La philosophie sociale de Francis Robichaud se répercute aussi sur sa recherche d’investisseurs. (Photo: Martin Flamand)
PDG DE L’ANNÉE 2024. Qui ne voudrait pas améliorer notre système de santé ? Plusieurs ministres se sont cassé les dents sur cette tâche titanesque. Préoccupé par ce problème, Francis Robichaud, fondateur de Lime Santé, a trouvé une solution qui, à défaut de tout régler, permet de mieux cerner les problèmes et d’apporter des remèdes.
Sa start-up créée en 2020 propose une plateforme logicielle conçue pour récolter et interpréter l’avis de ceux qui reçoivent des soins. Cet outil qui recueille les opinions des patients est utilisé par 18 centres intégrés universitaires de santé et de services sociaux/centres hospitaliers au Québec.
« Je suis fier qu’on ait réussi en moins de cinq ans à avoir un écho au-delà du Québec, dit le lauréat du prix PDG de l’année 2024 — Jeune pousse, en entrevue. On a déjà des clients au Nouveau-Brunswick, en Ontario, au Yukon et en Colombie-Britannique. On a démontré qu’on a bâti un produit qui est commercialisable au Québec, au Canada, et qui le sera également aux États-Unis et en Europe. Je suis vraiment très heureux qu’il soit exportable. »
Sa technologie pour mesurer l’expérience des patients pourrait se retrouver bientôt en Belgique puisqu’une équipe de commercialisation négocie des contrats avec des hôpitaux dans ce pays. Des contacts ont aussi été établis aux Pays-Bas et en France.
Fidèle à ses valeurs
L’entreprise de Saint-Augustin-de-Desmaures, près de Québec, s’appuie sur l’intelligence artificielle pour trier les réponses des usagers sur leur expérience dans le réseau de la santé qui sont reçues par courriel et textos. L’outil offre des suggestions aux établissements de santé pour remédier aux problèmes soulevés par les répondants.
Lime Santé a aussi développé un autre outil qui permet de suivre à distance l’état d’un patient. Par exemple, après une opération à la hanche ou au genou, le bénéficiaire répond à des questions un jour, un mois, trois mois et six mois plus tard pour mesurer l’amélioration de sa condition et de sa qualité de vie. Ce suivi en continu permet de déterminer s’il y a des besoins en physiothérapie, de prendre un médicament ou même d’effectuer une nouvelle opération.
« La théorie derrière notre approche, ce sont des soins axés sur la valeur, explique Francis Robichaud. Il s’agit d’offrir aux citoyens le bon traitement au bon moment. Donc, d’être plus à l’écoute du patient et d’avoir un dialogue sur les propositions de soins. Une rétroaction forte combinée à des indicateurs permet de prendre des décisions éclairées sur ce que l’équipe médicale recommande au patient qui va mieux adhérer aux traitements. C’est vraiment une transition par rapport à un mode de soins paternaliste. »
Ce système de santé plus ouvert, où le citoyen est consulté, est une démarche novatrice selon lui. Elle correspond à ses valeurs basées sur l’écoute et l’empathie.
Certification qui lui ressemble
Afin de concrétiser le développement d’une entreprise qui lui ressemble, Francis Robichaud a décidé que Lime Santé adopterait la certification B Corp.
« Cela vient officialiser notre mission sociale, croit-il. Et cela renforce la confiance entre les établissements de santé et nous, comme entreprise privée, en montrant qu’on n’est pas juste là pour le gain financier. On est vraiment dans une relation de collaboration. »
Cette philosophie sociale se répercute aussi sur sa recherche d’investisseurs. « Être B Corp vient immédiatement filtrer certains investisseurs qui veulent participer financièrement à l’entreprise, note-t-il. Cela leur fait comprendre qu’on bâtit un projet qui prend du temps et qu’il ne faut pas seulement regarder nos résultats monétaires. »
L’entrepreneur recherche ainsi des investisseurs qui auront à cœur son implication sociale et qui sauront se montrer patients.
Afin de maximiser le développement de produit et sa commercialisation, il accepte que sa jeune pousse roule à perte, avec 2026 à l’horizon pour atteindre la rentabilité.
De la parole aux actes
La philosophie des affaires de Francis Robichaud se reflète également dans la gestion de sa vingtaine d’employés.
Il a notamment instauré, dès le début de son aventure, la semaine de quatre jours. « On veut s’assurer d’avoir un environnement de travail sain pour justement ne pas avoir des employés qui pourraient tomber en surmenage, précise-t-il. On a souhaité mettre des ingrédients qui éviteraient qu’ils deviennent un fardeau pour le réseau de la santé. »
Il sensibilise sa main-d’œuvre à sa mission sociale et lui dévoile en toute transparence les résultats mensuels.
« Le but est que les employés soient enthousiastes pour ainsi, au quotidien, prendre des décisions qui sont alignées avec les valeurs de l’entreprise, affirme-t-il. Je suis quand même content de dire qu’en 2024, on est capable de faire de l’entrepreneuriat différemment. Ça existe, un entrepreneur équilibré avec des valeurs sociales. Le succès, ce n’est pas de travailler 100 heures par semaine. »