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Transfert d’entreprise: comment réussir la transition?

Julien Lamoureux|Publié le 27 septembre 2019

Pour réussir un transfert, il faut que les employés, les clients et les fournisseurs ne le sentent pas.

Un transfert réussi en est un au cours duquel les employés, les clients, les fournisseurs et les autres partenaires ne sentent pas qu’il y a un changement brusque, croit Alain Tremblay, associé chez Raymond Chabot Grant Thornton (RCGT).

C’est pourquoi cédant et repreneur(s) doivent être sur la même longueur d’onde au cours d’un processus qui peut s’avérer long, et dont l’aspect central est humain plutôt que financier.

L’acquéreur doit donc faire preuve de tact sans modérer ses ambitions. «Il y a un côté d’humilité à avoir, estime Vincent Lecorne, PDG du Centre de transfert d’entreprise du Québec (CTEQ). On peut avoir la fougue et l’énergie, la volonté d’avancer, mais [il faut aussi avoir] l’humilité de recevoir, de la part du cédant, le transfert de savoir, le transfert de propriété, celui de direction…»

Les ressources sont nombreuses pour aider les repreneurs: des services de comptabilité et de fiscalité, des firmes de conseil et d’avocats ainsi que des banques viennent s’ajouter aux leviers financiers disponibles, comme le Fonds de transfert d’entreprise du Québec. Il ne faut d’ailleurs pas avoir l’impression que le financement est une montagne insurmontable. « Je pense que quand on a établi un bon contact, si la relation est bonne, […] des solutions financières, il y en a partout», lance M. Lecorne.

Malgré le soutien existant, la relation cédant-repreneur reste la clé. Et le plan de transition, qui s’échelonne bien souvent sur cinq ans ou plus, doit établir clairement la marche à suivre afin d’éviter de précipiter inutilement les choses.

 

Jamais sans mon plan

Les repreneurs devraient éviter de se retrouver dans une situation où le cédant est mal préparé. Sauf que plus de la moitié (51 %) des 2500 propriétaires sondés par la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante en mai 2018 n’avaient pas établi de plan de relève. Un autre 41 % avaient un plan en tête, mais ne l’avaient pas couché sur papier.

«La plus belle transition, c’est quand les cédants planifient à l’avance le transfert, et disent: ‘ça va arriver dans les cinq prochaines années, mais je veux impliquer la relève dès maintenant’», soutien Alain Tremblay.

Malgré les leviers financiers à leur disposition, les repreneurs doivent s’attendre à sortir un certain montant de leur poche pour financer le rachat, croit Julie Morand, vice-présidente adjointe, Transfert d’entreprise et Affacturage à la Banque Nationale (BNC). «C’est une petite prise de risque qui sera bien perçue.»

Parce que oui, la perception est très importante. Acquérir une entreprise, c’est aussi prendre sous son aile une équipe et des clients qui ne connaissent pas nécessairement le(s) nouveau(x) actionnaire(s).

 

S’écouter et se comprendre

La communication, à la fois avec l’équipe en place et les cédants, tout comme le maintien des valeurs et de la mission de l’entreprise doivent être pris en compte dans le transfert, poursuit Mme Morand. C’est pourquoi les membres de son équipe à la BNC ont commencé à suivre une formation de l’Institut de leadership, qui s’ajoute à leur bagage de gestionnaires financiers.

Il est aussi important d’éviter de manquer d’empathie envers le deuil que peut vivre le vendeur. «Le cédant va souvent avoir un petit frein à laisser aller son entreprise, et c’est normal», rappelle Alain Tremblay. Selon des chiffres fournis par RCGT, 43% de ceux-ci aimeraient continuer à s’impliquer à temps partiel dans la compagnie. Si l’aspect humain n’est pas bien pris en compte en amont, «les conflits vont arriver», garantit l’associé.

Les repreneurs dits «externes» – qui ne proviennent pas de la famille et qui ne sont pas des employés clés – devraient vivre une période d’intégration dans l’entreprise afin d’en apprendre davantage sur le fonctionnement, la mission et les effectifs de celle-ci. C’est du moins ce que M. Tremblay invite les entrepreneurs à faire.

«Parfois, le processus de relève nous fait comprendre que le fit n’est pas bon, admet-il. Et c’est ce à quoi sert le processus: c’est pour le bien de l’entreprise.»

 

Un temps pour innover

Respecter l’histoire d’une entreprise ne signifie toutefois pas se retenir d’y apporter un vent de fraîcheur. Pour demeurer dans le coup, il faut parfois changer ses pratiques, que ce soit par le biais d’une mise à jour technologique, de l’élargissement ou du rétrécissement des champs d’activité ou encore par l’implantation d’une philosophie plus moderne.

«Dans tout processus de relève d’entreprise, le cédant fait une réflexion stratégique avec la relève, et souvent cette dernière va arriver avec des idées nouvelles», confirme Alain Tremblay.

Évidemment, il ne faut pas trop brusquer les gens en place. Il est essentiel de tenir compte de leur point de vue, mais il faut aussi «faire confiance aux jeunes entrepreneurs, car ils vont nous amener plus loin, rappelle Vincent Lecorne. Par définition, une entreprise, ça innove, ça se régénère sans arrêt. C’est quand même la clé: être en affaires, ça suppose de proposer de nouvelles idées.»