L’IA représente une occasion et un danger, affirme Barack Obama
François Normand|Édition de la mi‑novembre 2019Adulée par les uns, décriée par les autres, l'intelligence artificielle (IA) représente à la fois une formidable ...
Adulée par les uns, décriée par les autres, l’intelligence artificielle (IA) représente à la fois une formidable occasion, mais aussi un «danger» pour nos sociétés si cette technologie perturbatrice n’est pas comprise et encadrée correctement, affirme Barack Obama.
Lors d’une conversation au Centre Bell organisée par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, le 14 novembre dernier, le 44e président américain (2009-2017) a expliqué le pour et le contre de l’IA qui, du reste, a déjà commencé à transformer l’économie et la société.
Devant un auditoire de 12 000 personnes, M. Obama a d’abord souligné que l’IA peut améliorer comme jamais dans l’histoire humaine notre efficacité collective et la compréhension de grands enjeux. «L’habilité des machines peut être appliquée à la plupart des tentatives pour résoudre des problèmes dans un sens qui révolutionnera l’industrie», dit l’ancien président démocrate, en donnant notamment l’exemple de la lutte au changement climatique.
L’IA peut déterminer quelle est la manière la plus efficace pour chauffer et éclairer un bâtiment, réduisant ainsi la consommation d’énergie, les émissions de gaz à effet de serre (si la source d’énergie est d’origine fossile) et la facture énergétique. «On peut rapidement trouver des solutions auxquelles un ingénieur ne pensera pas», affirme l’ancien locataire de la Maison-Blanche, en parlant de réduction de coûts énergétiques qui pourraient osciller de 20 % à 40 %.
Selon lui, le grand avantage de l’IA est son incroyable capacité à résoudre très rapidement des problèmes qui pourraient prendre 10, 15, voire 100 ans à des humains, et ce, en mobilisant des milliers de personnes. «Cela va devenir très puissant», insiste-t-il
Chômage de masse et explosion des inégalités
En même temps, l’IA peut aussi devenir une technologie qui pourrait déstabiliser nos sociétés et créer des tensions sociales importantes, prévient M. Obama. Tout d’abord en raison du chômage de masse que pourrait provoquer l’implantation de l’IA dans pratiquement toutes les sphères de l’économie et de nos vies.
Selon lui, il faut commencer à réfléchir sur l’organisation de sociétés où il pourrait y avoir beaucoup moins d’emplois. «Cela risque de faire exploser les inégalités», affirme l’ancien président des États-Unis, un pays où les inégalités augmentent depuis les années 1980 et 1990.
Il donne notamment l’exemple des millions de personnes, aux États-Unis, qui gagnent leur vie en conduisant des véhicules, et ce, des camions de marchandises aux autobus pour le transport en commun en passant par les taxis. Ces conducteurs risquent de tous perdre leur emploi si les véhicules autonomes deviennent la norme. À ses yeux, cela soulève des enjeux tels que le partage du travail dans une économie où le taux de chômage serait très élevé et permanent.
La redistribution de la richesse deviendra aussi fondamentale si la société se polarise entre les gens très éduqués ayant un emploi spécialisé et des travailleurs occupant des postes précaires, sans parler des personnes sans emploi.
Enfin, l’ancien président américain estime que l’IA a également le potentiel de miner le fonctionnement d’institutions fondamentales, comme le système de justice, à commencer par l’établissement des faits et de l’évidence en droit. «Par exemple, il sera difficile de faire la différence entre un véritable enregistrement audio et un faux», s’inquiète M. Obama, avocat de formation.
Pour illustrer le danger de la falsification grâce à l’IA, il mentionne une vidéo le concernant. «J’ai vu un exemple d’image qui me montre en train de prononcer un discours que je n’ai jamais livré !», raconte-t-il.
Certes, cette simulation est imparfaite. Selon lui, si on regarde ce faux discours sur l’écran d’un téléphone intelligent, on pourrait toutefois raisonnablement penser qu’il a réellement donné ce discours.