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Missions commerciales: prenez votre envol!

Emmanuel Martinez|Édition de la mi‑mai 2023

Missions commerciales: prenez votre envol!

Durant la pandémie, les visioconférences se sont imposées et ont été cruciales pour entretenir les liens d’affaires, mais les entreprises doivent renouer avec les déplacements. (Photo:123RF)

Le développement des affaires constitue un défi de taille pour les entreprises qui veulent s’étendre à l’extérieur du Québec. La participation à une mission commerciale représente toutefois un moyen efficace et économique pour percer à l’étranger.

«À Paris, on a été reçus comme des rois par les entreprises qui nous ont accueillis», raconte Yann Giroux, cofondateur de la start-up Oplan, qui a développé un logiciel pour la gestion de classe ainsi qu’un appareil pour aider les élèves ayant des troubles d’apprentissage.

Jamais ces portes ne se seraient ouvertes pour cette jeune pousse de Québec sans sa participation à une mission commerciale de Québec International, réalisée en partenariat avec la Chambre de commerce et d’industrie de Paris.

«On a pu parler directement avec des décideurs, ce qui a débouché sur deux occasions très concrètes, dont une lettre d’intention avec un partenaire majeur en France, explique le jeune PDG. La délégation a accru le degré de curiosité à notre égard tout en nous donnant de la crédibilité, particulièrement parce que le maire de Québec en faisait partie.»

Il s’agissait de la première mission à l’étranger pour la startup qui roule depuis 2020. Sa deuxième ne se fera pas attendre puisqu’elle retournera dans l’Hexagone avec Investissement Québec International (IQI) — l’aile d’Investissement Québec chargée des missions et de l’exportation — en juin pour le salon Viva Technology.

 

Dépoussiérer son passeport

Durant la pandémie, les visioconférences sur Internet se sont imposées et ont été cruciales pour entretenir les liens d’affaires, mais c’est dorénavant insuffisant.

«Si on pense qu’on peut maintenir nos relations avec Teams ou Zoom, c’est une grande erreur, affirme Michel Leblanc, président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Il faut retourner dans les avions, aller voir nos clients. Nos concurrents, surtout aux États-Unis, ont été moins contraints que nous par les règles sanitaires durant la pandémie.»

«Les missions, c’est essentiel, particulièrement pour les PME qui ont moins de moyens, ajoute le dirigeant qui fait lui-même quelques voyages annuellement. Même quand on est une grande entreprise, cela peut servir.»

Selon lui, les répercussions d’une mission avec des politiciens sont loin d’être négligeables. «Par leur présence, cela facilite les rencontres, précise Michel Leblanc. Les vraies nations commerçantes ont cette préoccupation de constamment promouvoir leur économie, car à chaque déplacement à l’étranger d’un ministre, il est accompagné d’entreprises dans son domaine pour les faire connaître. On devrait avoir le même réflexe.»

 

La puissance du groupe

Un des principaux avantages d’une mission commerciale, c’est l’accès à des entreprises stratégiques. «Pour une PME individuelle, cogner à la porte de Netflix ou d’un autre grand donneur d’ordre, c’est un défi, note Marie-Ève Jean, viceprésidente à l’exportation à Investissement Québec International (IQI). Mais si on regroupe des entreprises, on attire l’attention et on offre la chance au gros joueur d’examiner plusieurs occasions d’affaires différentes d’un coup. C’est gagnant pour tous.»

Ce maillage est précieux lorsqu’on sait que les multinationales sont très sollicitées, particulièrement dans des foires commerciales, où il y beaucoup de rendez-vous prévus en peu de temps.

«Pour nos entreprises, notre mission leur a fait gagner énormément de temps, estime Julien Billot, directeur général de Scale AI, la grappe canadienne d’innovation en intelligence artificielle qui a organisé un premier déplacement à l’étranger en France en février. Cela facilite les contacts et légitime leur importance.»

Ces tournées fournissent également une mine incroyable d’informations. «C’est vital pour le développement des affaires de sentir le marché d’accueil visé, explique Francine Lapointe, directrice principale du développement des marchés extérieurs à Québec International. En rencontrant des distributeurs ou des fournisseurs ainsi que des instituts de développement économique et de recherche, on jette les bases de partenariats, on peut constater ce que font les concurrents et se renseigner en matière d’innovation.»

 

Laisser place au hasard

C’est ce qu’a vécu Guillaume Thérien, associé de Triptyq Capital, au festival South by Southwest, au Texas, en mars dernier. «On est le new kid on the block, car nous sommes le seul fonds spécialisé en industries créatives au Canada, mentionne-t-il. J’évolue dans un monde de contact et de crédibilité, donc en étant présent, je mets Montréal sur la carte. En côtoyant d’autres responsables de capitaux de risque, on en apprend également beaucoup sur ce qui se fait aux États-Unis.»

Ce voyage a été fructueux pour lui puisque des investisseurs croisés sur place doivent participer avec Triptyq au financement d’une entreprise technologique québécoise.

«J’avais pas mal de rendez-vous à mon horaire, mais quand on est sur place, on fait de nombreuses autres rencontres, remarque-t-il en entrevue téléphonique. Par exemple, je me suis fait inviter à souper et j’ai pu discuter avec des responsables des bras financier de Warner, Nike et Red Bull. J’ai même un appel de suivi avec Nike tout à l’heure. Si tu veux compter, tu dois sauter sur la glace. Tu ne peux pas faire ça sur Zoom.»

De se retrouver ainsi en groupe à l’extérieur du Québec permet aussi de nouer des relations d’affaires ici. «C’est fascinant de voir le maillage qui ressort de ces voyages où des Québécois se côtoient pour la première fois durant plusieurs jours, constate Philippe Blais, directeur général d’Alliance Métal Québec (AMQ). Il se crée des liens qui vont durer à long terme, puisque des gens qui ne se seraient jamais parlé autrement vont travailler ensemble.»

En plus de faire une économie de temps et d’argent, les participants aux missions jouissent aussi d’un encadrement, comme des formations culturelles données par les ambassades canadiennes, les délégations québécoises à l’étranger ou des attachés commerciaux.

La convergence de la rareté de la main-d’oeuvre, de l’automatisation croissante et d’une concurrence venant de partout rend l’ouverture sur le monde encore plus fondamentale. Dans cette mer agitée, les missions commerciales représentent donc certainement un instrument de navigation incontournable pour les entreprises.

 

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L’art du pitch : dix secondes pour faire bonne impression

À l’étranger, réussir son pitch est d’autant plus important que l’occasion ne se reproduira probablement jamais.

C’est un art qu’il faut impérativement pratiquer avant de partir. Une erreur commune est de se lancer trop rapidement dans son offre sans connaître notre interlocuteur ni ce qu’il désire.

«J’ai dix secondes pour décider quel personnage je vais jouer, souligne Alexandre Teodoresco, vice-président au développement stratégique et à l’innovation pour la troupe Les 7 doigts de la main. La difficulté, c’est de savoir quelle carte sortir de mon jeu parce qu’on a beaucoup de projets. Il faut être très à l’aise avec son portfolio. J’essaie donc de faire parler mon vis-à-vis en premier pour savoir comment engager mon pitch

«Le défi, c’est qu’on doit présenter et écouter en même temps, poursuit-il. Il faut être à l’affut des signaux. Parfois, on est tellement excité par son projet qu’on oublie l’autre. » De son côté, Sébastien Grenier-Cartier, directeur général de Normal Studio, préconise avant tout le contact humain pour marquer des points.

«Au lieu de vendre quelque chose, j’essaie de comprendre ses besoins, déclare-t-il. Je veux d’abord créer une connexion en posant des questions générales sur ce qu’il a vu ou visité sur place. Le client potentiel se fait pitcher 12 projets en une heure. En se liant davantage comme êtres humains, le reste sera plus fluide et il y a de meilleures chances qu’il se souvienne de moi.»

Pour augmenter ses probabilités, l’approche doit être la plus personnalisée possible. Connaître l’entreprise en face de soi aide beaucoup, tout comme le fait de connaître la culture du pays hôte.

«La présentation à un donneur d’ordre allemand ne doit pas être la même qu’à un client mexicain », reconnait Marie-Ève Jean, d’IQI. Après l’entretien, noter les clients potentiels est de mise pour hiérarchiser ses priorités. Un suivi par courriel s’impose environ deux semaines plus tard, en évoquant si possible un détail qui pourrait avoir retenu son attention.