Les États-Unis sont une «drogue» pour les entreprises québécoises, dit Investissement Québec
Dominique Talbot|Publié le 13 septembre 2024Il n’y a pas que l’Europe où la présence d’entreprises québécoises exportatrices est trop faible, selon Investissement Québec. Le même constat s’applique pour l’Afrique, insiste Hubert Bolduc. (Photo: Christinne Muschi La Presse Canadienne)
Les exportations des entreprises québécoises ont peut-être augmenté de 25% au cours des dernières années, mais leur concentration «excessive» aux États-Unis sont un problème, dit Investissement Québec.
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Devant un parterre de gens d’affaires réunis à l’invitation de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain vendredi matin, le président d’Investissement Québec International, Hubert Bolduc, n’a pas hésité à parler de «dépendance» envers le marché américain.
« Du côté des entreprises exportatrices, la présence américaine agit un peu comme de la drogue, a-t-il illustré. Dans le sens où c’est facile, ça va bien, et 70 % de nos exportations vont aux États-Unis. Ça se fait dans un cadre relativement facile. Le problème, comme avec la drogue, à la fin, ça va moins bien. Et là tu deviens dépendant. »
« C’est un appel à la prudence. Être dépendant d’un client, aussi gros soit-il, c’est toujours une menace », prévient Hubert Bolduc.
Selon lui, comme les ventes des exportateurs québécois aux États-Unis vont bien, ces derniers sont moins tentés d’explorer de nouveaux marchés prometteurs.
« Le problème, c’est que nous sommes excessivement concentrés aux États-Unis. Et si nous voulons aider nos entreprises exportatrices davantage, il faut absolument les diriger vers les autres continents, notamment l’Europe », dit-il, faisant remarquer que le Québec traînait une balance commerciale négative de 2G$ avec la France.
« Quand on regarde les chiffres, c’est nettement à l’avantage des Européens. […] La réalité, c’est que les entreprises québécoises sont hésitantes à y aller. »
D’ailleurs, fait remarquer Hubert Bolduc, les Européens profitent davantage du traité de libre-échange Canada-Union européenne. Parce qu’ils sont plus audacieux et qu’ils veulent se diversifier, pense-t-il. « On devrait faire la même chose. »
Beaucoup de pédagogie reste donc à faire pour convaincre les entreprises québécoises des avantages du marché européen, notamment par rapport aux « barrières carbone » qui peuvent être un atout considérable. Et il concède qu’il faudra déployer des efforts supplémentaires, aussi du côté d’Investissement Québec, pour inverser la tendance actuelle.
Afrique
Il n’y a pas que l’Europe où la présence d’entreprises québécoises exportatrices est trop faible, selon Investissement Québec. Le même constat s’applique pour l’Afrique, insiste Hubert Bolduc.
« Je vois les taux de croissance phénoménaux en Afrique. Mais malheureusement, je vois aussi la difficulté qu’ont les entreprises à nous suivre là-bas », citant la présence des Américains, des Français, des Anglais, des Allemands, des Belges, des Néerlandais, des Chinois et des Russes.
« Tout le monde y est, mais nous, on dit que c’est trop dangereux. Mais pourquoi d’autres pays trouvent les moyens d’y aller? Avons-nous des outils suffisamment développés pour appuyer les entreprises québécoises à y aller? Peut-être que non », se questionne Hubert Bolduc.
À cet effet, les propos du président d’Investissement Québec International, tant pour l’Europe que pour l’Afrique, recoupent ceux tenus lors d’un panel d’experts réunis à Québec au mois de juin dernier dans le cadre du Rendez-vous d’affaires de la Francophonie.
Alors que l’espace francophone représente pas moins de 16 % de l’économie mondiale, pas moins de 14 % des ressources naturelles et énergétiques s’y trouvent.
Mais surtout, d’ici 2070, le nombre de locuteurs du français passera de 320 millions à près de 800 millions. Et ce boom démographique aura lieu principalement sur le continent africain.
En entrevue avec Les Affaires, l’économiste principal de l’organisation Québec International, Émile Émond, soulignait que le Banque mondiale entrevoyait des taux de croissance plus élevés dans les pays africains au cours des prochaines années.
Selon lui, les gens d’affaires du Québec devraient s’intéresser maintenant aux lois et réglementations des autres pays de la Francophonie, notamment ceux du sud, pour comprendre comment y faire des affaires.
« On a souvent l’impression que c’est loin. Ou qu’aujourd’hui, il n’y a pas d’occasions d’y faire des affaires. Ce qui n’est pas tout à fait le cas, par ailleurs. Quand on se projette, c’est le temps de commencer à avoir une réflexion, à se positionner », propose-t-il.
« Il y aura là-bas une croissance économique alors que nous aurons, ici, atteint notre maturité. Il faudra considérer ces éléments. »