Blasé de ne pas trouver l'image idéale pour enjoliver son nouveau site web, un trio d'entrepreneurs de Montréal ...
Blasé de ne pas trouver l’image idéale pour enjoliver son nouveau site web, un trio d’entrepreneurs de Montréal décide de créer sa propre librairie de photos de qualité et libres de droits. Aujourd’hui, ce sont 55 millions de clichés qui sont téléchargés tous les mois grâce à cet outil alimenté par une communauté de photographes d’un peu partout sur le globe. Zoom sur Unsplash, qui brise les codes depuis 2014.
Stephanie Liverani et ses deux partenaires, Mikael Cho et Luke Chesser, ont fondé, en 2012, Crew Labs, une plateforme d’offre de services pour les concepteurs et les développeurs indépendants, avant de se lancer un peu par accident dans l’aventure d’Unsplash. Cette banque d’images accessible à l’origine depuis un blogue Tumblr s’est rapidement taillé une place de choix chez les développeurs et les concepteurs web.
« Quand nous avons vu qu’il y avait une courbe de croissance assez importante sans que nous fassions grand-chose, à part choisir 10 photos tous les 10 jours et les envoyer par courriel, on a réalisé que ça vaudrait la peine de mettre plus d’énergie dans ce projet », explique Mme Liverani, chef de la communauté d’Unsplash.
Lentement, la banque d’images a dépassé Crew Labs sur le plan de l’achalandage et du rayonnement dans diverses communautés d’internautes. Pour développer cette plateforme à son plein potentiel, les trois entrepreneurs ont décidé de se départir de Crew Labs en 2017.
Contrairement à ce que les détracteurs leur reprochaient à leur début, Unsplash cherche à valoriser le travail des photographes, mais différemment. « On énervait les gens, puisqu’on changeait les règles établies dans l’industrie des banques d’images depuis 20 ans », se rappelle la cofondatrice de l’entreprise.
L’équipe derrière Unsplash est convaincue que le modèle d’affaires de l’utilisateur payeur, fortement répandu dans l’industrie, est désuet. Les téléphones intelligents et les caméras toujours plus performantes y sont pour quelque chose. « La photographie s’est démocratisée. Les consommateurs d’aujourd’hui ne payent plus pour des photos de table, par exemple. Ils peuvent rapidement en trouver des gratuites, ou prendre eux-mêmes la photo », affirme Mme Liverani.
Elle remarque aussi que le cachet que retire un photographe du catalogue de photos accessibles sur des banques d’images est en constante décroissance. Témoin de ces tendances, Unsplash préfère baser son modèle d’affaires non pas sur la vente d’images, mais plutôt sur son auditoire. « Ce qui est unique avec la plateforme, c’est la quantité de personnes qui naviguent sur nos pages quotidiennement. Toutes les secondes, 21 photos sont téléchargées. »
Unsplash mise donc sur la publicité native pour générer des revenus. Elle glisse des photos commanditées dans des entreprises qui désirent mettre en valeur leurs produits par les images consultées par sa communauté. « Parce qu’ils voient ces photos réutilisées partout sur le web, les internautes sont exposés à ces nouveaux produits ou à cette nouvelle marque, sans qu’ils sachent que c’est une publicité. Nous pouvons monnayer cette exposition », dit Mme Liverani, dont les images sont consultées dix milliards de fois par mois. Pas de passe-droit toutefois : les clichés devront répondre aux mêmes critères esthétiques que les 3 000 autres photos soumises quotidiennement à l’équipe éditoriale.
La banque d’images promet qu’une photo obtiendra des milliers de clics, non seulement à partir du site web, mais aussi depuis les 500 autres plateformes, dont Medium et Adobe, qui repartagent des éléments de la librairie Unsplash.
L’une des premières entreprises à avoir testé cette formule ? Google. « Ils voulaient revamper l’image du Chromebook, pour attirer le marché, qui se tourne habituellement vers les Mac. Lorsqu’un utilisateur cherchera des images d’ordinateur, ce seront des clichés de cet appareil qui seront d’abord affichés dans des environnements cool et branchés. On change la perception des consommateurs », explique Mme Liverani. Le contenu commandité devra toutefois correspondre à la recherche de l’usager de la plateforme. « Vous ne verrez pas de photo du ChromeBook si vous en cherchez une d’un chien », nuance-t-elle.
Gare aux imitateurs
Héberger des images gratuites comporte son lot de soucis. Des imitateurs ont, dans le passé, téléchargé des images depuis Unsplash pour les offrir eux aussi gratuitement sur leur site web.
Pour remédier à la situation, Unsplash a développé sa propre licence d’utilisation. Très semblable à la licence Creative Commons Zero (CC0), dans la mesure où l’artiste renonce à tout droit d’auteur sur son oeuvre, elle empêche toutefois les imitateurs de télécharger le contenu de Unsplash pour offrir un service semblable au leur.
L’équipe a un souci constant d’offrir un produit qui soit pertinent pour leur clientèle, peu importe où elle se trouve sur la planète. « L’image que l’on a du monde des affaires n’est pas la même d’un endroit à l’autre, tout comme la diversité », explique la cofondatrice de Unsplash. Elle travaille aussi à rendre son catalogage plus efficace. Pour y arriver, l’équipe, qui s’est toujours contentée de peu de moyens, a conclu en février 2018 une première ronde de financement consacrée uniquement à ce projet. La BDC y a notamment investi 300 000 $ depuis son Fonds pour les femmes en technologie.
Maintenant que l’entreprise basée à Montréal a réussi à atteindre un taux de croissance d’au moins 30 % par trimestre, elle se concentre à générer des revenus. La banque d’images cherche à développer une formule semblable à celle utilisée avec Google qui sera propre à chaque secteur d’activité. Pour ce faire, elle met en place des projets pilotes avec le manufacturier de chaussure Timberland, l’entreprise spécialisée dans le paiement mobile Square et Tourisme Maldives pour ne nommer que ceux-là. « Lorsque nous aurons créé des canevas qui pourront être répétés, nous allons en faire la mise en marché », conclut Mme Liverani.