Vers un réchauffement des relations commerciales avec la Chine?
François Normand|Publié le 04 Décembre 2020ANALYSE — Selon le Wall Street Journal, Huawei et la justice américaine discuteraient pour faire libérer Meng Wanzhou.
ANALYSE — Les tensions politiques et commerciales entre Ottawa et Pékin pourraient baisser d’un cran, si les pourparlers amorcés entre Huawei et la justice américaine mènent à la libération de la directrice financière du géant chinois des télécoms, Meng Wanzhou, qui est détenue au Canada depuis décembre 2018. Un développement qui pourrait favoriser à terme les PME et les grandes entreprises canadiennes qui vendent leurs produits et leurs services en Chine.
Jeudi soir, le Wall Street Journal rapportait que Huawei et le département américain de la Justice cherchent à conclure une entente qui pourrait permettre à la fille du fondateur de la multinationale chinoise de retourner en Chine. Par contre, en échange, Meng Wanzhou devrait reconnaître que certaines des accusations portées contre elle sont fondées.
Le département de la Justice a refusé toutefois de commenter cette nouvelle, tout comme le premier ministre canadien Justin Trudeau, sur les ondes de Radio-Canada ce matin.
Les Américains veulent l’extrader pour qu’elle réponde à des accusations de fraude liées à des contrats que Huawei aurait conclus avec l’Iran, transgressant ainsi les sanctions imposées par Washington contre Téhéran.
Pour l’instant, Meng Wanzhou affirme qu’elle ne voit pas ce qu’elle pourrait reconnaître, car elle croit n’avoir rien à se reprocher, selon une source près de la directrice de Huawei, citée par le Globe and Mail. La femme conteste actuellement son arrestation devant les tribunaux en Colombie-Britannique.
Par ailleurs, citant une autre source, le quotidien torontois rapporte qu’Ottawa exercerait aussi des pressions sur l’administration Trump pour conclure une entente qui pourrait mener à la libération de deux Canadiens détenus en Chine, depuis décembre 2018.
Il s’agit de l’ancien diplomate Michael Kovrig et de l’homme d’affaires Michael Spavor.
La Chine a évoqué des motifs liés à la sécurité nationale pour justifier leur arrestation. Or, des analystes affirment qu’il s’agit en fait de représailles à l’arrestation de Meng Wanzhou à Vancouver, en décembre 2018, à la demande de la justice américaine en vertu d’une demande d’extradition.
Ottawa renonce au libre-échange
Les relations entre Ottawa et Pékin se sont grandement détériorées depuis l’arrestation de Meng Wanzhou au Canada et celle des deux Canadiens en Chine.
En septembre, Ottawa a même renoncé à l’idée de conclure un accord de libre-échange avec le géant asiatique, car « la Chine de 2020 n’est pas la Chine de 2016 », avait déclaré le ministre des Affaires étrangères, François-Philippe Champagne, pour justifier la décision de son gouvernement.
Au Canada, des experts et des personnalités, comme l’ancienne juge à la Cour suprême, Louise Arbour, l’ancien ministre des Affaires étrangères, Lloyd Axworthy, et l’ex-chef du Nouveau parti démocratique, Ed Broadbent, ont demandé au gouvernement de Justin Trudeau de libérer Meng Wanzhou.
À leurs yeux, ce geste mènerait sans doute à la libération des deux Canadiens détenus en Chine.
Un citoyen manifestant à Vancouver en faveur des deux Canadiens emprisonnés en Chine (photo: Getty Images)
Or, jusqu’à ce jour, Ottawa a refusé d’acquiescer à leur demande et à celle de Pékin, rappelant que le Canada est un État de droit et que la justice doit suivre son cours devant les tribunaux. Un processus qui pourrait même mener à terme à la libération de Meng Wanhzou, selon certains juristes.
Un risque pour les gens d’affaires?
En entretien avec Les Affaires en septembre, l’ex-ambassadeur canadien en Chine, Guy Saint-Jacques, affirmait qu’Ottawa a raison de ne pas libérer la dirigeante de Huawei.
Car, à ses yeux, cela enverrait à Pékin le signal que les détentions arbitraires donnent des résultats. « Cela accentuerait le risque politique pour les entrepreneurs et les investisseurs en Chine », avait-il déclaré.
La meilleure carte du Canada, avait-il précisé, est de former des alliances pour exercer une pression internationale sur la Chine pour qu’elle libère Michael Kovrig et Michael Spavor.
Le Canada pourrait par exemple s’appuyer le réseau « Five Eyes », cette alliance des services de renseignement des États-Unis, du Royaume-Uni, de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande et du Canada.
Ottawa pourrait aussi s’appuyer davantage sur l’Inter-Parliamentary Alliance on China (IPAC), selon Guy Saint-Jacques. Ce groupe international de législateurs de 18 pays, dont le Canada et les États-Unis, travaille à réformer l’approche des pays démocratiques à l’égard de la Chine.
L’arrestation de Meng Wanzhou a eu un impact sur le commerce entre le Canada et la Chine.
En 2019, les exportations de marchandises du Canada en Chine ont reculé de 16% à 23,3 milliards de dollars canadiens, selon Statistique Canada.
Cette baisse tient entre autres à la suspension des importations de porc et de bœuf canadiens en Chine en 2019. Officiellement, la Chine a évoqué un enjeu de santé publique liée à la viande canadienne pour justifier sa décision.
Des analystes y ont vu en revanche une forme de représailles économiques à la détention de Meng Wanzhou par les autorités canadiennes