«Je suis déçue de ce ratio homme-femme», mentionne la directrice principale pour le contenu et l’innovation au Réseau Mentorat, Rina Marchand. (Photo: courtoisie)
Les femmes sont proportionnellement beaucoup moins sujettes à faire des démarches en matière de repreneuriat que les hommes selon des données obtenues en primeur par Les Affaires, qui seront dévoilées aujourd’hui au Sommet du repreneuriat à Montréal.
Parmi ceux qui font des démarches entrepreneuriales ou repreneuriales, 28,2 % des hommes le font dans la reprise d’entreprises existante contre seulement 15% chez les femmes, d’après l’Indice entrepreneurial québécois qui est chapeauté par le Réseau Mentorat depuis 2020.
«Je suis déçue de ce ratio homme-femme, car c’est presque le double, remarque la coauteure de l’étude et directrice principale pour le contenu et l’innovation au Réseau Mentorat, Rina Marchand, en entrevue. J’avais le sentiment qu’il y aurait une différence, mais pas autant. Je suis choqué.»
Difficile conciliation travail-famille
La principale hypothèse pour expliquer cet écart, c’est que la conciliation travail-famille puisse jouer un grand rôle. Le repreneuriat convient moins aux flexipreneurs qui se lancent dans un projet à temps partiel et qui le bâtissent tranquillement.
«Le repreneuriat, c’est un TGV qui roule, estime-t-elle. On ne peut pas mettre un pied dedans et avoir un autre dehors.»
Il existe aussi probablement des raisons systémiques. Par exemple, qu’un entrepreneur qui désire céder les rênes de sa PME pense moins à une femme pour prendre la relève
«Ce qu’on entend sur le terrain de nos mentors, c’est que les femmes disent qu’elles n’ont pas été considérées, qu’on a tenu pour acquis qu’elles n’étaient pas intéressées», souligne Mme Marchand.
Puisque les intentions de vente des cédants sont souvent camouflées pour ne pas nuire à leur entreprise, on présume aussi que les femmes pourraient être moins au courant des jeux de coulisses si elles fréquentent moins les 5 à 7 du bureau ou de leur industrie en raison de contraintes familiales.
Évidemment, ces hypothèses restent des pistes de réflexion qui seront explorées à l’avenir. Lorsqu’on sait que l’écart homme-femme concernant le taux pour entreprendre a atteint un creux historique en 2021 avec une différence de seulement 0,4%, le fossé dans le repreneuriat laisse perplexe, mais le Centre de transfert d’entreprise du Québec compte s’y attaquer.
«La parité, c’est important pour nous, explique son directeur général, Alexandre Ollive en entrevue. On constate une forte différence entre les deux sexes. Des programmes d’accès à la reprise doivent être créés en ce sens, ainsi que des campagnes de sensibilisation. »
«Avec le repreneuriat, le rythme de l’entreprise est déjà en place, poursuit-il. Les fournisseurs, les ventes et les employés sont là. C’est donc très exigeant sur la vie personnelle.»
Les données présentées mercredi montre aussi que l’écart homme-femme est particulièrement marqué lors des rachats de l’entreprise d’un employeur, suivi d’un rachat à un tiers (qui n’est pas de la famille ni dans la même entreprise). Le fossé est moins grand dans les cas de reprise d’une franchise d’un proche.
La croissance avant le prix
L’Indice entrepreneurial québécois révèle aussi que le prix est loin d’être ce qui motive le plus un entrepreneur à vouloir reprendre une entreprise existante. Le potentiel de croissance est le principal motif d’attractivité, suivi des revenus et des profits actuels. Le prix d’achat vient en troisième position, devant le secteur d’activité. Le cinquième facteur le plus significatif est le lien entre l’expérience professionnelle du repreneur et l’entreprise convoitée.
«Cela montre jusqu’à quel point les repreneurs sont prêts à faire des pivots pour amener l’entreprise ailleurs, explique la responsable du Réseau Mentorat. Ce n’est pas facile pour les cédants de rester alerte et à l’affut, afin de rendre l’entreprise attrayante et compétitive. Nos mentors essaient de les appuyer pour qu’ils ne baissent pas la garde. Je ne suis pas certaine que les entrepreneurs qui veulent s’en aller comprennent que le potentiel de croissance a une plus grande valeur que le prix demandé aux yeux de l’acheteur.»
Puisque son organisation prend au sérieux le mentorat, elle précise que ces données pourraient aider à mieux accompagner les cédants, qui vivent souvent des moments très émotifs lorsque vient le temps de se départir du fruit de leur labeur.