«Entreprendre en équipe, c’est aussi partager les risques et les ressources», explique la coauteure de l’«Indice entrepreneurial québécois 2022», Rina Marchand. (Photo: Courtoisie)
L’entrepreneuriat est souvent associé à un projet solo, mais les personnes souhaitant entreprendre ou reprendre une entreprise existante veulent maintenant le faire à plusieurs.
Il s’agit d’un des constats de l’«Indice entrepreneurial québécois 2022», dévoilé jeudi. Les auteurs rapportent que ce phénomène de se lancer avec d’autres avait été observé chez les jeunes en 2014, mais que cette tendance s’est répandue. Ainsi, 58,5% des gens sondés en 2022 qui ont l’intention d’entreprendre désirent le faire avec d’autres. Chez ceux qui veulent reprendre une entreprise, cette proportion est encore plus forte (76,8 %).
«Il y a une mouvance vers des équipes qui tablent sur la diversification des compétences, sur la complémentarité et sur le multiculturalisme, car les entrepreneurs viennent de toutes sortes de pays et ont vécu toutes sortes de parcours», explique la coauteure de l’étude et directrice principale pour le contenu et l’innovation au Réseau Mentorat, Rina Marchand, en entrevue.
«Entreprendre en équipe, c’est aussi partager les risques et les ressources», poursuit-elle.
Ce phénomène permettrait donc de rendre les organisations plus solides, mais il fait cependant en sorte qu’il faille davantage d’entrepreneurs/repreneurs pour créer ou maintenir des PME en vie.
Mal préparés
L’«Indice» révèle que six propriétaires d’entreprises sur dix ont l’intention de vendre ou céder leur entreprise d’ici dix ans. Ce phénomène connu est lié à des facteurs démographiques, puisqu’une forte proportion d’entrepreneurs approchent l’âge de la retraite. Toutefois, le rapport souligne que «le manque de préparation à cette vente ou à ce transfert, de la part des propriétaires, pourrait mettre en péril ce projet d’envergure ». Voici quelques chiffres qui expliquent ces préoccupations :
• Seulement 38,8 % des propriétaires qui comptent vendre/transférer un jour leur entreprise sont préparés et ont un plan de relève en ce sens.
• Parmi ces propriétaires qui espèrent passer à autre chose, 42,6 % ont identifié une relève et très peu d’entre eux (5,5 %) indiquent que ceci est le résultat d’un processus supervisé par un conseil ou un comité.
• Seulement 30,8 % des propriétaires ont eu recours à ce jour à au moins un expert dans le processus de transfert de leur entreprise
• Environ 55 % des propriétaires qui comptent transférer un jour leur entreprise ne connaissent pas la valeur marchande de celle-ci. Parmi ceux qui la connaissent, 28,2 % l’ont établi avec l’aide d’experts.
À l’exception du dernier point sur la valeur marchande, les données concernant les entreprises familiales sont plus encourageantes que pour les autres ce qui a fait grimper les moyennes.
«Les entreprises familiales sont généralement mieux préparées, car le transfert fait quelque sorte partie de leur ADN, note Rina Marchand. Elles ont des leçons à donner aux autres propriétaires qui veulent céder la leur.»
«Le transfert d’une génération à l’autre, cela fait partie du travail quotidien des PME familiales», ajoute l’autre coauteur de l’étude, Jorge Meija. professeur au Département d’entrepreneuriat et d’innovation de HEC Montréal et directeur de l’Observatoire de l’Institut d’entrepreneuriat Banque Nationale – HEC Montréal
En plus d’être peu préparés, les entrepreneurs qui veulent vendre leur entreprise semblent sous-évaluer l’ampleur de cette transaction. «Près de 6 propriétaires sur 10 (57,9 %) estiment que le processus de transfert de leur entreprise, lorsqu’amorcé, se fera rapidement et prendra seulement de 1 à 3 années, écrivent les auteurs. Une vision très optimiste, selon plusieurs expert(e)s, et qui peut ajouter un élément de risque au processus.»
Passer le flambeau
Sachant que le nombre de propriétaires de PME voulant quitter le bateau est considérable, les auteurs estiment que l’accroissement du bassin de repreneurs potentiels devrait être une priorité. Toutefois, la création d’entreprise demeure beaucoup populaire que le repreneuriat. Chez ceux qui désirent se lancer en affaires, le repreneuriat stagne, passant de 19 % en 2010 à 21,9 % en 2022, tandis que la création d’entreprise accapare le reste du gâteau.
Plutôt boudé, le repreneuriat est cependant bien vu par l’ensemble de la population puisqu’environ 4 personnes sur 5 sondées affirment qu’il est tout aussi important que la création d’entreprises.
Mais il en faudra bien plus pour amener davantage de gens à embrasser le repreneuriat.
« Il n’y a pas de solution applicable du jour au lendemain », croit Rina Marchand. Elle souligne le travail d’éducation du Centre de transfert d’entreprise du Québec, des efforts d’institution comme HEC Montréal pour promouvoir le repreneuriat et l’implication de mentors.
Selon elle, une des clés sera de mieux arrimer la génération montante, qui se caractérise par une plus grande diversité (femmes, immigrants, etc.), aux entrepreneurs d’un certain âge voulant passer le flambeau.
«. On a un bassin de proprios cédant qui est d’un autre profil, déclare-t-elle. L’écosystème d’accompagnement peut encore plus tendre la main aux plus jeunes, afin de créer un pont entre ces générations. C’est important, car c’est maintenant que ça se passe.