Une histoire qui se finit bien chez Brouillard Communications
Emmanuel Martinez|Édition de la mi‑mars 2024Jean et Florence Brouillard (Photo: Donald Robitaille)
REPRENEURIAT. Avec la famille, ce n’est jamais facile. C’est pour cette raison que les transferts d’entreprises familiaux sont souvent les plus épineux.
Malgré de rapports cordiaux et de la bonne volonté, la passation des pouvoirs a failli ne jamais se faire entre Jean Brouillard et sa fille chez Brouillard Communication.
« C’est dur, confie Florence Brouillard, qui est devenue propriétaire en janvier de la PME fondée par son père en 1988. Une dynamique émotionnelle et familiale mélangée aux affaires, ce n’est pas simple. Il ne faut pas se leurrer en se disant que cela va être facile. Cela complexifie la vie familiale durant certaines années. »
Son père reconnaît aussi que le processus de vente a été plus ardu que prévu.
« On s’entendait très bien, mais on s’est rendu compte que c’est une business, précise-t-il en entrevue. Malgré notre amour, il y a eu des rencontres qui se sont mal terminées, car on avait des vues différentes sur la passation des pouvoirs. »
Avant ce processus, les deux clans reconnaissent qu’ils ne s’y connaissaient pas du tout en matière d’évaluation d’entreprise et d’exonération de capital. L’accompagnement a été crucial.
« Dans du repreneuriat familial, il ne faut faire preuve d’aucune improvisation, note le patriarche. Il faut parler à un fiscaliste, à un évaluateur et à un avocat. On doit bien se documenter pour tout comprendre, car c’était du chinois pour nous. On s’est laissés guider. »
« Si vous croyez que la personne qui prend la relève n’est pas compétente, peut-être que c’est mieux de vendre à un tiers, poursuit-il. J’ai aussi un autre conseil : gardez le sourire ! »
De son côté, Florence Brouillard recommande vivement la médiation. « Cela aide considérablement, mentionne-t-elle. Les avocats et fiscalistes du domaine devraient obliger leurs clients à passer par là. Évidemment, il faut que les deux parties soient dans une situation d’ouverture. »
Transition progressive
Florence Brouillard n’est pas devenue la patronne du jour au lendemain. En fait, elle avoue que cela n’a jamais été dans ses plans.
« Moi, je n’avais pas la fibre entrepreneuriale, mais je l’ai développée, affirme-t-elle. Lui, il me voyait à la tête depuis longtemps. »
Entrée à temps plein en 2013 après ses études, elle n’a jamais quitté la PME. Elle a gravi les échelons en commençant comme agente de communication.
« En montant, je me sentais coupable, comme une impostrice. Toutefois, j’ai gagné le respect de mes clients, bien plus âgés que moi. »
Lors de la crise sanitaire, son père s’est retiré des affaires courantes et c’est elle qui a mené le bateau durant cette période difficile.
« La pandémie m’a obligée à me débrouiller toute seule, d’aller en cinquième vitesse, mentionne-t-elle. Et je m’en suis bien sorti. J’ai appris à découvrir mon leadership et mes valeurs. Du moment où je me suis assumée, je n’ai pas senti que l’équipe niait mon autorité. »
Toutefois, des divergences ont commencé à survenir avec son père. Il ne peut pas y avoir deux capitaines à bord. Elle a alors demandé d’être officiellement nommée directrice générale, donc responsable de l’exploitation.
« Le bureau était trop petit pour nous deux, juge-t-elle. C’était difficile pour les employées d’avoir deux chefs. On n’avait pas de hiérarchie. Tout était très implicite et cela a complexifié le processus de repreneuriat. Ce n’est pas simple de faire avaler cela à son père. »
Ce dernier a cependant accepté de lui laisser le champ libre. C’est à ce moment que Florence Brouillard s’est mis en tête de reprendre l’entreprise, sans patron au-dessus d’elle, car son père restait son supérieur et le propriétaire de la firme de communication.
Durant les négociations parfois tendues afin de racheter la PME, Florence a même sérieusement songé à quitter Brouillard Communication.
Toute cette saga se termine bien. À la tête de l’entreprise, Florence désire la faire grandir en misant sur les forces de la PME : le service à la clientèle et un degré de réactivité très élevé.
« On a un positionnement vraiment intéressant dans le marché, croit-elle. On travaille des dossiers aussi gros que ceux des grands cabinets sans avoir leur lourdeur. »
Elle ne souhaite pas multiplier les antennes de son entreprise, qu’elle veut conserver de petite taille. La patronne peut compter sur son père qui agit comme conseiller pour deux ans.
« Mon bonheur est total, car elle est à la fois heureuse et compétente, dit Jean Brouillard. Elle a les moyens de mettre l’entreprise sur la map québécoise. Je suis l’homme le plus heureux du monde. »