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Les X ont-ils assez de ressources en entrepreneuriat?

François Normand|Édition de la mi‑octobre 2019

Des entrepreneurs âgés de 35 à 49 ans affirment avoir de la difficulté à trouver des ressources en raison de leur âge.

Des entrepreneurs âgés de 35 à 49 ans affirment avoir de la difficulté à trouver des ressources (argent, programme, accompagnement) pour créer et faire grandir leur entreprise en raison de leur âge.

«Je finance tous mes efforts pour grandir avec mes propres ressources», dit Francia Arcila, la patronne de Pommerose Design Studio, une PME qu’elle a fondée en 2014 et qui fabrique des bijoux écoresponsables. Selon elle, son âge la disqualifie de la plupart des programmes d’appui aux jeunes entrepreneurs, car ils s’adressent surtout aux moins de 35 ans.

Audrey Sylvestre, présidente et fondatrice d’IntelliMédia, une PME spécialisée dans la stratégie, la recherche et l’analyse média et marketing, a vécu la même chose. L’entrepreneure de 46 ans a fondé son entreprise en 2013. La recherche de financement a été à ce point compliquée qu’elle a décidé de se financer elle-même. «J’ai sorti mes REER. C’était plus simple comme ça», lâche-t-elle.

Même discours du côté de David Cormier, un ancien associé de RestroPages, une PME qui a développé une application pour aider les restaurateurs à gérer leurs opérations. «J’ai épluché les programmes, et la majorité était pour les moins de 35 ans, voire 40 ans maximum. C’était problématique pour nous», dit l’homme de 47 ans, aujourd’hui directeur des relations d’affaires de la firme de négociation d’actifs financiers DRW.

Karyne Beauregard, une entrepreneure qui a fondé successivement trois PME entre 2009 et 2018, soit Entre 4 murs, Espace 313 et La Dépendance Espace Design Gourmand, a quant à elle un parcours assez unique. Comme elle a 43 ans, elle affirme avoir noté «une différence en matière d’accès à des ressources» pour créer des entreprises, et ce, avant et après l’âge de 35 ans.

Une moyenne d’âge de mentorés de 39 ans

Rina Marchand, directrice principale du Réseau M, une organisation qui offre un service de mentorat, confirme que plusieurs de ses membres plus âgés se plaignent de cette différence de traitement entre les générations. «Les entrepreneurs que nous accompagnons nous disent qu’il manque d’accompagnement financier», souligne Mme Marchand, en précisant que la moyenne d’âge des mentorés du Réseau M s’élève à 39 ans.

Comme il n’y a pas d’étude exhaustive à ce sujet, il est impossible de dire si l’ensemble de l’écosystème québécois de soutien aux entrepreneurs discrimine les propriétaires d’entreprises âgés de 35 ans et plus. Cela dit, certaines organisations ont des critères en fonction de l’âge.

Futurpreneur Canada, un OSBL fondé en 1996, offre du financement, du mentorat et des outils de soutien aux jeunes et aux nouveaux propriétaires d’entreprise âgés de 18 à 39 ans. L’organisme a même relevé l’âge limite à 39 ans en 2012. «Nous avons aperçu une tendance majeure qui était que les femmes entrepreneures (qui compte pour 40 % de nos entrepreneurs financés) lançaient des entreprises plus tard dans leur trentaine, souvent après avoir eu des enfants», explique Maryse Gingras, directrice générale, Québec et provinces de l’Atlantique.

La Ville de Québec offre de son côté un programme pour lequel elle a un pointage «favorable aux moins de 35 ans». Il s’agit d’appels à projets de «Québec ville entrepreneuriale», qui se veut un concours de modèles d’affaires. «Un promoteur de moins de 35 ans obtient une légère bonification de son pointage total», explique Jacques Vidal, directeur du développement de l’entrepreneuriat, des entreprises et de la région à la Ville de Québec.

Nous avons interviewé les porte-parole de plusieurs autres organisations, comme le Mouvement Desjardins ou Investissement Québec, qui nous ont assurés ne pas avoir de critères basés sur l’âge pour aider les nouveaux entrepreneurs. Toutefois, Stéphane Achard, premier vice-président à la direction, Entreprises et assurances à la Banque Nationale, admet qu’il y a peut-être un fondement à cette perception voulant qu’il y a moins de ressources pour les 35-49 ans. Le grand responsable, selon lui ? La manière dont est structuré l’écosystème pour stimuler l’entrepreneuriat.

Plusieurs incubateurs qui appuient le démarrage d’entreprises sont associés à des institutions d’enseignement ou à des centres de recherche. De facto, les entrepreneurs sont souvent des étudiants à la maîtrise ou au doctorat, âgés de moins de 35 ans. «Il y a peut-être lieu de réfléchir à voir comment on assure une présence auprès de la classe d’entrepreneurs qui débutent, et qui ne sont plus sur les bancs d’école», dit M. Achard.

Chose certaine, l’écosystème aurait intérêt à corriger le tir s’il y a vraiment un problème. Les entreprises fondées par les entrepreneurs âgés en moyenne de 45 ans sont celles qui ont le taux de survie le plus élevé, selon une vaste étude du Massachusetts Institute of Technology, «Age and High-Growth Entrepreneurship», publiée en 2018.

La raison en est fort simple : ils ont l’expérience, le réseau, l’expertise, parfois des économies. De plus, ils ont une obligation de résultat : ils ont souvent des enfants et d’importantes responsabilités financières.