Réforme de la santé, demande des consommateurs, besoin des employés, nouvelles technologies, changements ...
Réforme de la santé, demande des consommateurs, besoin des employés, nouvelles technologies, changements climatiques… Si les entreprises veulent survivre aux profondes perturbations du monde actuel, elles devront adapter leurs stratégies. Souvent, transformer complètement leur culture. Ce que la gestion de projet peut aider à encadrer.
Dans le cadre du projet d’agrandissement et de modernisation Grandir en santé, le Centre hospitalier universitaire (CHU) Sainte-Justine a mis sur pied une équipe de transition composée de spécialistes en gestion de projet et du changement, ainsi qu’en amélioration continue, cinq ans avant le déménagement de 143 patients en décembre 2016. Leur mandat : transformer la culture de l’organisation pour assurer une transition sécuritaire.
Sortir des habitudes
«On déplaçait des employés qui travaillaient de la même manière depuis 30 ans dans un nouvel environnement et avec de nouvelles technologies. Le risque de choc était assez grand, explique Véronique Duguay, ancienne gestionnaire de projet de la transition du CHU Sainte-Justine. Alors il fallait «décristalliser» leurs façons de faire avant le déménagement, dans le but d’instaurer des réflexes d’adaptation, de changement et d’ouverture.»
Un des obstacles de cette transformation était l’importante pénurie de main-d’oeuvre et les compressions en santé effectuées par le gouvernement provincial en 2015. Sophie Gravel, coordonnatrice du département de néonatalogie – une des neuf unités déménagées – s’en souvient. «Mon ADN était programmé en mode action-réaction. La gestionnaire de projet [Mme Duguay] s’assurait toutefois de toujours garder le cap sur l’objectif, car on aurait pu très facilement s’égarer dans le brouillard des opérations», raconte celle qui travaille comme infirmière depuis 1991.
Au total, 1 150 ressources ont été mobilisées pour cette transition, et 3 000 personnes ont déménagé dans les nouveaux bâtiments du CHU Sainte-Justine. Tout s’est déroulé sans dépasser l’échéancier ni le budget alloué pour l’ensemble du projet Grandir en santé – qui incluait la transition, mais aussi des étapes de construction et de modernisation -, soit près de 1 milliard de dollars. Ce sans-faute a valu à l’équipe de la transition le prix Projet de l’année 2017 du concours Élixir du Project Management Institute (PMI) de Montréal, de l’Association des professionnels en gestion de projet du Québec.
«Le projet s’est fait de manière impeccable, avec quasiment aucun impact sur les patients. Ils avaient un engagement très fort de la part de la direction et ont réussi à mettre en place une culture de gestion de projet impliquant tous les différents corps médicaux», approuve Henri-Jean Bonnis, président du conseil d’administration du PMI-Montréal et président fondateur du cabinet Adsum Groupe Conseil.
Contrôler sa portée
La «somme gaspillée» pour chaque dollar investi dans l’exécution d’un projet a diminué en cinq ans, passant de 13,5 % à 9,9 %, selon les données du «Pulse of the Profession 2018», publiées par le PMI, qui a sondé 5 255 professionnels en gestion de projet et 447 membres de hautes directions partout dans le monde, toutes indus- tries confondues.
Un des facteurs liés à ce gaspillage est la perte de contrôle de la portée (ou objectif), c’est-à-dire lorsqu’une succession de décisions déboulent en avalanche de surplus, faisant souvent gonfler le budget et retardant l’échéancier. C’est ce qu’on appelle, dans le jargon, le «tant-qu’à-faire».
Le gestionnaire de projet doit alors mettre en place des mécanismes de contrôle et de reddition de compte pour anticiper et mitiger les risques. «Réaliser un projet, c’est risqué par définition, rappelle M. Bonnis. Comme nous ne possédons pas de boule de cristal, c’est donc correct de changer d’avis. C’est juste de préciser le périmètre du projet au fur et à mesure, pour ne pas perdre le contrôle.»
Vecteur de changement
La rapidité à laquelle l’environnement de travail évolue force les entreprises à planifier des stratégies à très court terme ; fini le temps où nous avions dix ans devant nous. Le tout crée une pression sur les organisations. «Elles ont beau investir des millions sur une stratégie, elles ne sont tout simplement pas en mesure de l’exécuter», note M. Bonnis, qui a fait partie de sept conseils d’administration depuis 2007.
La gestion de projet, poursuit-il, structure l’organisation afin d’apporter aux dirigeants des réponses fondamentales. Elle gère notamment les risques, les parties prenantes, la communication, la politique, la reddition de compte, et fait le lien avec la stratégie de l’entreprise.
Si, dans les années 1970, la gestion de projet était surtout concentrée sur l’ingénierie, elle est devenue aujourd’hui une profession multidisciplinaire. «C’est un métier qui doit s’adapter aux changements, car les gestionnaires de projet doivent accélérer la marche à suivre», souligne M. Bonnis.
Lorsque vient le temps de transformer une culture d’entreprise pour s’aligner sur le contexte actuel, il faut aussi transformer les humains qui y travaillent. «Ce n’est pas un équipement ou une infrastructure que l’on modifie, mais le nombril des individus, précise Mme Duguay, aujourd’hui directrice de la coordination du programme de la transformation à Investissement Québec. Donc, on ne peut pas imposer le changement. Il faut plutôt le faire comprendre, pour que les individus puissent y adhérer.»