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PME: la belle discrète de Lachute

Emmanuel Martinez|Édition de la mi‑février 2023

PME: la belle discrète de Lachute

Vincent Carrière, vice-président aux ventes et au marketing d'Orientech. (Photo: Emmanuel Martinez)

Dans ses rêves les plus fous, le premier ministre François Legault imagine sûrement un Québec peuplé de PME comme Orientech, spécialisée en automatisation.

Cette entreprise de Lachute a quadruplé son chiffre d’affaires en cinq ans en réduisant par trois son nombre d’employés. Difficile de faire mieux en matière de productivité, un thème cher au chef de la CAQ. Qui plus est, celle qui brasse des millions engrange environ 95% de ses revenus à l’extérieur de la province.

Le mascara et l’antisudorifique que vous utilisez sont probablement assemblés par une chaîne robotisée conçue par cette PME. De précieux pots de cosmétiques de marque mondiale sont mis en boîte par des machines fabriquées par elle. Orientech automatise aussi la pose de joints d’étanchéité pour des bouchons de toute sorte, ainsi que le remplissage de fioles ou de seringues pour des substances médicales.

«C’est spécial, mais personne ne nous connaît au Québec», affirme Vincent Carrière, vice-président aux ventes et au marketing, dont le père a acquis l’entreprise en 2000 avant de la céder à son autre fils, Justin, qui est aujourd’hui le président et unique actionnaire.

Pourtant, cette belle discrète joue dans la cour des grands. « On courtise des compagnies de plus de 1 milliard de dollars (G$) de chiffre d’affaires qui produisent un volume significatif de petites pièces identiques », ajoute Vincent Carrière.

 

Valoriser son expertise

Comme son nom l’atteste, Orientech se concentrait à l’origine sur le fait d’orienter les pièces dans le bon sens avant qu’elles n’entrent dans une chaîne de montage. Avec le temps, elle a trouvé un bon filon en concevant des chaînes entières, avec des robots qu’elle achète à l’étranger, notamment au Japon.

«La plus-value vient de nos cerveaux, explique le porte-parole de la PME. Les gens payent pour nos 30 ans d’expérience. On a augmenté nos prix et cela a permis de faire grimper notre chiffre d’affaires.»

Ses machines sur mesure sont plus coûteuses que celles qui sont produites en Asie, mais elles s’amortissent rapidement pour l’acheteur qui s’automatise. Vincent Carrière fait aussi valoir qu’elles sont toujours conformes aux normes nord-américaines, plus fiables et dotées d’un service après-vente plus accessible.

«La qualité du service, c’est un avantage, dit-il. Si on m’appelle, je peux répondre et aller voir sur-le-champ le gars qui a fait la machine. Et on peut vite envoyer quelqu’un sur place au besoin, comme aux États-Unis. Nos clients ont tous nos cellulaires.»

Une des stratégies adoptées par cette PME de 25 employés pour augmenter sa productivité a été de se concentrer sur de gros clients. «On est une petite équipe, note le vice-président. Que le projet soit 50 000$ ou 1 million de dollars, je dois mobiliser la même équipe, donc on y va pour ceux qui ont de l’envergure.»

 

Vive l’automatisation!

Orientech a aussi le vent dans les voiles en raison du manque de main-d’œuvre et de l’accentuation de l’automatisation par les entreprises nord-américaines. Ce dernier élément est un des objectifs de l’État québécois, notamment d’Investissement Québec (IQ).

«Le chemin à parcourir reste important, surtout par rapport aux pays de l’OCDE, où on tire de l’arrière en matière de productivité, note Lyne Dubois, vice-présidente d’IQ et du Centre de recherche industrielle du Québec. Mais on est en train de rattraper notre retard par rapport à l’Ontario. On est sur la bonne voie.»

Selon les données les plus récentes d’IQ, la productivité au Québec a augmenté de 5,3% dans le commerce de détail, de 4% dans celui de gros et de 0,1% dans le manufacturier de 2016 à 2021. L’écart s’est amenuisé dans les trois domaines par rapport à notre voisin ontarien. Dans le cadre de son initiative Productivité innovation, lancée en 2020, IQ a dépensé plus de 2 G$ pour soutenir 688 projets.

Selon Lyne Dubois, offrir des moyens financiers n’est toutefois pas suffisant. «On sous-estime souvent l’accompagnement, car le processus de transformation prend du temps et de l’engagement, fait-elle remarquer. Il faut choisir la bonne technologie, mais aussi savoir comment mettre sur pied un bureau de transformation et comment communiquer le changement.»

Elle souligne que le Québec compte sur «un beau bassin d’entreprises qui font de la robotisation et de l’automatisation, soit environ 700». Évidemment, il peut être difficile pour une PME de s’y retrouver face à une telle offre, d’où la nécessité d’être bien accompagnée, ce que fait IQ.

Malgré les défis, Lyne Dubois met en garde contre les périls de rester les bras croisés. «Il ne faut pas juste aborder ces transformations sous la loupe du rendement de l’investissement, prévient-elle. Dans bien des cas, le coût de ne rien faire est encore plus énorme. Cela peut vouloir dire de tout simplement disparaître.»

Dans ce contexte de concurrence accrue, couplée à la pénurie de main-d’œuvre et aux avantages de rapprocher sa chaîne d’approvisionnement, faire appel à des PME comme Orientech pour améliorer sa productivité devient incontournable.

C’est quand même drôle à dire, car pour Orientech, élargir sa base signifie notamment décrocher des contrats au Québec. Avis aux PME intéressées!