante. Ils ont donc une plus grande valeur sur le marché, explique Véronique Proulx. Le défi, c’est de faire connaitre ces programmes, et on n’est pas les seuls à en offrir. »