Sylvain Brosseau, un capitaine d’industrie aux grandes ambitions
Simon Lord|Édition de la mi‑juin 2024Sylvain Brosseau est chef de la direction et associé fondateur de Walter GAM (Photo: courtoisie)
À 62 ans, le chef de la direction et associé fondateur de Walter GAM, Sylvain Brosseau, a l’énergie d’un athlète. Pas surprenant, peut-être, pour un ex-hockeyeur caressant des ambitions professionnelles.
Aujourd’hui, loin de penser à accrocher ses patins, il se voit ouvrir le capital de l’entreprise d’ici 10 ans.
Tout petit, Sylvain Brosseau rêvait de faire carrière au hockey. Une fois rendu à l’université, une occasion lui est donnée de réaliser son rêve : on lui offrait une bourse en soutien aux athlètes pour aller étudier aux États-Unis. Il s’est empressé de la saisir.
Malgré la barrière de la langue — son anglais n’était pas très bon, admet-il —, Sylvain Brosseau progresse et devient capitaine de son équipe, à l’Université du Vermont.
Au-delà de ses ambitions sportives, toutefois, il anticipe à plus long terme de devenir médecin. C’est pourquoi, en parallèle de son parcours de hockeyeur, il étudie dans un programme préparatoire en médecine.
«Cela dit, à un moment dans mon parcours, j’ai dû faire un cours d’informatique, raconte Sylvain Brosseau. Ça a tout changé. J’ai adoré, et j’ai fini par faire un baccalauréat et une maîtrise dans le domaine.»
Laissant de côté sa carrière sportive, l’informaticien fraîchement diplômé entre sur le marché du travail en 1986. Il occupe quelques rôles en TI jusqu’en 1992, avant de rapidement réaliser que ce n’est pas le côté technologique qui l’intéresse, sur le plan professionnel.
«Ce qui me passionnait, c’était de travailler en équipe comme au hockey, de monter des projets pour en voir les résultats à plus long terme», explique-t-il. Rapidement, des portes lui sont ouvertes de ce côté.
En 1992, Sylvain Brosseau se joint à l’équipe du fonds d’investissement Talvest à titre de vice-président à la technologie. Il participe notamment à la création du réseau Fundserv, une plateforme pour la vente et l’achat de fonds communs, qui était en pleine ascension à ce moment.
«Encore une fois, on parle de travail d’équipe, de bâtir quelque chose, et ce projet m’a permis d’apprendre les rudiments de l’industrie de la finance.»
Nouvelle période, nouveaux défis
Vers 1994, Sylvain Brosseau entame une nouvelle période de sa carrière.
«Jean-Guy Desjardins, le fondateur de Talvest, m’a demandé: « Veux-tu faire de l’informatique toute ta vie? J’ai d’autres projets pour toi. »»
Dans les trois ou quatre années qui ont suivi, le grand patron l’a donc guidé à travers une série de rôles, allant de vice-président aux opérations à vice-président au marketing.
Son passage à Talvest a culminé dans les deux dernières années par son accession au poste de vice-président exécutif aux marchés institutionnels internationaux, où il s’est occupé de l’ensemble des opérations mondiales de la société jusqu’en 2003. C’est là que s’est entamé un chapitre marquant de sa carrière.
Créer un joueur étoile
En 2003, Sylvain Brosseau passe à Fiera Capital, où il restera jusqu’en 2017 comme président et chef de l’exploitation mondiale. À son arrivée, la société de gestion de placements est encore relativement modeste: elle n’a qu’un petit bureau à Montréal et 30 employés à son bord.
Au cours de la quinzaine d’années où Sylvain Brosseau y a travaillé, Fiera voit ses actifs sous gestion passer de 5 milliards de dollars (G$) à 120G$, et sa capitalisation boursière, de 20 millions de dollars (M$) à plus de 1G$.
«Ce dont je suis le plus fier, de mon travail chez Fiera, c’est d’avoir créé une étoile québécoise pérenne», dit-il, estimant que cette expérience professionnelle a été la formation la plus enrichissante de sa carrière.
«Ça a été comme une maîtrise en administration des affaires légère, estime Sylvain Brosseau. On est passé à travers tous les thèmes d’un MBA, de la privatisation de sociétés à l’expansion internationale en passant par les acquisitions, le passage en Bourse et le lancement de nouveaux produits sur de nouveaux marchés.»
Parmi tous les défis liés à cette croissance, l’aspect humain s’est révélé critique, reconnaît-il, car l’entreprise est passée de 30 à 1000 employés. Son expérience professionnelle l’y a bien préparé, naturellement, mais son passé de hockeyeur lui a également fourni des leçons clés.
«J’ai eu des coachs qui avaient des secondaires cinq, et d’autres, des doctorats en éducation. Ça m’a marqué. J’en ai retenu que l’on pouvait aller chercher le meilleur de nos équipes avec différentes approches. C’est une leçon qui m’a formé et qui m’a aidé à faire réussir mes propres équipes.»
Repartir de zéro
En 2018, désireux de passer à la prochaine étape de sa carrière, Sylvain Brosseau entame une discussion avec la famille Somers, qui dirige le Groupe Walter. Le lien de confiance était déjà établi, puisqu’il était sur le comité consultatif du groupe depuis un an. Néanmoins, il veut leur vendre un gros projet.
Il les rencontre donc un mardi, entre 8h et 10h, et leur présente son idée: il veut fonder une entreprise qui conseille et investit dans des sociétés de gestion d’actifs — ce qu’est aujourd’hui devenue Gestion d’actifs mondiaux Walter, ou Walter GAM. Il ne veut pas qu’investir l’argent de la famille. Il cherche la croissance.
«À 19 h ce soir-là, ils m’ont écrit pour me dire qu’ils acceptaient d’engager 100M$ dans le projet, se souvient Sylvain Brosseau. Nos valeurs et notre désir de bâtir pour le long terme se rejoignaient, alors j’avais confiance, mais ça m’a tout de même surpris d’avoir une réponse le même jour.»
Aujourd’hui, Walter GAM a le vent dans les voiles. En janvier, la société annonçait son dixième investissement, dans Madryn Asset Management, et en mars, son onzième, dans Saranac Partners. Loin de vouloir ralentir, Sylvain Brosseau est actuellement en discussions avec quatre cibles potentielles d’investissements futurs.
«Après cinq ans d’existence, on a montré ce qu’on peut faire, dit-il. L’an dernier, on a eu un rendement de 24%, et depuis le début, on a eu un rendement total de 15%.»
D’ici quatre ans, le chef de la direction aimerait maintenant obtenir de 300M$ à 400M$ de fonds supplémentaires, à raison de 100M$ par année, ce qui lui permettrait d’investir dans trois à quatre entreprises par année.
Son plus grand défi? Trouver des entrepreneurs qui ont envie de bâtir.
«On ne veut pas investir dans des gens qui veulent « casher » pour s’en aller à la plage, explique-t-il. Ce n’est pas une mince tâche.»
Ce défi sera important à relever parce que Sylvain Brosseau, lui, ne rêve pas de soleil et de palmiers. Il veut encore accomplir beaucoup avec Walter GAM.
À 62 ans, il se voit plutôt créer une entreprise aussi prospère et pérenne que Fiera. Plus important encore, son rêve est aujourd’hui d’amener Walter GAM sur les marchés boursiers d’ici 10 ans. À l’évidence, après toutes ces années, la flamme compétitive de l’athlète est toujours bien vive.
«Il y a une valeur incroyable dans Walter GAM et j’aimerais accomplir cet objectif. Est-ce que ce sera dans huit ans? Dix ans? Douze ans? Je l’ignore, mais sur un horizon d’une décennie, je pense qu’on peut y arriver.»
Une chose est sûre, le dirigeant dit encore avoir de l’énergie pour y parvenir.