(Photo: 123RF)
BLOGUE INVITÉ. La pandémie et la crise sanitaire qui en découle ont réussi, en quelques semaines seulement, à bouleverser notre quotidien, à l’échelle mondiale. Le secteur de l’immobilier résidentiel, commercial et industriel n’y fait pas exception.
Dans le contexte actuel, l’humilité est de mise, car personne ne sait vraiment ce qui suivra cette période d’incertitude. Faisons tout de même l’exercice de nous projeter dans quelques mois, quelques années et d’imaginer quelle sera notre réalité. Allons-y de quelques réflexions, prévisions et questionnements.
L’immobilier résidentiel non locatif
Dans l’immobilier résidentiel s’adressant aux propriétaires-occupants de condos et de maisons, la COVID-19 viendra sans doute perturber le marché. Depuis quelques années, nous assistions à une augmentation des prix en faveur des vendeurs.
Les emplois disparaissant à un rythme effrayant depuis la mi-mars, il serait surprenant que cela n’affecte pas le marché immobilier à court et à moyen terme. Les prix de vente des propriétés devront s’ajuster à cette nouvelle réalité, en fonction de la vitesse de la reprise économique.
Les mises en marché virtuelles qui s’appuient sur des photos, des vidéos de qualité et qui donnent accès à des plans détaillés seront sans doute en hausse. Les acheteurs, qui craindront de se déplacer après la crise, voudront sûrement visiter les propriétés dans le confort de leur foyer.
Les promoteurs de condos, de maisons et de résidences pour personnes âgées pourraient également être amenés à modifier leurs clauses contractuelles pour se protéger contre les conséquences de futures pandémies. Les retards dans les livraisons des résidences causés par cette crise sanitaire causent des impacts importants pour les acheteurs, sans compter les risques financiers pour les promoteurs. Ces derniers ajusteront-ils les prix pour pallier ce risque? Cela reste à voir.
L’immobilier résidentiel locatif
Plusieurs propriétaires d’immeubles locatifs ont eu des sueurs froides lorsque le gouvernement a mis le Québec sur pause pour quelques semaines. Une portion importante de locataires s’est subitement retrouvée sans emploi, sans revenu. Les propriétaires calculent généralement un taux d’inoccupation et de non-paiement de 5% dans leurs projections financières. La perspective que 20% à 25% de ses locataires se retrouvent au chômage du jour au lendemain, sans revenu pour quelques semaines, a été un choc.
Les gouvernements ont heureusement réagi rapidement par la mise sur pied de programmes d’aide financière, ce qui a atténué les risques de non-paiement de façon importante. Plusieurs propriétaires garderont longtemps en mémoire la perspective que des temps beaucoup plus difficiles doivent être envisagés dans l’élaboration de leurs scénarios financiers.
Ceux qui ont acheté il y a longtemps sont moins affectés que ceux qui ont acheté avec un fort endettement. Il sera intéressant de voir si les banques et la Société canadienne d’hypothèques et de logement ajusteront leurs critères en fonction du taux d’inoccupation et des risques de non-paiement.
À l’avenir, plusieurs propriétaires pourraient également être davantage tentés de louer à des gens qui ont des emplois «béton» au gouvernement, dans les banques, ou qui travaillent pour les services essentiels. Nous avons constaté la précarité des emplois dans de nombreux secteurs : bars, restauration, commerce de détail, soins esthétiques, etc. La solidité financière des candidats sera-t-elle regardée plus attentivement?
Sans tirer avantage de la situation actuelle, il serait peut-être temps pour le gouvernement du Québec de réfléchir sérieusement à la mise en place du dépôt de garantie, pour éviter une discrimination des candidats moins solides financièrement. Il faudra trouver un mécanisme juste pour tous, incluant les gens à faible revenu.
Pour ceux qui misent sur les immeubles récents, il y a lieu de réfléchir aux risques de leur clientèle cible. Les locataires retraités sont plus stables financièrement. Certains promoteurs dans le neuf ciblaient les jeunes ménages de travailleurs, mais ces derniers risquent-ils de perdre leur emploi? Des logements neufs en location mensuelle à 1500$ seront peut-être plus difficiles à louer à une clientèle de travailleurs fragilisés par la COVID‑19.
L’analyse des risques financiers, avec des scénarios plus pessimistes, a probablement été ignorée par plusieurs investisseurs immobiliers au cours des quinze dernières années. La crise sanitaire actuelle entraînera certainement la révision des scénarios financiers.
L’immobilier commercial
Pour plusieurs propriétaires de locaux commerciaux, la COVID-19 aura été un réveil brutal. Les commerces de détail avaient déjà la vie difficile dans les centres commerciaux et sur les rues commerçantes. La pandémie contribuera à changer les habitudes des consommateurs et, par la bande, impactera négativement les propriétaires de locaux commerciaux.
Ces derniers voudront trouver des locataires solides financièrement. Les locataires dans le domaine de la santé, les pharmacies, les épiceries et les commerces essentiels seront recherchés par les investisseurs. C’était déjà le cas avant, mais la compétition pour ces locataires sera encore plus forte après la crise. Ces commerçants pourraient avoir un pouvoir de négociation des prix à leur avantage.
Les édifices commerciaux loués en majorité à des commerces de détail, considérés comme étant à risque, pourraient subir une pression à la baisse sur les prix de vente. Plusieurs commerçants risquent de ne pas s’en remettre. Les acheteurs seront encore plus frileux à l’idée d’acheter un petit centre commercial constitué de commerces non essentiels. Les prix seront assurément affectés. De belles occasions se présenteront également pour les acheteurs de ce type d’édifices.
Les espaces de bureaux seront également affectés par l’après-COVID-19. Les entreprises auront appris à vivre avec le travail à distance. Elles voudront peut-être, à moyen terme, réduire le nombre de pieds carrés loués pour leurs espaces de bureaux. La baisse des prix de location mensuelle aura un impact sur le prix de vente des immeubles de bureaux. Les acheteurs devront prendre cette donnée en compte lors du dépôt de leurs propositions d’achat.
L’immobilier industriel
Il y aura des occasions dans le domaine de l’immobilier industriel. La volonté des gouvernements de retrouver une autonomie dans la production de certains produits essentiels incitera certaines industries à louer des locaux, de même que pour les entrepôts axés sur la distribution et la logistique. Le commerce en ligne prendra probablement encore plus d’ampleur et des espaces d’entreposage et de distribution seront nécessaires. L’immobilier industriel était déjà sur une belle lancée avant la COVID-19, avec des taux d’inoccupation au plus bas depuis longtemps. La tendance se poursuivra probablement dans ce secteur.
Diminution des risques
Avant la crise que nous traversons actuellement, plusieurs investisseurs se concentraient dans un seul domaine et en faisaient une spécialité : résidentiel neuf pour les jeunes professionnels, commercial usagé, etc. La pandémie aura eu l’effet d’un électrochoc pour ceux qui ont vu leurs entreprises immobilières menacées par la diminution potentielle ou réelle de leurs revenus locatifs. L’avenir sera-t-il aux projets à usages mixtes? Les banques imposeront peut-être de nouvelles normes pour sécuriser davantage leurs prêts.
Soyez prévoyant, révisez vos scénarios optimistes, réalistes et pessimistes. L’immobilier est là pour de bon et demeure un placement sécuritaire sur le long terme, mais plus à risque en matière de liquidités.