Le taux de faillites en franchise est deux fois moins élevé que les entreprises indépendantes. (Photo: 123RF)
COURRIER DES LECTEURS. Longtemps, on ne considérait pas le franchisage comme de l’entrepreneuriat. On l’assimilait à un modèle d’affaires. Autrement dit, un franchisé ne créait pas, il reprenait un concept existant.
Mais quid de la création de valeur pour le franchisé qui se lance en affaires en tant qu’indépendant, qui embauche du personnel, qui s’implique dans sa communauté, ainsi que de son franchiseur à l’origine de l’idée et qui, ensemble, contribuent à la création de valeur au Québec? On peut donc considérer que c’est une forme d’entrepreneuriat encadré.
Le collège des experts du Conseil québécois de la franchise s’accorde pour définir le franchisage comme suit : «Une relation commerciale et contractuelle à long terme entre deux entreprises juridiquement indépendantes par laquelle l’une des parties, le franchiseur qui a développé un concept, un système, une façon de faire utilisant une ou des marques de commerce, consent à l’autre partie, le franchisé, contre rémunération prenant généralement la forme de droit d’entrée et le paiement de redevances, le droit d’utiliser ledit système éprouvé à l’intérieur d’un territoire donné pour une période déterminée. Bien que le franchiseur et le franchisé soient deux entrepreneurs indépendants et légalement distincts, ils ont néanmoins l’obligation d’agir dans une perspective de partenariat.»
L’entrepreneuriat encadré: une solution pour relancer l’entrepreneuriat?
À l’heure où nous constatons que l’ensemble du bassin d’entrepreneurs au Québec et au Canada a diminué de près de 100 000 personnes au cours des vingt dernières années — selon l’étude publiée par la BDC en octobre 20231 — se lancer en affaires avec l’aide d’un franchiseur, n’est-ce pas la solution ?
Un franchisé, c’est avant tout un entrepreneur indépendant qui s’adosse à un concept qui a fait ses preuves, avec lequel il bâtit une équité, en tire un maximum de bénéfices tout en minimisant ses risques. Il est prouvé par les chiffres2 que le taux de faillites en franchise est deux fois moins élevé que les entreprises indépendantes. (Études Indicia pour le CQF décembre 2022)
D’autant plus que le franchisage est partout au Québec et que nous en croisons au quotidien sans le savoir. Boulangeries, épiceries, concessions automobiles, pharmacies, quincailleries, restaurants, services à la personne, agences immobilières, hôtellerie… C’est près de 25 secteurs et 125 sous-secteurs que l’entrepreneuriat encadré touche.
Entrepreneuriat encadré, oui, mais jusqu’où?
Au Québec, il n’existe actuellement aucune loi régissant le franchisage à l’instar de certaines provinces canadiennes comme l’Alberta et l’Ontario, qui possèdent une législation sur le franchisage. Cette absence de législation portant directement sur le franchisage signifie d’abord que, sur le plan légal, une entreprise peut s’improviser franchiseur et accorder des franchises même si elle ne possède pas une formule d’affaires préalablement éprouvée.
Par contre, l’absence de loi régissant le franchisage ne signifie pas que les parties liées par un tel contrat se retrouvent nécessairement sans droit ni recours dans l’éventualité où l’une ou l’autre d’entre elles manquerait à ses obligations. Au Québec, c’est le Code civil qui régit selon la nature du problème ou du litige.
C’est pourquoi les franchisés doivent jouer de prudence et bien faire leur devoir avant de se lancer en franchise. C’est au franchisé de chercher et de savoir poser les bonnes questions lors du processus de qualification et du choix de la franchise.
Est-ce qu’une loi sur le franchisage au Québec est envisageable?
Tout comme en France — avec la loi Doubin ou le «disclosure document» — ainsi que dans certaines provinces canadiennes, cette question suscite des débats passionnés au Québec depuis de nombreuses années. Essayons de dresser un portrait objectif sur la question.
Les pour
Une loi sur le franchisage pourrait offrir une protection légale aux franchisés contre les pratiques commerciales déloyales de la part des franchiseurs.
Transparence et information: un des éléments qui plaide en la faveur d’un meilleur encadrement, c’est de permettre au futur franchisé d’avoir l’heure juste sur les informations complètes et précises sur les coûts, les obligations et les attentes associées à la franchise. Cela aiderait à éviter les mauvaises surprises et à garantir que les franchisés prennent des décisions éclairées. Ceci dit les «bons franchiseurs» le font naturellement.
Prévention des abus: certaines lois pourraient empêcher les pratiques commerciales déloyales de la part des franchiseurs, comme la dissimulation d’informations essentielles, les modifications unilatérales des contrats ou les frais excessifs. Cela pourrait réduire les risques pour les franchisés et promouvoir des relations plus équitables entre les parties.
Stimulation de l’économie: en offrant un environnement plus sûr et plus transparent pour les franchisés, une loi sur le franchisage pourrait encourager l’investissement dans les franchises, ce qui pourrait stimuler l’économie et créer des emplois. Cela pourrait également renforcer la réputation du Québec en tant qu’endroit favorable aux affaires.
Les contre
Ingérence dans le marché: certains pourraient soutenir que l’adoption d’une loi sur le franchisage représenterait une ingérence excessive du gouvernement dans les affaires privées. Ils pourraient faire valoir que les contrats de franchise devraient être négociés librement entre les parties sans intervention extérieure.
Risque de réglementation excessive: il y a un risque que la réglementation du franchisage soit trop lourde et entrave la croissance et l’innovation dans le secteur des franchises. Trop de règles pourraient dissuader les franchiseurs d’entrer sur le marché québécois, ce qui pourrait limiter les choix disponibles pour les consommateurs et les opportunités pour les entrepreneurs.
Coûts administratifs: la mise en place et le maintien d’une loi sur le franchisage pourraient entraîner des coûts administratifs supplémentaires pour le gouvernement ainsi que pour les franchiseurs et les franchisés. Ces coûts pourraient être transmis aux consommateurs sous forme de prix plus élevés ou limiter la rentabilité des entreprises de franchise.
À défaut de loi sur le franchisage au Québec, la mission du Conseil québécois de la franchise est d’encadrer en quelque sorte le vaste et diversifié monde de la franchise.
En fin de compte, il faut encourager les franchiseurs à devenir meilleurs en les enjoignant à mettre en place les meilleures pratiques et les hauts standards pour leurs franchises et leurs franchisés. Il faut que les franchisés se fassent accompagner par des professionnels du secteur pour préparer au mieux leur dossier. Mais lorsque le franchiseur et son franchisé avancent d’une même voix, le succès est au rendez-vous et, c’est cela l’entrepreneuriat encadré.
1 Selon une étude réalisée par BDC en collaboration avec l’Université de Montréal, octobre 2023.
2 Étude INDICIA réalisée pour le Conseil québécois de la franchise, mise à jour décembre 2022.
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